Fonds Cambacérès, en dépôt à la Cour de cassation
Le 6 avril 2017, la Cour de cassation a
reçu du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer le
dépôt du « Fonds Cambacérès », soit un ensemble de 582 volumes couvrant les années 1589 à 1818. Les thématiques représentées reflètent
les centres d’intérêts professionnels et intellectuels du
Prince-Archichancelier de l’Empire : Jean Jacques Régis de Cambacérès (1753-1824).
Les domaines juridiques
couverts sont nombreux : à côté des recueils d’actes royaux et
législatifs, dominent les ouvrages de police générale, d’administration
des finances, et surtout les traités sur la matière domaniale. En effet,
l’ensemble du domaine public naturel et artificiel, sa réglementation
et son contrôle, est documenté : eaux, forêts, terres, mers, routes,
égouts, hôpitaux, prisons, lazarets.
Le fonds encyclopédique
n’est pas moins remarquable. Miroir du temps et des préoccupations
savantes au siècle des Lumières, il couvre de nombreux champs du savoir,
avec notamment sa collection en 118 volumes de l’Encyclopédie méthodique
de Charles-Joseph Panckoucke. Les ouvrages d’art, d’histoire et
d’archéologie les plus modernes côtoient des éditions récentes, en
langue française et étrangère, des classiques comme Tacite et Virgile
autant que des grands auteurs du XVIIIe siècle.
Jean Jacques Régis de Cambacérès (1753-1824)
Originaire de Montpellier, Cambacérès
est pendant la Révolution membre de la Convention : il révèle ses
qualités de jurisconsulte au sein du comité de législation. Lors du
procès de Louis XVI, il s’exprime avec ambiguïté, votant pour la mort du
roi, mais à certaines conditions.
Membre du Conseil des Cinq-Cents en 1795, il est nommé ministre de la Justice en 1799.
Connu et apprécié de Napoléon,
Cambacérès entame après le 18 Brumaire une brillante carrière. Il est
tout au long du Consulat et de l’Empire l’un des premiers personnages de
l’État.
Deuxième consul aux côtés de Bonaparte,
Cambacérès contribue de façon notable à l’élaboration du Code civil,
dont il avait lui-même rédigé un projet en 1795. Lorsque l’Empire
succède au Consulat, il est nommé archichancelier. Couvert d’honneurs
par Napoléon qui le fait Prince et duc de Parme, il devient le
conseiller privilégié de l’empereur.
Après les Cent-Jours il est expulsé de
France comme régicide, mais parvient à être réintégré dans ses droits
par Louis XVIII. Il meurt en 1824 sans avoir été appelé par le roi à
exercer à nouveau des responsabilités.
Souvent critiqué pour son opportunisme
politique, Cambacérès n’en a pas moins été l’un des jurisconsultes les
plus influents de son temps et a grandement contribué à l’élaboration
d’un nouveau droit français.
Une note autographe de Cambacérès
Loix forestières de France,
Commentaire historique et raisonné Sur l’Ordonnance de 1669, les
Réglements antérieurs, & ceux qui l’ont fuivie ; auquel on a joint
une Bibliotheque des Auteurs qui ont écrit fur les matieres d’Eaux &
Forêts, & une Notice des Coutumes relatives à ces mêmes
matieres.... Par M. Pecquet, Grand-Maître des Eaux & Forêts de
France, au Département de Normandie. Tome premier. À paris chez Prault père, Quai de Gêvres, au Paradis ... M.DCC.L.III. [1753].
Dépôt Fonds Cambacérès : DFCA 122
Des statuts de la ville de Parme (1494)
Statuta magnificae ciuitatis parmae … Parmae. Ex Officina Erasmi Viothi, M.D.LXXXX [1590]
Conquis de haute lutte ou acquis au
terme d’âpres négociations, le droit de commune est, durant la période
médiévale, reconnu par une charte qui définit le rapport de la commune
avec l’autorité dont elle dépend, qui dès lors lui reconnaît des
privilèges. Dans la plupart des cas s’ajoutent à la charte des
dispositions relatives à l’organisation intérieure de la commune, à la
condition de ses habitants, et souvent aussi des coutumes. Un droit
urbain spécifique apparaît ainsi à l’extrême fin du XIe
siècle, qui s’affermit aux siècles suivants, et garantit l’exercice des
activités commerciales ou artisanales de nombreuses cités européennes.
Celles-ci bénéficient rapidement d’une juridiction propre à la tête de
laquelle siègent des magistrats choisis par les habitants eux-mêmes. Les
villes italiennes sont parmi les premières à se doter de véritables
statuts. Ce phénomène apparaît dans un contexte de très fort
développement social et économique, mais aussi au moment des grands
conflits entre la Papauté et l’Empire. L’écriture du droit local
emprunte, dans un premier temps, des formes juridiques diversifiées : brevia, capitula, ordinamentum, constitutum, constitutiones … On ne parle pas encore de statuts ; ce terme apparaît en Italie dans le premier tiers du XIIIe
siècle. Ceux de la ville de Parme (1316) établissent que certains
comportements sont interdits dans l’espace communal, sous peine
d’amende. A titre d’exemple, les femmes n’ont pas le droit d’allaiter
leur enfant en public.
Les statuts de la ville de Parme sont
imprimés pour la première fois en 1494 sur les presses d’Angelo
Ugoleti ; une réimpression de cette édition incunable est réalisée, en
1590, par l’imprimeur Erasmo Viotti, fils et successeur de Set Viotti.
Dépôt Fonds Cambacérès : DFCA 91
La gravure sur cuivre
Les premiers livres imprimés (au XVe et
au XVIe siècles) possèdent des illustrations réalisées grâce à la
technique du bois gravé (xylographie). Au cours du XVIIe siècle, puis au
XVIIIe siècle, une nouvelle technique s’impose dans les ouvrages
illustrés : celle de la gravure sur cuivre (dite aussi gravure en
taille-douce). Cette technique offre aux graveurs une plus grande
finesse dans le trait dont bénéficie aussitôt les domaines diversifiés
des arts et des lettres, mais aussi les représentations du savoir
scientifique (médecine, anatomie, sciences naturelles) et technique
(mécanique, physique, mathématiques), ou encore la cartographie.
De l’archéologie à la numismatique
Antonii Augustini ... Antiquitatum Romanorum Hispanarumque in nummis veterum Dialogi XI... Nomismatum iconas A Iacobo Biaeo... Antuerpiae, Apud Henricum Aertssium, M.DC.XVII. [1617]
Cet ouvrage compte parmi les tous
premiers ouvrages de numismatique. Son auteur, Antonius Augustinus
(1517-1586), archevêque de Tarragone, fait figure de véritable
humaniste : à la fois jurisconsulte et philosophe, archéologue et
bibliophile. L’ouvrage contient 60 planches de médailles réalisées par
Jacques de Bye (1581-1640), dessinateur et graveur originaire d’Anvers.
La deuxième partie de l’ouvrage, qui contient l’ensemble des médailles
gravées, s’ouvre sur une page de titre ornée intitulée Nomismata Imperatorum Romanorum aurea argentea aerea A. C Julio Caesare usque AD Valentinianum AVG,
également datée de 1617. Cette gravure sur cuivre est signée
« MAsinius », nom latinisé du graveur français Michel Lasne (1590-1667).
Ce natif de Caen compte parmi les meilleurs graveurs français de son
temps. Grand travailleur, il a laissé une œuvre considérable. Il fut
protégé par Anne d’Autriche et travailla à Anvers de 1617 à 1620 avec
Théodore Galle et Jacques de Bye. On attribue à Rubens le dessin des
titres gravés par Michel Lasne pour Jacques de Bye ; la supposition
semble pouvoir être admise, bien que le nom du grand peintre
n’apparaisse pas sur ces pièces. Celle-ci représente la puissance de
Rome depuis ses origines (la Louve et les jumeaux Romulus et Rémus)
jusqu’à l’apogée de ses conquêtes, tant terrestres que maritimes, sous
l’Empire (la Guerrière couronnée par la Victoire). Entre la Louve et la
Victoire, gisent des captifs enchaînés. La tête de sanglier (à droite)
et le bélier (à gauche) symbolisent la force, la combativité,
l’invincibilité ; les boucliers, haches et flèches sont autant de
marques de la puissance de l’armée romaine et du pouvoir de ses chefs.
Sous le titre gravé, se trouve un ex dono manuscrit de Jacques de Bye à
Jacques Boonen (1573-1665), alors évêque de Gand et futur archevêque de
Malines (1620).
Dépôt Fonds Cambacérès : DFCA 170
Un voyage d’érudition
Museum italicum seu Collectio
veterum scriptorum ex bibliothecis italicis, eruta D. Johanne Mabillon,
D. Michaele Germain presbyteris monachis Benedictine Cong. S. Mauri. … Lutetiæ parisiorum. Apud Montalant, ad Ripam PP. Augustinianorum prope Pontem S.Michaëlis. M.DCCXXIV [1724]
Les travaux et recherches des moines de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés sont indissociables de leur appartenance à la congrégation de Saint-Maur. Pour les mauristes, le respect de la règle bénédictine comporte une forte dimension historique, dans la mesure où la recherche de la pureté de la règle initiale s’appuie sur la connaissance de la vie des saints, l’étude des auteurs monastiques, sur l’histoire de leur ordre, autrement dit : sur la collecte de documents et la critique textuelle.
Dom Jean Mabillon (1632-1707) est, sans conteste, le plus célèbres des mauristes. Après un séjour comme trésorier à l’abbaye de Saint-Denis, il est envoyé en 1664 à la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés où il seconde activement Dom Luc d’Achery. Il assiste alors ce dernier dans la collecte de documents en vue de la rédaction des Actes de l’Ordre de Saint-Benoît (Acta Ordinis Sancti Benedicti). Sa contribution se révèle à ce point déterminante que le premier volume édité de ce projet lui est finalement attribué.
En 1681, Dom Jean Mabillon publie le traité De re diplomatica qu’il rédige à la demande de ses supérieurs, en réponse à la mise en question de l’authenticité de certaines chartes conservées à l’abbaye de Saint-Denis. A cette fin, il propose des outils permettant d’authentifier et de dater chartes et documents anciens. La diplomatique est née.
En 1685-1686, assisté de Dom Jean
Germain (1645-1694), il entreprend un voyage en Italie, dont la relation
est publiée, en deux tomes, sous le titre Museum italicum entre
1687 et 1689, et rééditée en 1724. Les notes permettent de suivre
l’itinéraire de Jean Mabillon et Michel Germain jusqu’à Rome et Naples ;
les deux érudits s’arrêtent à Milan, Venise, Ravenne et au Mont-Cassin,
dont la célèbre abbaye a été fondée au VIe siècle par Benoît
de Nursie ; ils visitent nombre de bibliothèques et rapportent près de
400 volumes pour la Bibliothèque royale.
Dépôt Fonds Cambacérès : DFCA 93
Le précurseur du néoclassicisme européen
Storia delle arti del disegno presso gli antichi di Giovanni Winkelmann. Tradotta dal tedesco con note originali degli editori… In Milano : Nell’s Imperial Monistero di S. Ambrogio Maggiore, M.DCC.LXX.IX [1779]... 2 vol.
Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) est l’une des personnalités les plus fascinantes de ce XVIIIe
siècle que Goethe appelait le « siècle de Winckelmann ». Grâce à ses
écrits, l’histoire de l’art et l’histoire de l’archéologie allemande ont
connu une très large diffusion européenne. Fondateur de l’archéologie
en tant que discipline moderne, il est aussi le précurseur du
néoclassicisme. L’art grec fascine Winckelmann, en particulier la
sculpture de l’époque classique, qui représente à ses yeux un modèle à
imiter autant qu’un moment historique indépassable. Sa réflexion
esthétique est entièrement tournée vers l’idée (l’idéal) du « Beau ».
Winckelmann a laissé plusieurs ouvrages précieux pour l’étude du dessin.
Il a principalement développé ses théories esthétiques dans son Histoire de l’art chez les Anciens,
dont l’édition allemande date de 1764. Cette œuvre est traduite en
français en 1766, puis rééditée en 1789. En Italie, la première
traduction du texte est imprimée à Milan en 1779, avant d’être publiée à
Rome en 1782 et 1786. L’édition milanaise est dédiée au cardinal
Alessandro Albani (1692-1779), connu pour son attachement à l’art, pour
son mécénat et son soutien à l’essor de l’art néoclassique.
Dépôt Fonds Cambacérès : DFCA 101
Topographie et anglomanie
History (the) of England, from the invasion of Julius Caesar to the revolution in 1688, by Davis Hume. London : Corrall, 1809.
Dépôt Fonds Cambacérès : DFCA 19
Nouvel Atlas d’Angleterre divisé en
ses 52 Comtés avec toutes les routes levées topographiquement par ordre
de S.M. Britannique et les Plans des Villes et Ports de ce Royaume. [Suivi de :] Itinéraire de toutes les routes de l’Angleterre revues, corrigées, augmentées, réduites par Senex … A Paris, chez le Sieur Desnos, Ingénieur Géographe pour les Globes et Sphères Rue Saint Jacques, 1767.
Ce recueil de planches s’ouvre sur une
page de titre gravé, coiffée de l’emblème et de la devise de l’ordre de
la Jarretière : « Honi soit qui mal y pense ». Il contient : 10 cartes
gravées à double page finement coloriées ; 2 cartes gravées à double
page sur les régions côtières du nord de la France ; une liste des
villes et routes d’Angleterre, suivie d’une carte des routes
d’Angleterre par John Ogilby ; des planches gravées des ports
d’Angleterre.
Les trois auteurs sont des cartographes renommés.
Louis-Charles Desnos (1725-1805) est un
géographe et libraire français, à qui l’on doit également la
fabrication d’instruments de cartographie et de globes. Il occupe auprès
du roi du Danemark, Christian VII, le poste de Royal Globemaker. Sa
grande production de cartes lui vaut de nombreuses critiques de la part
de ses concurrents. Peu regardant sur l’exactitude des cartes et moins
encore sur les droits d’auteur, il connaît de nombreux démêlés avec la
justice de son temps.
Traducteur et cartographe écossais, John Obilgy (1600-1676) est célèbre pour son Britannia Atlas de 1675, l’un des premiers atlas routiers anglais qui fixe les standards du genre. Lorsque sa propriété londonienne est détruite pendant le grand incendie de Londres en 1666, il reconstruit sa maison à Whitefriars et y installe une presse à imprimer avec laquelle il produit de nombreux livres de qualité et notamment des atlas géographiques.
Né dans une famille d’éditeur,
Carington Bowles (1724-1793) poursuit l’œuvre familiale. A la suite de
ses ancêtres, il imprime un grand nombre de textes et de cartes
d’Angleterre, et du reste du monde.
Dépôt Fonds Cambacérès : DFCA 134
Encyclopédie méthodique : par ordre de matière par une société de
gens de lettres, de savans et d’artistes précédée d’un vocabulaire
universel, fervant de Table pour tout l’Ouvrage, ornée des portraits de
MM. Diderot et d’Alembert, premiers éditeurs de l’Encyclopédie. Paris : Charles-Joesph Panckoucke, 1782-1791, volume de planches sur les "Poissons".
Dépôt Fonds Cambacérès : DFCA 182
Le vendredi 15 septembre 2017, l’exposition du fonds Cambacérès en dépôt à la Cour de cassation a été présentée aux chefs de cour et de juridiction du Palais de justice de Paris.
De gauche à droite : François Molins, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, Jean-Michel Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris, Éliane Houlette, procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris, Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation, Chantal Arens, premier président de la cour d’appel de Paris.
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