Arrêt n° 932 du 21 novembre 2018 (17-17.468) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique - ECLI:FR:CCASS:2018:CO00932
Transports routiersRejet
Sommaire :
Caractérise une faute inexcusable, au sens de l’article L. 133-8 du code de commerce, la cour d’appel qui retient que constitue une faute délibérée dépassant le seuil de la simple négligence le stationnement d’une remorque non cadenassée, de nuit, sur un site isolé en pleine campagne et donnant directement sur la voie publique, sans aucune surveillance effective, dont le chargement consiste en des marchandises sensibles, mises en colis et facilement enlevables, d’une valeur qui ne pouvait être ignorée du transporteur, et qui en déduit que, dans de telles conditions, ce transporteur professionnel, qui ne pouvait pas ne pas avoir conscience de la probabilité d’un vol, a pris, en toute connaissance de cause, le risque sérieux de voir les marchandises dérobées, l’acceptant ainsi de façon téméraire et sans raison valable.
Demandeur(s) : la société Y...
Défendeur(s) : la société Generali IARD ; et autre(s)
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 27 juillet 2016), que la société ND Logistics, chargée par la société LG Electronics France (la société LG) d’organiser le transport de colis renfermant des téléviseurs à écran plat depuis ses entrepôts vers ceux de la société Carrefour, s’est substitué la société Y...
(le transporteur) pour l’exécution du transport ; que le chauffeur a
pris la marchandise en charge et, la livraison devant intervenir le
lendemain, a laissé l’ensemble routier en stationnement pour la nuit ;
que cent trente-neuf des cent soixante-quatre colis ont été volés dans
la nuit du 17 au 18 août 2011 ; qu’après avoir indemnisé la société LG de son préjudice, la société ND Logistics et son assureur, la société Generali IARD, ont assigné le transporteur ;
Attendu que la société Y...
fait grief à l’arrêt de la condamner au paiement de certaines sommes
alors, selon le moyen, que suivant l’article L. 133-8 du code de
commerce, seule est équipollente au dol la faute inexcusable du
voiturier, laquelle est la faute délibérée qui implique la conscience de
la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison
valable ; que, pour imputer à la société Y...
une faute inexcusable, la cour d’appel a énoncé que le stationnement du
véhicule, de nuit, sur un site isolé en pleine campagne mais
régulièrement occupé par les véhicules d’une entreprise de transport,
donnant directement sur la voie publique, sans aucune surveillance
effective, d’un chargement composé de nombreux colis, donc facilement
enlevables, dans une remorque non cadenassée, le transporteur ne pouvant
ignorer la valeur du chargement, et ce, en contradiction flagrante avec
les instructions reçues, constitue une faute délibérée et dépasse le
seuil de la simple négligence ; qu’elle relevait encore qu’un
transporteur professionnel ne pouvait pas ne pas avoir conscience de la
probabilité d’un vol dans ces conditions et qu’en stationnant un
véhicule chargé de marchandises de valeur sans aucune précaution
particulière, il a pris en toute connaissance de cause le risque sérieux
de voir ces marchandises dérobées, et l’a accepté de façon téméraire et
sans raison valable, dès lors qu’il n’indique pas avoir cherché une
autre solution de stationnement que celle qu’il pratiquait semble-t-il
habituellement ; qu’en statuant ainsi, par de tels motifs, impropres à
caractériser la faute inexcusable du transporteur, dès lors que le lieu
de stationnement n’était pas particulièrement exposé au risque de vol,
et que le donneur d’ordre avait imposé un trajet de nuit, en vue de la
livraison de la marchandise le lendemain de sa prise en charge, à 9 h du
matin, suivant ses propres constatations, la cour d’appel a privé sa
décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais
attendu que l’arrêt relève que le fait d’avoir stationné pour la nuit
une remorque chargée de marchandises sensibles, sans aucun dispositif de
fermeture, sur un terrain non surveillé, constitue une faute du
transporteur, garant des pertes, au sens de l’article L. 133-1 du code
de commerce ; qu’il retient que ce stationnement, de nuit, sur un site
isolé en pleine campagne, même régulièrement occupé par les véhicules
d’une entreprise de transport, donnant directement sur la voie publique,
sans aucune surveillance effective, d’un chargement composé de nombreux
colis, donc facilement enlevables, dans une remorque non cadenassée,
tandis que le transporteur ne pouvait ignorer la valeur du chargement,
et ce, en contradiction flagrante avec les instructions reçues,
constitue une faute délibérée et dépasse le seuil de la simple
négligence ; qu’il ajoute qu’un transporteur professionnel ne pouvait
pas ne pas avoir conscience de la probabilité d’un vol dans de telles
conditions et que la société Y... a
pris, en toute connaissance de cause, le risque sérieux de voir ces
marchandises dérobées, l’acceptant ainsi de façon téméraire et sans
raison valable ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la
cour d’appel, qui a caractérisé l’existence d’une faute délibérée
impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation
téméraire sans raison valable, a légalement justifié sa décision ; que
le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Remery, conseiller doyen faisant fonction de président
Rapporteur : Mme Fontaine
Avocat général : Mme Beaudonnet
Avocat (s) : Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
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