5 July 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-23.222

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00803

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 - Article 1.09 f - Forfait en jours sur l'année - Protection de la sécurité et de la santé du salarié - Défaut - Portée

Les dispositions des articles 1.09 f et 4.06 de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans leur rédaction issue de l'avenant du 3 juillet 2014, qui se bornent à prévoir que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié, que les entreprises sont tenues d'assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail, que compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales sera assuré au moyen d'un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet, que ce document de suivi du forfait fait apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés et rappelle la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables, que le salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique dont l'objectif est notamment de vérifier l'adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en oeuvre les actions correctives en cas d'inadéquation avérée, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 - Article 1.09 f - Forfait en jours sur l'année - Protection de la sécurité et de la santé du salarié - Garanties conventionnelles - Amplitude de la charge de travail et bonne répartition dans le temps du travail du salarié - Caractère raisonnable - Défaut - Portée

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 juillet 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 803 FS-B

Pourvoi n° A 21-23.222




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023

M. [K] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-23.222 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Parc maintenance, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Parc maintenance a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [R], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Parc maintenance, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 4 juin 2021), le 30 mars 1998, M. [R] a été engagé en qualité d'agent de maîtrise par la société Parc maintenance. Par avenant du 1er janvier 2005, le salarié a été promu au poste de gestionnaire d'atelier et a été soumis à un forfait en jours.

2. Le 13 juin 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

3. Le salarié a été licencié le 6 novembre 2017.

Examen des moyens

Sur les deuxième moyen et troisième moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi principal du salarié et le moyen du pourvoi incident de l'employeur


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la convention de forfait en jours était privée d'effet, au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et à la condamnation de ce dernier au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, de la contrepartie obligatoire en repos, des congés payés, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 2°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en retenant, dès lors, que la convention de forfait en jours stipulée par le contrat de travail de M. [K] [R] n'était ni entachée de nullité, ni privée d'effet à son égard, sans caractériser que les stipulations de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, ou de ses avenants, relatives à la convention de forfait en jours, assuraient la garantie du respect des durées légales maximales de travail, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 11 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, les stipulations de l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la charte sociale européenne et à la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et les dispositions des articles L. 3121-39 et L. 3121-45 du code du travail, interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2003/88/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, qui sont applicables à la cause ;

3°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que la convention de forfait en jours stipulée par le contrat de travail de M. [K] [R] n'était ni entachée de nullité, ni privée d'effet à son égard, que les stipulations de l'article 1.09 f de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, sur le fondement desquelles la convention de forfait en jours stipulée par le contrat de travail de M. [K] [R] avait été conclue, qui n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, avaient fait l'objet d'un avenant en date du 3 juillet 2014 constituant les stipulations de l'article 4.06 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, et qu'il s'évinçait des stipulations de cet avenant que la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, prévoit un suivi effectif et régulier du salarié bénéficiant d'une convention de forfait en jours permettant d'assurer une durée raisonnable de son amplitude de travail et de préserver sa santé et sa sécurité, quand les stipulations de l'avenant en date du 3 juillet 2014 n'imposent pas l'obligation, pour le supérieur hiérarchique du salarié, de contrôler, à un intervalle régulier de temps déterminé, les documents de suivi du forfait en jours renseignés par le salarié qu'elles prévoient, et, partant, n'instituent pas un véritable suivi effectif et régulier par le supérieur hiérarchique de ce dernier de ces documents, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable de travail, et, donc, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 11 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, les stipulations de l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la charte sociale européenne et à la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et les dispositions des articles L. 3121-39 et L. 3121-45 du code du travail, interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2003/88/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, qui sont applicables à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

7. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

9. Pour débouter le salarié de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la convention de forfait en jours était privée d'effet, l'arrêt retient que la convention collective du secteur de l'automobile prévoit un suivi effectif et régulier du salarié bénéficiant d'une convention de forfait en jours permettant d'assurer une durée raisonnable de son amplitude de travail et de préserver sa santé et sa sécurité.

10. En statuant ainsi, alors que les dispositions des articles 1.09 f et 4.06 de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans leur rédaction issue de l'avenant du 3 juillet 2014, qui se bornent à prévoir que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié, que les entreprises sont tenues d'assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail, que compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales sera assuré au moyen d'un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet, que ce document de suivi du forfait fait apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés et rappelle la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables, que le salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique dont l'objectif est notamment de vérifier l'adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en œuvre les actions correctives en cas d'inadéquation avérée, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [R] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 4 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne la société Parc maintenance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Parc maintenance et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.