22 June 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/19289

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 22 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19289 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWJR



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Octobre 2022 -Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/06181





APPELANTE



Mme [T] [V]



[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée et assistée par Me Frédérique ROUSSEL STHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1414





INTIMEE



E.P.I.C. [Localité 6] HABITAT OPH, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Localité 5]



Représenté par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assisté à l'audience par Me Karim-Alexandre BOUANANE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1971





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,



Qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL







ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




*****

EXPOSE DU LITIGE



Par acte sous seing privé du 10 février 2004, l'epic [Localité 6] Habitat-OPH, anciennement dénommé OPAC de [Localité 6], a loué à Mme [V] un appartement situé [Adresse 3]) à [Localité 4].



Dans le cadre de travaux s'inscrivant dans le plan climat, l'epic [Localité 6] Habitat - OPH a souhaité accéder au logement de Mme [V] dans le but de procéder à l'installation d'un système de ventilation mécanique contrôlée (VMC).



Par exploit du 22 juillet 2022, l'epic [Localité 6] Habitat-OPH a fait assigner Mme [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé aux fins de :


être autorisé à faire procéder aux travaux d'installation d'une VMC et autres prestations associées dans l'appartement loué à Mme [V] par la société Bouygues ou par toute société de son choix,

juger que la société missionnée pourra effectuer un premier passage dans l'appartement loué par Mme [V] pour la mise en place du chantier, prendre des mesures et déterminer le matériel nécessaire pour la réalisation de celui-ci, puis un second passage pour la réalisation effective des travaux,

condamner Mme [V] à laisser libre accès à son logement à la société missionnée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir,

désigner la scp Christophe Laude et Nicolas Dessard, commissaires de justice à [Localité 7], avec pour mission de se rendre sur place et en cas d'absence ou refus de la locataire de faire procéder à l'ouverture forcée de la porte avec au besoin l'assistance d'un serrurier, d'une autorité de police, ou de deux témoins, en fixant la provision devant être versée au commissaire de justice et en prévoyant qu'il en sera référé au juge en cas de difficultés ;

condamner Mme [V] à payer la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais de commissaire de justice.




Par ordonnance contradictoire du 14 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :



- renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent et par provision, vu l'urgence ;

- écarté des débats les pièces 37 à 40 communiquées par Mme [V] par note en délibéré du 22 septembre 2022 ;

- dit que Mme [V] devra laisser l'accès à son logement loué [Adresse 3]) à [Localité 4] à l'epic [Localité 6] Habitat- OPH ainsi qu'à tout mandataire ou toute entreprise de son choix pour permettre la réalisation des travaux d'installation d'une VMC et autres prestations associées selon détail donné par courriers des 11 mai et 23 juin 2022 et sommation du 24 mai 2022 ;







- dit que, dans la semaine de la signification de la présente décision, et faute pour Mme [V] d'avoir laissé l'accès à son logement, l'epic [Localité 6] Habitat-OPH, ou tout mandataire ou toute entreprise de son choix sera alors autorisé à pénétrer dans l'appartement susvisé et ce, accompagné d'un commissaire de justice pour la première entrée dans les lieux seulement, et à cette fin ;

- désigné la scp Christophe Laude et Nicolas Dessard, commissaires de justice, [Adresse 1] à [Localité 7], avec pour mission de se rendre dans l'appartement loué à Mme [V] [Adresse 3]) à [Localité 4] accompagnée d'un représentant de l'EPIC [Localité 6] Habitat - OPH et de tout technicien nécessaire ;

- dit qu'en l'absence de la locataire, le commissaire de justice pourra pénétrer dans les lieux loués en présence d'une autorité de police ou à défaut de deux témoins majeurs qui ne sont pas à son service et l'autorisé à se faire assister d'un serrurier pour l'ouverture forcée de la porte ;

- fixé la provision due au commissaire de justice à la somme de 450 euros et dit que l'epic [Localité 6] Habitat-OPH devra faire l'avance de cette somme auprès du commissaire de justice ci-dessus désigné ;

- débouté l'epic [Localité 6] Habitat-OPH du surplus de ses demandes ;

- débouté Mme [V] de sa demande de suspension des travaux ;

- déclaré irrecevable la demande de Mme [V] de prononcé d'une amende civile ;

- condamné Mme [V] à payer à l'epic [Localité 6] Habitat-OPH la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [V] aux dépens comprenant notamment le coût des frais du commissaire de justice.



Par déclaration du 16 novembre 2022, Mme [V] a interjeté appel de cette décision.



Dans ses dernières conclusions remises et notifiées par la voie électronique le 4 mai 2023, Mme [V] demande à la cour, au visa des articles 1719 et 1724 du code civil, des articles 1231-1 et suivants du code civil et des articles 561 et suivants du code de procédure civile, de :



- la déclarer recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes indemnitaires ;

- débouter l'intimé de toutes ses demandes fins et conclusions ;

- condamner à titre provisionnel l'epic [Localité 6] Habitat-OPH au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance et de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'elle a subi ;

- enjoindre à l'epic [Localité 6] Habitat-OPH de procéder à un nouveau métrage des lieux loués aux fins de déterminer le loyer applicable à compter du 1er janvier 2023 ;

- condamner l'epic [Localité 6] Habitat-OPH au paiement d'une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel outre les entiers dépens de première instance et d'appel.



Mme [V] soutient en substance que :



- elle souffre de graves problèmes de santé, notamment au niveau pulmonaire suite à un cancer et est particulièrement sensible aux opérations de désamientage et à la poussière,

- à titre principal, elle sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour son préjudice de jouissance, dans la mesure où elle estime avoir subi de très graves dommages au niveau de sa santé après l'installation de la VMC en raison d'une exposition continue à la poussière, notamment d'amiante,

- en outre, l'installation de la VMC a entraîné la suppression de la quasi totalité de la surface de placards dont elle disposait,

- par ailleurs, les travaux excédant deux années, elle est fondée à solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1724 du code civil,



- enfin, elle soutient avoir subi un préjudice moral résultant de l'intrusion violente dans un domicile pour l'installation de la VMC.



Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 17 avril 2023, l'epic [Localité 6] Habitat- OPH demande à la cour, au visa de l'article 1724 du code civil et de l'article 7e de la loi du 6 juillet 1989, de :



- le déclarer recevable et bien fondé en ses présentes écritures ;

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'ordonnance entreprise, en date du 14 octobre 2022, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner Mme [V] au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.



L'epic [Localité 6] Habitat-OPH soutient en substance que :



- les travaux ont été entrepris dans un souci d'amélioration des performances thermiques de la résidence et de diminution des consommations énergétiques pour répondre aux objectifs du plan climat air énergie de la Ville de [Localité 6],

- la demande de réparation formulée par Mme [V] au titre du préjudice de jouissance n'est pas justifiée,

- le blocage par Mme [V] de l'installation de la VMC a généré à lui seul un an de retard, impacté 35 logements et généré un surcoût de 34.401,22 euros,

- l'appelante n'a subi aucun préjudice moral résultant de l'installation de la VMC dans la mesure où l'exécution des travaux avait été autorisée par le juge des contentieux de la protection, sans abus, ni force excessive.



Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.




SUR CE,



En vertu de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.



En vertu de l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.



A titre liminaire, la cour observera que les travaux de VMC litigieux ont été réalisés en décembre 2022 au domicile de Mme [V], ce point n'étant donc plus en litige, le raccordement des stores brise-soleil, le réagrégeage de la loggia et sa remise en peinture les 20 et 23 mars 2023.



Mme [V] sollicite toutefois, à hauteur d'appel, la réparation de son préjudice de jouissance et celle de son préjudice moral.



Il apparaît que :

- Mme [V] expose tout d'abord qu'elle subit des soucis de santé et que l'installation de la VMC l'a exposée à des poussières d'amiante, sans qu'aucune précaution ne soit prise ni aucun relogement proposé,

- toutefois, il est constant que les travaux réalisés ne comportent aucun désamiantage mais consistent à réaliser le passage des réseaux de VMC, ce pour une durée de six jours, travaux destinés à améliorer la performance énergétique des parties communes et privatives de l'immeuble,

- ce programme de travaux a fait l'objet d'une information et d'une concertation avec l'ensemble des locataires, étant approuvé à plus de 85% lors du vote organisé,

- outre que Mme [V] ne produit aucun élément sur son état de santé, elle ne justifie pas non plus avoir été exposée à des poussières d'amiante, alors qu'au demeurant, elle a entendu à plusieurs reprises refuser la mise à disposition d'un logement dit de courtoisie en journée, pour échapper au bruit des travaux, ainsi qu'il résulte d'un courriel qui lui a été adressée par l'epic [Localité 6] Habitat-OPH, le 6 août 2021,

- par ailleurs, Mme [V] soutient que les travaux réalisés l'ont contrainte à se séparer d'une part importante de ses vêtements et accessoires, ce qui serait constitutif d'un trouble de jouissance,

- or, il ressort des photographies versées aux débats par l'epic [Localité 6] Habitat-OPH, photographies qui correspondent en tout point à celles annexées au procès- verbal de constat produit par Mme en pièce n°44, qu'à l'issue de l'installation, les étagères de placard ont été déposées, que le placard dans le dégagement de l'entrée a été adapté et repris, le conduit VMC se situant à l'intérieur, de même que le placard du dégagement de la salle de bains, une nouvelle étagère étant ajoutée, étant précisé que Mme [V] a signé l'ensemble des quitus de ces interventions,

- enfin elle allègue avoir subi un préjudice de jouissance en raison de la lenteur des travaux mais cependant, il convient de rappeler que les travaux ont bien été reprogrammés en raison de son refus réitéré de laisser l'accès à son logement, de sorte qu'elle n'est pas fondée à arguer d'une quelconque lenteur qui les aurait affectés à son détriment.



Le préjudice de jouissance de Mme [V] est donc sérieusement contestable, aucune faute de son bailleur n'étant démontrée, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande en réparation, ainsi que l'a à juste titre estimé le premier juge.



Mme [V] prétend enfin avoir subi un préjudice moral, son bailleur s'étant comporté de manière abusive et étant entré dans les lieux par la force.



Or, il résulte de l'espèce, outre que l'entrée dans les lieux par la force n'est pas établie, que l'epic [Localité 6] Habitat OPH a été contraint de mener une procédure judiciaire devant le juge des référés pour qu'une injonction de laisser l'accès aux lieux soit délivrée à Mme [V]. De la sorte, cette demande ne peut pas plus prospérer, l'ordonnance querellée étant confirmée de ce chef.



Enfin Mme [V] demande sans justifier d'un quelconque fondement à ce que son bailleur soit condamné à procéder à un nouveau métrage de son appartement. Elle ne peut qu'être déboutée de cette demande qui n'est pas étayée.



Sur les autres demandes



L'ordonnance entreprise sera confirmée dans ses dispositions concernant l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens.



Mme [V] qui succombe sera tenue aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à l'epic [Localité 6] Habitat -OPH une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



Statuant dans les limites de sa saisine,



Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Rejette toutes les autres demandes,



Condamne Mme [V] à payer à l'epic [Localité 6] Habitat-OPH la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,



Condamne Mme [V] aux dépens d'appel.



LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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