12 January 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/15991

Chambre 4-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 12 JANVIER 2024



N° 2024/002













Rôle N° RG 19/15991 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAY2







SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DE RESTAURATION ET D'INVEST ISSEMENTS CONCERTES





C/



[C] [H]













Copie exécutoire délivrée

le : 12 janvier 2024

à :



Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00607.





APPELANTE



SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DE RESTAURATION ET D'INVESTISSEMENTS CONCERTES, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIME



Monsieur [C] [H], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON











*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller









Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2024.







ARRÊT



Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2024



Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



























































[C] [H] a été engagé en contrat d'apprentissage par la société SAS SERIC (SOCIETE D' EXPLOITATION DE RESTAURATION ET D'INVESTISSEMENTS CONCERTES), le 1er juillet 2017, en qualité de commis de cuisine, niveau l, échelon I de la Convention Collective de la Restauration Rapide .



L'entreprise emploie moins de 11 salariés.



Aucun contrat écrit n'a été établi lors de l' embauche, l'employeur a régularisé cette situation le 6 janvier 2018 et enregistré le contrat le 12 juin suivant.



La rupture de la relation de travail est intervenue le 10 juillet 2018.



Par requête en date du 26 octobre 2018 Mme [V] es qualité d'administratrice légale de son fils mineur [C] [H] a saisi le conseil prud'hommes de Martigues d'une demande de requalification du contrat d'apprentissage en CDI et subsidairement d'une demande de nullité du contrat d'apprentissage, de demandes de rappel de salaires et congés payés afférents, indemnité de licenciement, dommages intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, absence de visite d'embauche et rupture abusive du contrat de travail outre la délivrance de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout assorti de l'exécution provisoire.



Par jugement en date du 6 septembre 2019 notifié le 23 septembre 2019 à la société SERIC le conseil de prud'hommes de Martigues a :



Dit et jugé Monsieur [C] [H] bien fondé en son action.

Dit que la relation de travail était sous le régime d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Dit la rupture du contrat dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamné la société SAS SERIC prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes :

- 3061,65 euros à titre de rappel de salaire sur la base du SMIC

- 306, 16 euros à titre d'incidence congés payés y afférent.

- 415,70 euros à titre d'indemnité de licenciement.

- 499,49 euros à titre de salaire du 1er au 10 juillet 2018.

- 49,94 euros à titre d'incidence congés payés afférent.



Rappelé que ces montants sont assortis de l'exécution provisoire de plein droit en application de l'article R 1454-14 et 28 du code du travail, fixé la moyenne sur ce dernier article à la somme de 1300 euros.

En outre,

Condamné la société SAS SERIC prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes :

- 1000 euros à titre de dommages et intérêts tous confondus pour licenciement réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse de licenciement et non respect de la procédure de licenciement.

- 1500 € à titre de frais de procédure.

DEBOUTE Monsieur [H] du surplus de ses demandes.

DEBOUTE la société SAS SERIC de sa demande.

Dit que les intérêts légaux seront calculés à compter 26 octobre 2018, avec capitalisation, en application des articles 123 1-7 et du Code Civil.

Vu les articles 695 et 696 du code de procédure civile, mis les entiers dépens à la charge de la société SERIC



Par déclaration enregistrée et notifiées par RPVA le 16 octobre 2019 la société SERIC a interjeté appel du jugement dans chacun des chefs de son dispositif.



Aux termes de ses ultimes conclusions déposées et notifiées par RPVA le 2 avril 2020, auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l'appelant demande à la cour de :



Dire et juger que le contrat d'apprentissage de Monsieur [H] est conforme aux

dispositions légales,

Constater la rupture amiable du contrat d'apprentissage de Monsieur [H],

En conséquence,

Réformer le jugement entrepris et statuant de nouveau,

Débouter Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Le condamner à verser à la société SERIC la somme de 3.000 € pour la procédure de

première instance et 3.000 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure

civile,

Le condamner aux entiers dépens



Il fait valoir en substance



' Que le contrat d'apprentissage est régulier



- qu'en effet l'exécution du contrat a débutée le 1er juillet 2017 pour une période de formation commençant le 11 septembre 2017 conformément aux dispositions de l'article L 6222-12 du code du travail



- que le retard dans la signature du contrat n'emporte pas sa requalification en CDI ni sa nullité, sanction qui n'est pas mentionnée par l'article R6222-2 du code du travail.



- que seul le défaut total d'enregistrement emporte nullité du contrat tandis que le retard d'enregistrement, quelle qu'en soit la durée, n'est pas sanctionné par la Cour de cassation.

Qu'en tout hypothèse le retard d'enregistrement ne lui est pas imputable et résulte des erreurs de son expert comptable comme du représentant légal de l'apprenti.



' Que si la cour retient l'existence d'un CDI à défaut d'écrit, ce contrat a fait l'objet d'une novation par la signature du contrat d'apprentissage le 6 janvier 2018.

Qu'en toute hypothèse il ne peut s'agir d'un contrat à temps complet puisque l'intimé n'était pas présent dans l'entreprise pendant ses périodes de formation ; qu'en conséquence les prétentions à caractère salarial sont injustifiées.



' Que le contrat a été rompu de manière amiable à la demande du mineur et de son représentant légal le 10 juillet 2018



' Que l'intimé ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat et défaut de visite d'embauche



Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 9 janvier 2020 ,auxquelles il est fait expréssément référence pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens , l'intimé demande à la cour de



Débouter la SAS SERIC de son appel principal comme étant dénué de tout fondement.



Confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a requalifié le contrat de d'apprentissage en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun et condamné la SAS SERIC au paiement des sommes suivantes :

- 3061,65 euros à titre de rappel de salaire sur la base du SMIC

- 306, 16 euros à titre d'incidence congés payés y afférent.

- 415,70 euros à titre d'indemnité de licenciement.

- 499,49 euros à titre de salaire du 1er au 10 juillet 2018.

- 49,94 euros à titre d'incidence congés payés afférent.



Recevoir l'appel incident du concluant comme étant régulier en la forme et juste au fond ;



Infirmer la décision entreprise pour le surplus.



Statuant à nouveau :



Ordonner la remise de bulletins de paie mentionnant un horaire de travail à temps complet avec application d'un taux horaire conforme aux SMIC, du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.



Vu les articles L1232-1 et L1232-6 du code du travail ;

Dire et juger que la rupture du contrat de travail au 10 juillet 2018 est abusive ;

En conséquence,

Condamner la SAS SERIC au paiement des sommes suivantes :

- 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

- 2.996,94 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

Ordonner la remise la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI, conformes à la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de sa notification.

En tout état de cause,

Condamner la SAS SERIC au paiement de la somme de 1.421,09 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Vu les dispositions des articles R4624-10 et R4624-11 du Code du travail ;

Condamner la SAS SERIC au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le concluant en raison de l'absence de visite médicale d'embauche.

Condamner la SAS SERIC au paiement de la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.



Condamner la SAS SERIC aux entiers dépens.



Il fait valoir en substance



' Que le contrat d'apprentissage doit être établi par écrit préalablement à l'emploi de l'apprenti conformémént aux dispositions de l'article L 6222-4 du code du travail ; qu'en l'espèce il a travaillé sans contrat écrit du 1 juillet 2017 au 6 janvier 2018 et doit donc être considéré comme titulaire d'un CDI.



' Que le contrat d'apprentissage n'a été signé que le 6 janvier 2018 et n'a été enregistrée que le 12 juin 2018 et est de ce fait nul.



' Qu'un salarié peut demander un rappel de salaire et des indemnités de rupture du contrat

de travail, conformément aux dispositions de droit commun (Cass. soc., 12juill. 1994, no 90-44.044) lorsque le contrat d'apprentissage encourt la nullité.



' Que la rupture bilatérale du contrat est propre au contrat d'apprentissage et ne s'applique pas à la rupture du CDI ; qu'en conséquence la rupture est sans cause réelle et sérieuse et justifie ses demandes indemnitaires et de préavis d'un mois.



' Que la preuve du paiement du salaire du 1er au 10 juillet 2018 n'est pas rapportée par l'employeur ; qu'il n'a bénéficié d'aucun jour de congés et peut prétendre au paiement de 10% du salaire total perçu sur la période à ce titre.



' Que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité en ne le soumettant pas à la visite d'embauche ce qui justifie sa condamnation à dommages intérêts au titre du préjudice subi.



L'ordonnance de clôture est en date du 9 octobre 2023.






Motifs de la décision



En application de l'article L6222-4 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008, le contrat d'apprentissage est un contrat écrit qui comporte des clauses et des mentions obligatoires.



Il est signé par les deux parties contractantes préalablement à l'emploi de l'apprenti.



En conséquence de ce texte la Cour de cassation affirme que la signature d'un contrat écrit est une condition de validité du contrat d'apprentissage dont le non respect est sanctionnée par la nullité.



En l'espèce il ressort des bulletins de salaire versé par l'intimé aux débats, non contestés par l'employeur, que l'intimé a commencé à travailler pour le compte de la société appelante dans le cadre d'un contrat d'apprentissage non écrit à compter du 1er juillet 2017.



Ce contrat est donc nul tant pour la période du 1er juillet 2017 au 6 janvier 2018 que pour la période postérieure au 6 janvier 2018 dès lors qu'il ressort des pièces 3 et 11 de l'appelant que le contrat signé le 6 janvier 2018, aux fins de régularisation, est également postérieur à

l'emploi au sein de l'entreprisequand bien même a-t-il été enregistré.



La Cour de cassation décide de manière constante que le contrat d'apprentissage frappé de nullité ne peut être requalifié (Soc., 28 mai2008, n 06-44.327, Bull. V, n 118) en contrat à durée déterminée ou en contrat à durée indéterminée.

Elle juge que le jeune travailleur peut prétendre au paiement des salaires sur la base du SMIC (ou du salaire minimum conventionnel) pour la période où le contrat a cependant été exécuté avec les abattements tenant à l'âge ( D 3231-3 du code du travail ), ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture des relations de travail sur le fondement du droit commun de la responsabilité.



Cest donc à tort que le conseil de prud'hommes a procédé à la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2017 et alloué à l'intimé des sommes à titre d'indemnité de licenciement, de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et non respect de la procédure de licenciement.

Le jugement est donc réformé de ces chefs.



En l'espèce [C] [H] qui est né le 25 janvier 2001 pouvait donc prétendre à 80% du SMIC avant le 25 janvier 2018 et à 90% du SMIC à partir de cette date juqu'à la date de cessation de la relation de travail le 10 juillet 2018.



Les salaires figurant sur l'attestation pôle emploi, qui concordent avec les trois bulletins de salaires produits par l'intimé (pièce 1 de l'intimé),contrairement à ceux produits par l'employeur, démontrent qu'hormis en mai et juin 2018 M [H] a été indemnisé du travail accompli , il sera en conséquence fait droit à sa demande de rappel de salaire dans la limite de 2066,94 euros tenant compte du salaire du 1 au 10 juillet 2018 que l'employeur ne justifie pas avoir payé nonosbtant la production d'un bulletin de salaire.



La nullité du contrat d'apprentissage, imputable à l'employeur, prive M [H] d'une chance de paiement de 30 jours de congés payés figurant sur ses bulletins de salaire. Le solde de tout compte auquel se réfère l'employeur pour alléguer un paiement est incompréhensible en ce qu'il porte une retenue de salaire ayant pour effet de le rendre négatif sans aucune explication. Il est en conséquence fait droit à la demande d'indemnisation de ce chef.



Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre à l'intimé un bulletin de salaire rectificatif pour les mois de mai, juin et juillet 2018 ainsi qu'une attestation pôle emploi rectifiée ; Le prononcé d'une astreinte n'est pas nécéssaire.



L'intimé ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande de dommages intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche, le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.



L'employeur qui succombe à titre principal est condamné à payer à l'intimé la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du CPC et sera déboutée de ses propres prétentions de ce chef.



PAR CES MOTIFS



La cour



Infirme le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat d'apprentissage ayant lié M [H] à la société SERIC en contrat de travail à durée indéterminée, condamné la société SERIC à payer à M [H], une indemnité de licenciement ainsi que des dommages intérêts pour licienciement sans cause réelle et sérieuse et non respect de la procédure de licenciement ainsi que des sommes au titre des congés payés ;



Infirme le jugement sur le montant alloués au titre des rappels de salaires ;



Statuant à nouveau de ces chefs



Prononce la nullité du contrat d'apprentissage conclu entre M [H] et la société SERIC



Condamne la société SERIC à payer à M [H]



- 2066,94 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2017 au 10 juillet 2018 inclus.

- 1.421,09 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par perte de chance d'acquérir des congés payés



Ordonne à la société SERIC de remettre à M [H] un bulletin de salaire rectificatif pour les mois de mai, juin et juillet 2018 ainsi qu'une attestation pôle emploi rectifiée dans le mois suivant la notification de l'arrêt ;



Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;



Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant



Condamne la société SERIC à payer à M [H] 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;



La déboute de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société SERIC aux dépens d'appel.



Le greffier Le président

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