14 December 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/22228

Pôle 4 - Chambre 11

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 14 DECEMBRE 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22228 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3ZT



Décision déférée à la Cour : jugement du 05 octobre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/05352





APPELANTE



FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée et assistée par Me Stéphane BRIZON de l'AARPI AARPI BRIZON MOUSAEI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2066





INTIMES



Monsieur [T] [X]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 10]

Représenté par Me Franck NICOLLEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2467



S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée par Me Philippe MARINO de la SCP DORVALD MARINO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0143



CAISSE D'ASSSURANCE MALADIE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERE (CAMIEG)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jérôme HOCQUARD de la SELARL ELOCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087



S.A. MMA IARD

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

Assistée par Me Clémentine POYTO, avocat au barreau de PARIS



CPAM [Localité 11]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

n'a pas constitué avocat



FEDERATION FRANCAISE HANDISPORT

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

Assistée par Me Clémentine POYTO, avocat au barreau de PARIS



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Sylvie LEROY, conseillère



Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN



ARRÊT :



- réputé contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.




FAITS ET PROCÉDURE



Lors de sa participation au championnat du monde de fleuret s'étant déroulé à [Localité 9] du 4 au 13 novembre 2010, M. [T] [X], lors du premier jour de compétition, s'est blessé en chutant sur la piste d'escrime dont le sol était gondolé.



Par lettre du 27 juillet 2012, le conseil de M. [X] a mis en cause la responsabilité de la Fédération française d'escrime, en sa qualité d'organisatrice de la compétition.



Le 4 septembre 2012, la Fédération française d'escrime a répondu à M. [X] que l'organisateur de la compétition était l'association « Comité d'organisation des championnats du monde d'escrime [Localité 9] 2010 » (COMEP), aujourd'hui dissoute.



Le 12 septembre 2012, le président du COMEP a écrit à M. [X] que ce comité était en charge de l'organisation du championnat et que sa demande d'indemnisation avait été transmise à son assureur, la Mutuelle des sportifs.



Le 24 septembre 2012, la Mutuelle des sportifs a indiqué à M. [X] que sa demande avait été transmise à la société Covea Risks, aux droits de laquelle vient la société MMA IARD assurances mutuelles (la société MMA), assureur de la Fédération française handisport.



Une expertise amiable contradictoire a été réalisée, à l'initiative de la société Covea Risks, par les Docteurs [P] et [U], qui ont établi leur rapport le 11 février 2014.



Par ordonnance du 5 octobre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par M. [X], a ordonné une expertise judiciaire confiée au Docteur [D], qui a clos son rapport le 30 mai 2016.



Par exploits en date des 12 et 20 avril 2018, M. [X] a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Paris, la Fédération française d'escrime, la société Allianz IARD (la société Allianz), recherché en sa qualité d'assureur de cette fédération sportive, la Fédération française handisport, la société MMA et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM) afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.



La Caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières (la CAMIEG), à laquelle M. [X] est affiliée, est intervenue volontairement à l'instance.



Par jugement du 5 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- déclaré la Fédération française d'escrime responsable du préjudice subi par M. [X] consécutif à l'accident survenu le 4 novembre 2010,

- condamné la Fédération française d'escrime à indemniser M. [X] des conséquences de l'accident survenu le 4 novembre 2010,

- condamné la Fédération française d'escrime à rembourser à la CAMIEG ses dépenses engagées imputables à l'accident subi par M. [X] le 4 novembre 2010,

- débouté M. [X] de ses demandes de condamnation de la Fédération française handisport, de la société MMA et de la société Allianz à indemniser son préjudice consécutif à l'accident survenu le 4 novembre 2010,

- débouté la CAMIEG de ses demandes de condamnation de la Fédération française handisport de la société MMA et de la société Allianz à rembourser ses dépenses imputables à l'accident survenu le 4 novembre 2010,

- débouté la Fédération française d'escrime de sa demande de condamnation de la société Allianz à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- avant dire droit, sur la liquidation des préjudices de M. [X] et sur les demandes de la CAMIEG, renvoyé l'affaire à la mise en état du pôle du contrat, de la responsabilité et de la réparation du préjudice corporel de ce tribunal 19ème chambre civile, pour conclusions récapitulatives exclusivement sur ces points,

- réservé les dépens relativement à M. [X], la CAMIEG et la Fédération française d'escrime,

- condamné M. [X] aux dépens exposés par la Fédération française handisport, la société MMA et la société Allianz avec la faculté de recouvrement direct au profit de Maître Philippe Marino conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la Fédération française d'escrime à verser à M. [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé la demande de la CAMIEG au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [X] à verser à la société Allianz la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- ordonné la suppression de l'affaire au rôle de la 4ème chambre 1ère section et sa transmission à la 19ème chambre de ce tribunal.



Par déclaration du 15 décembre 2021, la Fédération française d'escrime a interjeté appel de ce jugement, en critiquant chacune de ses dispositions.



Par ordonnance du 7 juillet 2020, le conseiller de la mise à l'état, a :

- rejeté l'exception soulevée par M. [X] tirée de la nullité de la déclaration d'appel de la Fédération française d'escrime en date du 15 décembre 2021,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [X] aux dépens de l'incident.



Cette ordonnance n'a pas été déférée à la cour.



Par arrêt du 21 septembre 2023, la cour d'appel de ce siège a :

- avant dire droit, ordonné la réouverture des débats afin d'inviter les parties à conclure sur le moyen relevé d'office, exposé dans les motifs de l'arrêt, tiré de ce que ce litige opposant M.[X] et les tiers payeurs subrogés dans ses droits, à la Fédération française d'escrime relève de la compétence des juridictions administratives,

- renvoyé l'affaire à une audience ultérieure,

- réservé les dépens et les frais irrépétibles de première instance et d'appel.





PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Vu les conclusions de M. [X], notifiées le 15 novembre 2023, par lesquelles il demande à la cour de :

A titre principal,

- constater la compétence de la juridiction judiciaire

A titre subsidiaire, si la cour se déclare incompétente,

Vu les articles 75 et 90 du code de procédure civile,

- ordonner le renvoi de l'affaire devant la cour administrative d'appel de [Localité 9].

- rejeter les demandes de l'appelant au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Vu les dernières conclusions de la Fédération française d'escrime, notifiées le 17 novembre 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- dire incompétente la cour d'appel de Paris pour statuer sur le présent litige et renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris,

- condamner M. [X] à verser à la Fédération française d'escrime la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Stéphane Brizon, avocat aux offres de droit.



Vu les conclusions de la société MMA et de la Fédération française handisport, notifiées le 22 novembre 2023, aux termes desquelles elles demandent à la cour de juger que la juridiction judiciaire sera compétente pour statuer sur le présent litige.



La CAMIEG et la société Allianz n'ont pas conclu sur le moyen relevé d'office par la cour.



La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 16 février 2022, par acte d'huissier, délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Par son précédent arrêt du 21 septembre 2023, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats afin d'inviter les parties à conclure sur le moyen relevé d'office tiré de ce que ce litige opposant M. [X] et les tiers payeurs subrogés dans ses droits, à la Fédération française d'escrime relève de la compétence des juridictions administratives.



Il convient de rappeler qu'il résulte de l'article 76 du code de procédure civile que la cour d'appel peut relever d'office son incompétence lorsque l'affaire relève de la compétence d'une juridiction administrative.



Aux termes de l'article L. 131-14 du code du sport dans sa rédaction applicable au litige, « Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'attribution et de retrait de la délégation, après avis du Comité national Olympique et sportif français ».



L'article L. 131-15 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, précise que : « Les fédérations délégataires :

1° Organisent les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux ;

2° Procèdent aux sélections correspondantes ;

3° Proposent l'inscription sur les listes de sportifs, d'entraîneurs, d'arbitres et juges de haut niveau, sur la liste des sportifs Espoirs et sur la liste des partenaires d'entraînement ».


Par arrêté du 15 décembre 2008, le ministre des sports a accordé à la Fédération française d'escrime une délégation pour l'activité d'escrime à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'au 31 décembre 2012.



En application des dispositions légales précitées, l'organisation des compétitions sportives donnant lieu à la délivrance des titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, constitue l'exercice, par une fédération sportive, de prérogatives de puissance publique pour l'exécution du service public dont elle est chargée par la délégation qui lui est accordée.



Dès lors, les litiges mettant en cause la responsabilité de cette fédération en raison de défaillances dans l'exercice de telles prérogatives relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre administratif.



En l'espèce, M. [X] a été victime d'un accident lors de sa participation au championnat du monde de fleuret s'étant déroulé à [Localité 9] du 4 au 13 novembre 2010, celui-ci s'étant blessé le premier jour de la compétition en chutant sur la piste d'escrime dont le sol était gondolé.



Le jugement déféré a déclaré la Fédération française d'escrime responsable du préjudice subi par M. [X] consécutivement à l'accident survenu le 4 novembre 2010.



Le litige opposant M. [X] et la CAMIEG, subrogée dans ses droits, à la Fédération française d'escrime en ce qu'il met en cause la responsabilité de cette fédération dans l'organisation du championnat du monde de fleuret en raison d'un manquement à son obligation de sécurité, porte sur l'exercice par la fédération de ses prérogatives de puissance publique (Cf Tribunal des conflits, 9 décembre 2013, pourvoi n° 13-03-922, publié).



Il en résulte que ce litige relève de la compétence des juridictions administratives.



Aux termes de l'article 81, alinéa 1 du code de procédure civile, « Lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir ».



Il convient ainsi d'infirmer le jugement déféré et de renvoyer M. [X] à mieux se pourvoir.



Compte tenu de la solution du litige, M. [X] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.



L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,



Vu l'arrêt avant-dire droit du 21 septembre 2023,



- Infirme le jugement,



Statuant à nouveau et y ajoutant



- Dit que litige opposant M. [T] [X] et la Caisse primaire d'assurance maladie des industries électriques et gazières, subrogée dans ses droits, à la Fédération française d'escrime relève de la compétence des juridictions administratives,



- Renvoie M. [T] [X] à mieux se pourvoir,



- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- Condamne M. [T] [X] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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