19 October 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.825

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300699

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 octobre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 699 F-D

Pourvoi n° S 22-18.825




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023

1°/ M. [C] [M],

2°/ Mme [O] [I], épouse [M],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° S 22-18.825 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de Rennes (4ème chambre), dans le litige les opposant à la société AFP 29, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne Tryba, défenderesse à la cassation.

La société AFP 29 a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. et Mme [M], de Me Balat, avocat de la société AFP 29, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 avril 2022), M. et Mme [M] ont confié à la société AFP 29 la réalisation de travaux de remplacement des menuiseries extérieures en bois de certaines façades de leur maison.

2. Se plaignant de défauts de conformité et de finition apparus en cours de chantier, ils ont recherché, après expertise, la responsabilité de cette société, laquelle a sollicité, à titre reconventionnel, le paiement du solde des travaux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. La société AFP 29 fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme [M] la somme de 4 000 euros au titre du manquement au devoir de conseil, alors « que si le professionnel est débiteur envers son client d'une obligation de conseil et d'information, cette obligation ne s'applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous ou qui sont faciles à connaître, ou encore à l'égard desquels le client devait se renseigner ; qu'en retenant que la société AFP 29 avait manqué à son devoir de conseil en ne renseignant pas les époux [M] sur « l'aspect final » des travaux, tel que ces derniers se le représentaient, tout en constatant qu'il était « démontré » que la société AFP 29 avait donné aux époux [M] « des explications sur la différence entre la pose entre reno-neuf ou réno-bois », ce dont il résultait que la société AFP 29 démontrait avoir satisfait à son obligation de conseil envers ses clients, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, retenu qu'en l'absence de maître d'oeuvre, la société AFP 29 était tenue d'informer les maîtres de l'ouvrage sur les différentes techniques de pose et de les alerter, au regard de la configuration particulière de l'existant, sur le caractère inhabituel et les contraintes esthétiques de la pose en saillie qu'elle leur conseillait.

6. Puis, elle a relevé que si des explications avaient été données sur la différence entre les poses reno-neuf et reno-bois, la société AFP 29 ne s'était pas rendue compte que les menuiseries en place n'étaient pas posées en saillie, que les dormants existants étaient d'épaisseur variable d'une menuiserie à l'autre et que leur remplacement par des dormants d'épaisseur identique allait créer une esthétique d'ensemble particulièrement critiquable donnant une impression de mauvaise finition, qu'ils ne pouvaient pas anticiper à la seule lecture du devis.

7. Ayant ainsi retenu que la société AFP 29 n'avait pas attiré l'attention des maîtres de l'ouvrage sur le rendu final de la pose en saillie qu'elle préconisait et de ses limites en termes de fabrication de menuiserie, elle a pu en déduire que celle-ci avait manqué à son obligation de conseil.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. M. et Mme [M] font grief à l'arrêt de les condamner à payer la somme de 9 212,67 euros à la société AFP 29, avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2021 et de rejeter le surplus de leurs demandes, alors « que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, ce délai de prescription courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d'exercer son action en paiement peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations ; qu'après avoir constaté que les travaux avaient été arrêtés, sans reprise ultérieure, par la société AFP 29 lorsqu'un constat d'huissier avait été dressé le 30 octobre 2015 à la demande de M. [M], l'arrêt retient néanmoins, pour condamner les époux [M] à payer au maître d'oeuvre la somme de 9 212,67 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2021, que le point de départ du délai de prescription biennal doit être fixé à la date de l'achèvement des travaux, puis signale qu'il n'est pas contesté que ces derniers n'ont pas été terminés et que seule une situation du 2016 a été éditée, de sorte que le délai de forclusion n'a pas commencé à courir ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il s'évinçait que le professionnel connaissait les faits lui permettant d'exercer son action en paiement partiel depuis l'interruption définitive des travaux intervenue le 30 octobre 2015, et a partant violé les articles L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation et 2224 du code civil :

10. Aux termes du premier de ces textes l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

11. Selon le deuxième, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

12. Il résulte de ces textes que pour déterminer le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de travaux et services, il y a lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d'exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible (3e Civ., 1er mars 2023, pourvoi n° 21-23.176, publié).

13. Pour dire que le délai de prescription de l'action en paiement de la société AFP 29 n'avait pas commencé à courir, l'arrêt énonce que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date d'achèvement des travaux, puis retient qu'ils n'ont pas été terminés et que seule une situation datée de 2016 a été éditée.

14. En statuant ainsi, alors qu'en cas d'achèvement partiel des travaux, la créance en paiement devient exigible à la date à laquelle le professionnel a cessé définitivement d'intervenir sur le chantier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme [M] à payer la somme de 9 212,67 euros à la société AFP 29 avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2021 et ordonne la capitalisation des intérêts, au titre du solde du marché de travaux, l'arrêt rendu le 7 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société AFP 29 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois.

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