30 November 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-23.036

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C201213

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Frais d'hospitalisation - Forfait groupe homogène de séjour - Conditions de prise en charge - Détermination - Portée

Viole les articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, et l'article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel qui décide que remplissent les conditions de prise en charge du forfait Groupe homogène de séjour (GHS) les hospitalisations de jour pour des administrations de kétamine, alors qu'elle constatait que ces hospitalisations de jour étaient motivées par la seule administration d'une spécialité pharmaceutique, hors autorisation de mise sur le marché et en l'absence de recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) - Frais médicaux - Prise en charge - Domaine

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2023




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1213 F-B

Pourvoi n° Y 21-23.036




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023

La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-23.036 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société de gestion Clinique [Localité 3], à l'enseigne Clinique [Localité 3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 21 juin 2021), la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (la caisse) a notifié à la Clinique [Localité 3] (la clinique), à la suite d'un contrôle de tarification, un indu portant notamment sur des forfaits GHS pour des hospitalisations de jour réalisées en 2014 et facturées pour l'administration de kétamine en dehors des indications thérapeutiques de son autorisation de mise sur le marché.

2. La clinique a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire partiellement droit au recours de la clinique, alors :

« 1°/ que ne peut être facturé à l'assurance maladie un forfait GHS lorsque le séjour en hospitalisation de jour est motivé par la seule administration d'un médicament qui, pour être non conforme aux indications thérapeutiques de son autorisation de mise sur le marché (AMM), ne peut donner lieu à prise en charge par l'assurance maladie ; qu'en retenant que, pour certains séjours, les conditions de prise en charge du forfait GHS pour une hospitalisation de jour étaient réunies, quand ils constataient pourtant que ces séjours étaient motivés par l'administration « hors AMM » de kétamine, les juges du fond ont violé les articles 7, I, 9° de l'arrêté du 19 février 2009 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, L. 5123-2, L. 5123-3 et D. 5123-4 du code de la santé publique et L. 133-4, L. 162-22-6 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif inopérant que, sous certaines conditions, l'administration de kétamine « hors AMM » est autorisée par le code de la santé publique, les juges du fond ont encore violé les articles 7, I, 9° de l'arrêté du 19 février 2009 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, L. 5123-2, L. 5123-3 et D. 5123-4 du code de la santé publique et L. 133-4, L. 162-22-6 et R. 163-18 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 5123-2 et L. 5121-12-1, I, du code de la santé publique, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicables au litige, et l'article 7, I, 9°, de l'arrêté du 19 février 2009, modifié, relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale :

4. Selon le premier de ces textes, hormis le cas des médicaments faisant l'objet des autorisations mentionnées à l'article L. 5121-12, l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation par les collectivités publiques des médicaments définis aux articles L. 5121-8, L. 5121-9-1, L. 5121-13 et L. 5121-14-1 ou bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle en application de l'article L. 5124-13 sont limités, dans les conditions propres à ces médicaments fixées par le décret mentionné à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, aux produits agréés dont la liste est établie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Cette liste précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge des médicaments.

5. Selon le deuxième, une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, sous réserve que l'indication ou les conditions d'utilisation considérées aient fait l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans, ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique du patient.

6. Il résulte du dernier qu'un GHS ne peut être facturé lorsque le patient est pris en charge moins d'une journée, à l'exception des cas où il est pris en charge dans un service d'urgence, que dans les cas où sont réalisés des actes qui nécessitent une admission dans une structure d'hospitalisation individualisée disposant de moyens adaptés, un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin, et l'utilisation d'un lit ou d'une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l'acte ou justifiée par l'état de santé du patient.

7. Pour dire que certains séjours remplissent les conditions de prise en charge du forfait GHS pour des hospitalisations de jour avec administration « hors AMM » de kétamine, la cour d'appel relève que les actes réalisés nécessitaient l'admission dans une structure hospitalière, la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale sous la coordination d'un médecin et l'utilisation d'une place pour la durée nécessaire du traitement. Elle ajoute que, s'agissant des patients ayant bénéficié préalablement d'antalgiques palier 3, une prescription de kétamine « hors AMM » était autorisée, faute d'alternative médicamenteuse appropriée.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que ces hospitalisations de jour étaient motivées par la seule administration d'une spécialité pharmaceutique hors autorisation de mise sur le marché et en l'absence de recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la Clinique [Localité 3] de l'intégralité de ses moyens de nullité, l'arrêt rendu le 21 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée.

Condamne la société de gestion Clinique [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société de gestion Clinique [Localité 3] à payer à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.