Arrêt n°290 du 3 avril 2019 (17-28.359)- Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique - ECLI:FR:CCASS:2019:CO00290
Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005)Rejet
Sommaire :
C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain et sans excéder ses pouvoirs ni méconnaître l’objet du litige, qu’une cour d’appel, saisie de demandes tendant, d’une part, au maintien de la date de cessation des paiements fixée provisoirement par le jugement d’ouverture de la procédure collective et, d’autre part, au report de cette date, fixe celle-ci à une date postérieure à la date de report sollicitée et antérieure à celle fixée à titre provisoire.
Demandeur : M. C... P...
Défendeur(s) : M. A... M... ; et autre
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2017), que la société par actions simplifiée RBMH Holding (la société), dont M. P...
était le président, a été mise en liquidation judiciaire par jugement
du 29 avril 2013, la date de cessation des paiements étant
provisoirement fixée au 7 novembre 2012 ; que M. M... ,
désigné en qualité de liquidateur a demandé le report de la date de
cessation des paiements au 11 juin 2012, puis, après dépôt d’un rapport
d’expertise judiciaire portant sur la gestion et la comptabilité de la
société, au 30 avril 2012 ;
Attendu que M. P... fait grief à l’arrêt de reporter au 11 juin 2012 la date de cessation des paiements de la société alors, selon le moyen :
1°/
que le juge, qui ne peut se saisir d’office du report de la date de
cessation des paiements, ne peut s’arroger le droit de fixer une autre
date que celle invoquée par les personnes habilitées à exercer l’action
en report ; qu’en reportant la date de cessation des paiements de la
société au 11 juin 2012, cependant qu’elle avait exclusivement été
saisie d’une demande de M. M... ,
ès qualités de liquidateur, tendant à voir reporter la date de
cessation des paiements de la société au 30 avril 2012, comme préconisée
par l’expert, la cour d’appel, qui ne pouvait d’office reporter la date
de cessation à une autre date que celle invoquée par le liquidateur, a
excédé ses pouvoirs et violé l’article L. 631-8 du code de commerce ;
2°/
que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu’en reportant
la date de cessation des paiements de la société au 11 juin 2012,
cependant que dans ses dernières conclusions d’appel, déposées et
signifiées le 13 avril 2017, M. M... ,
ès qualités, sollicitait uniquement le report de la date de cessation
des paiements de la société au 30 avril 2012, la cour d’appel a statué
sur une demande qui n’était pas formulée par les parties, en
méconnaissance des termes du litige et en violation des articles 4 et 5
du code de procédure civile ;
3°/ que
pour établir que la société était dans l’impossibilité de faire face à
son passif exigible avec son actif disponible, le juge doit préciser
quel était l’actif disponible ou le passif exigible à la date à laquelle
il fixe la cessation des paiements ; qu’en se contenant de relever,
pour reporter la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, que
les remontées de dividendes faisaient défaut « à partir de l’exercice
2012 », sans en préciser la date, et que le passif au 1er janvier 2012,
constitué de découverts bancaires, n’avait pas été compensé par « un
actif disponible concomitant », la cour d’appel a statué par des motifs
impropres à caractériser l’état de cessation des paiements de la
société, en l’absence de toute précision sur l’actif disponible à cette
date, et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.
631-1 du code de commerce ;
4°/ qu’en se
contentant de relever que l’expert conclut que l’examen des comptes
annuels faisait ressortir un niveau de résultat d’exploitation
structurellement négatif devant être compensé par les remontées de
dividendes des filiales, qui ont fait défaut à partir de l’exercice
2012, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et comme cela
ressortait des conclusions de l’expert, qu’en dépit d’impayés, la
société avait encaissé d’importantes sommes de la part de ses filiales,
pour un montant total de 811 000 euros, ce qui lui avait permis de
procéder au paiement d’un nombre significatif de charges pour un montant
total de 661 000 euros, les recettes avaient été supérieures de 150 000
euros aux dépenses, ce dont il s’inférait que la société bénéficiait de
réserves de crédit lui permettant de faire face au passif exigible, la
cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article
L. 631-1 du code de commerce ;
Mais
attendu, en premier lieu, que c’est dans l’exercice de son pouvoir
souverain que la cour d’appel, saisie de demandes tendant l’une au
maintien de la date de cessation des paiements de la société au 7
novembre 2012, fixée provisoirement par le jugement l’ayant mise en
liquidation judiciaire, et l’autre au report de cette date au 30 avril
2012, a, sans excéder ses pouvoirs, ni méconnu l’objet du litige, fixé
cette date au 11 juin 2012 ;
Et attendu,
en second lieu, que l’arrêt relève que la société bénéficiait de
recettes propres correspondant à des facturations de prestations de
services à ses filiales, lesquelles ont fait défaut à partir de
l’exercice 2012, ces sociétés étant presque toutes en procédure
collective ; qu’analysant le rapport d’expertise il retient que les
investigations menées sur la période postérieure au 1er janvier 2012
n’ont pas permis de caractériser un actif disponible concomitant aux
non-paiements constatés ; que par ces constatations et appréciations, la
cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le
détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision de fixer
la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, au regard de
l’absence d’actif disponible qu’elle caractérisait à la date retenue et
du passif exigible non contesté, à cette même date ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M.Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président
Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Guinament, avocat général référendaire
Avocat (s) : SCP Ortscheidt - SCP Foussard et Froger
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