6 March 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-23.647

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00114

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Responsabilités et sanctions - Responsabilité des créanciers - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Accord de conciliation - Banque ayant tardé à consentir un crédit et n'ayant pas accordé le différé d'amortissement de ce dernier

Echappe aux dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce l'action en responsabilité engagée contre une banque à qui il est reproché d'avoir tardé à consentir un crédit et ne pas avoir accordé le différé d'amortissement de ce dernier en méconnaissance des engagements stipulés dans un accord de conciliation

BANQUE - Responsabilité - Entreprise en difficulté - Violation de l'accord de conciliation - Portée - Application de l'article L. 650-1 du code de commerce (non)

Texte de la décision

COMM.

SH



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 mars 2024




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 114 F-B

Pourvoi n° G 22-23.647









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 MARS 2024

M. [F] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 22-23.647 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Atlantique Vendée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [N], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Atlantique Vendée, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 septembre 2022), les sociétés Joyaux perles gemmes, [O] [I] et MH Distribution, détenues intégralement par la société Fleur de sel participations ayant pour représentant légal et associé majoritaire M. [N], ont obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation qui a abouti à la signature, le 10 septembre 2015, d'un protocole d'accord avec leurs différents partenaires bancaires, dont la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Atlantique Vendée (la banque).

2. Ce protocole d'accord, homologué par un jugement du 7 octobre 2015, prévoyait l'octroi d'un prêt de consolidation par chaque établissement ainsi que le maintien ou la réitération des garanties préexistantes des concours consolidés.

3. Le 1er mars 2016, la banque a consenti à la société Joyaux perles gemmes un prêt de consolidation de 303 000 euros garanti par le cautionnement solidaire de M. [N] et par une hypothèque sur deux biens lui appartenant.

4. Les 13 juillet et 7 septembre 2016, la société Joyaux perles gemmes a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires.

5. Le 2 juin 2020, reprochant à la banque de ne pas avoir respecté les termes du protocole de conciliation relatifs au délai dans lequel le prêt devait être consenti et au différé de remboursement d'un an qu'il devait prévoir, M. [N] l'a assignée en réparation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte ; qu'en retenant que M. [N] ne reprochait pas à la banque d'avoir commis une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion de la société Joyaux perles gemmes ni d'avoir pris des garanties disproportionnées en contrepartie de ces concours bancaires mais d'avoir accordé le prêt de consolidation dans des conditions méconnaissant ses engagements contractuels dans le protocole de conciliation, de sorte que la banque pouvait valablement opposer le bénéfice des dispositions précitées à M. [N], quand celles-ci étaient inapplicables à l'action en responsabilité de M. [N] fondée sur une réduction abusive du concours de la banque caractérisant la violation, par celle-ci, de ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article L. 650-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce :

7. Les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait ou leur diminution, peut donner lieu à l'application de ce texte.

8. Pour rejeter les demandes de M. [N], l'arrêt retient que ce dernier ne reprochait pas à la banque d'avoir commis une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion de la société Joyaux perles gemmes ni d'avoir pris des garanties disproportionnées en contrepartie de ces concours bancaires mais d'avoir accordé le prêt de consolidation avec plus de trois mois de retard, avec une durée d'amortissement de 37 mois et sans période de différé d'amortissement de douze mois en méconnaissance des engagements contractuels du protocole de conciliation, de sorte que la banque pouvait valablement opposer le bénéfice des dispositions précitées à M. [N].

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [N] ne reprochait pas à la banque de lui avoir consenti un concours mais d'avoir tardé à le lui octroyer et de ne pas avoir consenti le différé d'amortissement d'un an auquel elle s'était engagée en signant le protocole de conciliation, ce dont il résultait que la responsabilité de la banque était recherchée pour avoir retardé et diminué son concours, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant le jugement déféré, il rejette la demande de dommages et intérêts de M. [N] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Atlantique Vendée aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre et signé par Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.

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