23 November 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 22/12528

Chambre 3-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 23 NOVEMBRE 2023



N° 2023/343













Rôle N° RG 22/12528 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKBGG







S.A.S. BEL AIR





C/



[Y] [W]

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alain GUIDI



Me Jean-Michel ROCHAS



PG







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 15 Septembre 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2022003820.





APPELANTE



S.A.S. BEL AIR, prise en la personne de son Président,

dont le siège social est sis [Adresse 2]



représentée et assistée de Me Alain GUIDI de l'ASSOCIATION BGDM ASSOCIATION, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant





INTIMES



Maître [Y] [W], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BEL AIR

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 3]



représenté et assisté de Me Jean-Michel ROCHAS de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant



MADEME LA PROCUREURE GENERALE,

COUR D'APPEL - PLACE DE VERDUN - 13616 AIX EN PROVENCE















*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme KEROMES, conseillère,a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère

Madame Agnès VADROT, Conseillère







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2023.



MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.





ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2023,



Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***

























































EXPOSE DU LITIGE





La SAS Bel Air, immatriculée au RCS de Salon-de-Provence depuis le 6 octobre 2017 sous le numéro 825 272 636, exploitante d'un commerce de vente de produits d'épicerie italiens à Vitrolles, a déposé une déclaration de cessation des paiements le 26 juillet 2022 au greffe du tribunal de commerce de Salon-de-Provence et sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.



Par jugement du 15 septembre 2022, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, fixé la date de cessation des paiements au 31 janvier 2022 et désigné Me [Y] [W] en qualité de liquidateur judiciaire.



La SAS Bel Air, exerçant son droit propre, a fait appel de ce jugement par déclaration du 19 septembre 2022.



Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 17 février 2023, la SAS Bel Air demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 31 janvier 2022 et, statuant à nouveau, de dire et juger que la date de cessation des paiements est fixée au 25 juillet 2022, selon déclaration au greffe.



Elle fait valoir que la société a été durement frappée par la crise sanitaire liée au Covid 19 et contrainte de déposer une déclaration de cessation des paiements le 26 juillet 2022, indiquant une cessation des paiements au 25 juillet 2022.



Elle conteste la date retenue par le tribunal de commerce, qui laisserait supposer que le président de la SAS a omis de déclarer la cessation des paiements dans les 45 jours de sa constatation, ce qu'elle dément.



Elle soutient qu'au 31 janvier 2022, la société avait encore une activité laissant supposer une poursuite possible ; les relevés de comptes révélaient une trésorerie positive en janvier 2022, confirmée par une attestation de l'expert comptable du 30 juin 2022, certifiant que la société n'était pas en état de cessation des paiements ; elle employait encore 7 salariés et était à jour du paiement des salaires et charges sociales afférentes ; le fonds de commerce pouvait être valorisé à 330 000 euros et son chiffre d'affaires au 30 décembre 2021 s'élevait à 2 069 369 euros.



Selon elle, le passif déclaré doit être expurgé de certaines factures contestées ou non exigibles au mois de janvier 2022. Ainsi, le passif exigible au 31 janvier 2022 n'était selon elle que de 11 065,07 euros et non de 74 384,51 euros comme avancé par le liquidateur judiciaire.



Quant à l'actif disponible, la trésorerie fait apparaître des soldes bancaires positifs à cette date :

- Caisse d'Epargne : + 22 617,39 euros,

- Société Générale : + 355,84 euros,

soit un solde de 22 973,23 euros, auquel s'ajoute la caisse (espèces) s'élevant à 7 660 euros ou à 7 930 euros au 1er février 2022.







Elle considère que le stock disponible au 31 janvier 2022 était de 195 000 euros et que les ventes réalisées au 31 janvier 2022 pouvaient être estimées à 5 % de ce stock, soit 9 750 euros ; le fonds de commerce pouvait être valorisé à 330 000 euros et le chiffre d'affaires au 30 décembre 2021 s'élevait à 2 069 369 euros.



Elle considère que l'actif disponible à prendre en compte était de 40 653,23 euros.



* * *



Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par RPVA le 19 janvier 2023, Me [Y] [W] ès qualités, demande à la cour de :

- dire mal fondée la SAS Bel Air en son appel.

- confirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Salon de Provence en ce qu'il a fixé au 31 janvier 2022 la date de cessation des paiements de la SAS Bel Air.

- dire que les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.



Il fait valoir que le passif déclaré est de 1 299 623.49 euros à titre définitif et de 223 345 euros à titre non définitif. Il estime que le passif exigible au 31 janvier 2022 était de 74 384 euros et que l'actif disponible (à l'exclusion du fonds de commerce) était de 22 973,23 euros. Le loyer était payable trimestriellement et d'avance et la SAS Bel Air devait régler au 31 janvier 2022 le loyer du 2ème trimestre 2022, qu'elle n'était pas en mesure d'acquitter.



Selon lui, l'actif disponible (22 973,23 €) ne permettait pas à la Société Bel Air de faire face à son passif exigible (74 384,51 €), celle-ci ne disposant pas de la différence de 51 411,28 euros et que la date de cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce au 31 janvier 2022 doit être confirmée.



Le ministère public, aux termes d'un avis déposé le 23 août 2023 requiert la confirmation du jugement aux motifs que l'état de cessation des paiements était bien constitué au 31 janvier 2022, le passif exigible étant de 74 384,51 euros, auquel la société ne pouvait faire face avec ses liquidités (22 973,23 euros), l'estimation de la valeur du fonds de commerce ne pouvant être incluse dans l'actif disponible.



L'affaire a été fixée au 20 septembre 2023 et l'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2023.



Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.






MOTIFS





Selon l'article L. 631-1 du code de commerce, l'état de cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible. L'actif disponible s'entend de l'actif réalisable à bref délai et le passif disponible comprend l'ensemble des dettes échues, liquides et certaines, ce qui en exclut les dettes contestées. Il n'est en revanche pas nécessaire que le passif soit exigé pour constituer l'état de cessation des paiements.



L'article L631-1 du code de commerce précise également que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible, n'est pas en état de cessation des paiements. La charge de la preuve de l'existence d'une réserve de crédit incombe au débiteur qui l'invoque.



Concernant l'actif disponible, celui-ci s'entend de la trésorerie utilisable, qui comprend les disponibilités en banque et la caisse, ainsi que les ouvertures de crédit non utilisées ou la part de découvert autorisé non employée.



Il n'est pas contesté par le liquidateur judiciaire que le bailleur a autorisé la SAS Bel Air par suite des difficultés que celle-ci a rencontrées liées à la crise sanitaire, un versement du terme du loyer au mois le mois et non pour tout le trimestre et d'avance.



Ne peuvent être compris dans l'actif disponible, ni le stock réalisable, même à court terme, ni le fonds de commerce valorisé.



Concernant le passif exigible, il est constitué par les dettes à la fois certaines, liquides et exigibles, à l'exclusion des dettes pour lesquelles une contestation existe sur le principe comme sur le montant de celle-ci.



A la date du 31 janvier 2022, le passif exigible, selon le liquidateur judiciaire, était de 74 384,51 euros. Toutefois, la SAS Bel Air a émis des contestation en ce qui concerne les créances suivantes :



- SCI Molly (bailleur) : sur la créance du bailleur pour le premier trimestre 2022 (48 600 euros), le loyer du mois de janvier 2022 a été réglé le 20 janvier 2022 (16 200 euros),

- Locam (créance de 19 071,36 euros représentant les loyers impayés et indemnités du 20 septembre 2021 au 20 décembre 2021) : cette créance est contestée et fait l'objet d'une procédure contentieuse en vue de la résiliation du contrat,

- Grenke Location : cette créance est contestée dans son montant : le matériel loué a été récupéré par la société Pulse Retail (Finapro) pour revente, le produit de la vente devant venir en diminution des loyers impayés.

- Riso Gallo France : la facture transmise exigible au 31 janvier 2022 ne concerne pas la SAS Bel Air mais une autre société,

- Flodor : facture de 1 361,39 euros émise le 17 décembre 2021. Les délais de paiement étant de 60 jours à compter de la facture, celle-ci n'était donc pas exigible avant le 17 février 2022.,

- [G] (facture exigible le 10 janvier 2022 de 2 719,36 euros) : cette facture a été réglée le 7 mars 22, par déduction d'une autre facture réglée deux fois,

- Ralo SRI (facture exigible au 27 janvier 2022 de 2 225,65 euros), celle-ci étant à échéance au 8 mars 2022, n'était pas encore exigible au 31 janvier 2022.



S'il ressort des relevés de comptes bancaire versés aux débats (pièce n° 9 de l'appelante) qu'à la date du 31 janvier 2022, le solde du compte courant ouvert à la Caisse d'Épargne n° 11315 00001 08011963257 96 présentait un solde créditeur de 22 617,39 euros et celui ouvert à la Société Générale, un solde créditeur de 355,84 euros et que la société détenait en caisse à la date du 1er février 2022, une somme de 7 930 euros (attestation de la Brinks pièce n° 19 de l'appelante), soit des liquidités à hauteur de la somme totale de 30 903,23 euros, elle était redevable :

- à l'égard de la SCI Molly, de la somme de 16 200 euros représentant la quotité du loyer et des charges du mois de février 2022,

- à l'égard de la DGFIP, d'une somme de 4 819,24 euros au titre de la taxe locale sur la publicité extérieure, mise en recouvrement le 29 octobre 2021.



Dès lors, l'état de cessation des paiements n'apparaît pas suffisamment caractérisé à la date du 31 janvier 2022, ce qui est confirmé par l'attestation délivrée le 30 juin 2022 par l'expert comptable de la société (pièce n° 10 de l'appelant).



A cet égard, il apparaît, au vu du décompte de la créance du bailleur (pièce n° 2 de l'intimé) que l'état de cessation des paiements apparaît constitué, non pas au 25 juillet 2022 comme le soutient la SAS Bel Air, mais davantage autour du 1er avril 2022. C'est en effet à cette période que la SAS Bel Air n'a pas réglé la quotité du loyer de mars 2022 et a cessé tout versement au bailleur.



La SAS Bel Air sera donc déboutée de sa demande tendant à voir fixer la date de l'état de cessation des paiements au 25 juillet 2022.



La cour n'étant saisie du litige que dans les limites fixées par la déclaration d'appel et le dispositif des écritures des parties, ne peut, sauf à dénaturer l'objet du litige, se prononcer sur la date de la cessation des paiements à défaut de demande en ce sens et renvoie par conséquent les parties à se mieux pourvoir devant le tribunal de commerce.



Sur les demandes accessoires :



Les dépens seront employés en tant que frais privilégiés de la procédure collective.

















PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu contradictoirement et par mise à disposition au greffe,



INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements de la SAS BEL AIR au 31 janvier 2022 ;



DEBOUTE la SAS BEL AIR de sa demande tendant à voir fixer la date de cessation des paiements au 25 juillet 2022, selon déclaration au greffe ;



Statuant à nouveau,



CONSTATE que la Cour n'est saisie d'aucune demande tendant à voir fixer la date de cessation des paiements (autre que celle formée par la SAS BEL AIR), et invite les parties à saisir le tribunal de commerce à cet effet ;



DIT que les dépens seront employés en tant que frais privilégiés de la procédure collective.





LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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