Arrêt n° 906 du 14 novembre 2018 (16-22.845) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique - ECLI:FR:CCASS:2018:CO00906
BourseRejet
Sommaire :
Les dispositions de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, qui permettent de sanctionner les dirigeants d’une personne morale lorsque cette dernière n’a pas respecté ses obligations en matière de publication d’informations privilégiées, ne sont pas contraires à l’article 17 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché qui ne définit que les mesures minimales que les Etats membres doivent mettre en place pour faire en sorte que, conformément au droit national, les autorités compétentes aient le pouvoir de prendre les sanctions administratives et autres mesures administratives appropriées pour faire respecter les règles de fonctionnement du marché.
Demandeur : M. X...
Défendeur : l’Autorité des marchés financiers
Sur le deuxième moyen :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2016), que M. X... était président et directeur général de la société anonyme Tekka Group (la société Tekka) ; que le 18 janvier 2011, en vue de son introduction en bourse, la société Tekka
a enregistré auprès de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) un
document de base contenant des comptes intermédiaires pour le premier
semestre de l’exercice clôturant au 31 mars 2011, dans lequel était
indiquée une perte d’exploitation de 700 000 euros au 30 mars 2010 ; que
le 27 janvier 2011, elle a enregistré auprès de l’AMF une note
d’opération prévoyant ses besoins en trésorerie au cours des douze mois
suivant la date du visa du prospectus ; que le 8 février 2011, elle a
annoncé au public la réalisation de son introduction en bourse sur le
marché Alternext, le règlement-livraison des actions intervenant le 11
février 2011 et les négociations des titres de la société en cotation
continue débutant le 14 février 2011 ; que le 17 juin 2011, le conseil
d’administration de la société Tekka a
arrêté les comptes de l’exercice clos au 31 mars 2011, lesquels
faisaient notamment apparaître des pertes d’exploitation de 3,7 millions
d’euros contre 1,8 million d’euros l’année précédente ; que le 22
juillet 2011, la société Tekka a publié
ses résultats annuels consolidés faisant notamment état de la poursuite
de la croissance du chiffre d’affaires, jugée cependant insuffisante à
remplir les objectifs fixés par la société, et mettant en lumière
l’évolution défavorable de la trésorerie depuis la clôture de l’exercice
2010-2011 ; que la société Tekka a été
mise en redressement puis liquidation judiciaires les 24 mai 2012 et 4
septembre 2012, la radiation des titres intervenant le 11 octobre 2012 ;
que la commission des sanctions de l’AMF a, par une décision du 30 mai
2015, prononcé une sanction pécuniaire contre M. X... pour avoir, en sa qualité de dirigeant de la société Tekka,
manqué à son obligation d’information permanente du public en omettant
de communiquer dès que possible l’information privilégiée relative à la
dégradation des résultats de cette société ;
Attendu que M. X...
fait grief à l’arrêt de rejeter son recours formé contre cette décision
sauf en ce qui concerne le montant de la sanction alors, selon le
moyen, que la loi répressive plus douce doit être appliquée aux
infractions commises avant son entrée en vigueur n’ayant pas donné lieu à
une condamnation passée en force de chose jugée ; que l’article 17 du
règlement n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement
MAR) entré en vigueur le 3 juillet 2016, qui constitue une loi moins
sévère en ce qu’il ne prévoit pas que le défaut de communication d’une
information privilégiée en temps utile puisse être imputé aux dirigeants
personnes physiques des émetteurs, doit être appliqué en l’espèce ; que
la décision attaquée qui, pour condamner M. X...,
s’est fondée sur l’article 221-1 du règlement général de l’Autorité des
marchés financiers, non modifié depuis lors, dont l’application devra
être écartée puisqu’il est contraire aux nouvelles normes européennes en
ce qu’il permet la sanction des dirigeants en cas de report dans la
diffusion d’une information privilégiée, sera annulée, conformément au
principe de rétroactivité des lois répressives plus douces ;
Mais
attendu que si les dispositions de l’article 17 du règlement (UE) n°
596/2014 du parlement européen et du conseil du 16 avril 2014 sur les
abus de marché ne prévoient pas la responsabilité du dirigeant, personne
physique, d’une personne morale lorsque celle-ci a méconnu ses
obligations de publication d’informations privilégiées, il résulte de
l’article 30 du même règlement que ces dispositions ne constituent que
les mesures minimales que les Etats membres doivent mettre en place pour
faire en sorte que, conformément au droit national, les autorités
compétentes aient le pouvoir de prendre les sanctions administratives et
autres mesures administratives appropriées pour faire respecter les
règles de fonctionnement du marché ; qu’il en résulte que ne sont pas
contraires au règlement susvisé et sont donc toujours applicables les
dispositions de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF qui
permettent de sanctionner les dirigeants d’une personne morale lorsque
cette dernière n’a pas respecté ses obligations en matière de
publication d’informations privilégiées ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et
attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement
motivée sur les premier et troisième moyens, qui ne sont manifestement
pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : Mme Mouillard
Rapporteur : M. Contamine , conseiller référendaire
Avocat général : Mme Beaudonnet
Avocat (s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ohl et Vexliard
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