25 May 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-22.158

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200534

Titres et sommaires

ASSURANCE DE PERSONNES - Règles générales - Assurance de prévoyance collective - Article 2 de la loi du 31 décembre 1989 - Principe de non-sélection individuelle des risques - Application

Si, en application, l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, l'organisme qui garantit collectivement les salariés contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion à ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration, il résulte de l'article 7 de cette loi et de l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale qu'en cas de succession de contrats de prévoyance, il appartient à l'organisme de prévoyance dont le contrat était en cours à la date où s'est produit l'événement ouvrant droit aux prestations de verser celles-ci, qu'elles soient immédiates ou différées

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2023




Rejet


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 534 F-B


Pourvois n°
U 21-22.158
M 21-23.876 Jonction






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023


I. M. [J] [I], domicilié [Adresse 8], [Localité 5], a formé le pourvoi n° U 21-22.158 contre l'arrêt n° RG : 19/08564 rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'institution de prévoyance Apicil prévoyance, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], venant aux droits de la société Gresham, nouvellement dénommée Apicil épargne retraite,

2°/ à la société Groupama Gan vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 4],

3°/ à la société Buffet Crampon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 6],

défenderesses à la cassation.

II. L'institution de prévoyance Apicil prévoyance, venant aux droits de la société Gresham, nouvellement dénommée Apicil épargne retraite, a formé le pourvoi n° M 21-23.876 contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [J] [I],

2°/ à la société Groupama Gan vie, société anonyme,

3°/ à la société Buffet Crampon, société par actions simplifiée,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur au pourvoi n° U 21-22.158 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi n° M 21-23.876 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [I], de la SCP Spinosi, avocat de l'institution de prévoyance Apicil prévoyance, nouvellement dénommée Apicil épargne retraite, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Groupama Gan vie, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 21-22.158 et M 21-23.876 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à M. [I] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Buffet Crampon.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 juin 2021), M. [I], paraplégique depuis un accident survenu en 1993, a été placé par la sécurité sociale en invalidité de première catégorie à compter du 23 janvier 2002, puis de deuxième catégorie à compter du 1er mai 2005 et enfin de troisième catégorie à compter du 1er octobre 2014.

4. Il a travaillé au sein de plusieurs sociétés et a bénéficié d'un régime de prévoyance collective obligatoire auprès de la société Groupama Gan vie pour la période de janvier 1999 à novembre 2002 et de novembre 2002 à mars 2004, contrats souscrits par ses deux employeurs successifs, puis alors qu'il était salarié d'un autre employeur, auprès de la société Groupama Gan vie d'avril 2009 au 31 décembre 2013 et enfin auprès de la société Legal & General, devenue la société Gresham, aux droits de laquelle vient l'institution de prévoyance Apicil prévoyance, nouvellement dénommée Apicil épargne retraite, à compter du 1er janvier 2014.

5. À l'issue de son arrêt de travail pour la période du 5 janvier 2015 au 28 février 2015, il a été déclaré inapte par le médecin du travail le 20 avril 2015 et licencié le 18 mai suivant.

6. À compter de la reconnaissance de son invalidité en troisième catégorie, il a demandé à bénéficier de la garantie invalidité de troisième catégorie complémentaire prévue par l'un des deux derniers contrats de prévoyance.

7. Se heurtant au refus des assureurs, il a saisi un tribunal de grande instance aux fins de paiement de l'indemnité d'assurance.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° U 21-22.158 formé par M. [I] et sur le moyen du pourvoi n° M 21-23.876 formé par la société Gresham aux droits de laquelle se trouve l'institution de prévoyance Apicil prévoyance


8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen du pourvoi n° U 21-22.158

Enoncé du moyen

9. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la société Gresham à lui verser une pension d'invalidité de troisième catégorie, alors :

« 1°/ que lorsqu'en application des dispositions de la loi n° 89-1009 en date du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, plusieurs contrats d'assurance de groupe garantissent, sans fraude, les mêmes risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le même risque de décès ou les mêmes risques d'incapacité ou d'invalidité, chacun de ces contrats produit ses effets dans les limites des garanties qu'il prévoit, quelle que soit la date à laquelle ces contrats ont été souscrits, et, dans ces limites, le bénéficiaire des contrats d'assurance peut obtenir la mise en oeuvre des garanties prévues par le contrat d'assurance de son choix en s'adressant à l'assureur auprès duquel ce contrat a été souscrit ; qu'en énonçant, par conséquent, après avoir relevé que le chef de dispositif du jugement de première instance rejetant la demande de la société Gresham tendant à l'annulation du contrat de prévoyance n° 3 n'était pas discuté devant elle et devait être confirmé et, donc, écarté toute fraude, pour rejeter la demande formée par lui tendant à la condamnation de la société Gresham à lui verser une pension d'invalidité complémentaire de troisième catégorie, qu'il résulte de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 que les prestations liées à la réalisation d'un sinistre survenu pendant la période de validité d'une police d'assurance de groupe ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de celle-ci, que l'expertise médicale diligentée à la suite de sa déclaration d'invalidité de troisième catégorie avait la même cause que l'arrêt de travail du 17 novembre 2000 déclaré par la société Becom experts conseil et pour lequel des prestations avaient été versées par la société Groupama Gan vie au titre du contrat de prévoyance n° 1, que la société Groupama Gan vie faisait à raison observer qu'il existait une continuité de l'indemnisation par la sécurité sociale au titre du versement des indemnités journalières depuis l'arrêt de travail du 17 novembre 2000, puis de la rente d'invalidité de première, de deuxième puis de troisième catégorie, que sa situation d'invalidité était donc bien consécutive à l'incapacité de travail du 17 novembre 2000 et constituait une prestation différée, relevant de l'exécution du contrat de prévoyance n° 1, souscrit auprès de la société Groupama Gan par la société Becom experts conseil, en cours d'exécution lors de la relation de travail entre lui et la société Becom experts conseil, de mois de janvier 1999 au mois de novembre 2002, que l'invocation par lui de l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 n'était pas pertinente, qu'en effet, si aux termes de cet article, il est fait interdiction à l'assureur de refuser la prise en charge des états pathologiques antérieurs à la souscription du contrat d'assurance, cette interdiction ne vaut que pour autant que ces états pathologiques ne sont pas indemnisés par un autre assureur, que l'application de l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ne s'envisage que si l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ne trouve pas à s'appliquer, que la société Gresham rappelait à ce sujet avec pertinence que c'est l'assureur qui a versé les prestations immédiates qui a l'obligation légale de constituer les provisions nécessaires à l'indemnisation de cet état pathologique et que la société Groupama Gan vie versait à M. [I] une rente annuelle en conformité avec ses obligations contractuelles prévues par le contrat de prévoyance n° 1, quand, en se déterminant de la sorte, elle retenait que, lorsqu'en application des dispositions de la loi n° 89-1009 en date du 31 décembre 1989, plusieurs contrats d'assurance de groupe garantissent, sans fraude, les mêmes risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le même risque de décès ou les mêmes risques d'incapacité ou d'invalidité, ce sont les garanties prévues par le contrat d'assurance qui était en vigueur à la date de l'événement à l'origine de l'état d'invalidité du bénéficiaire de ces contrats d'assurance, et non les garanties prévues par le contrat d'assurance choisies par ce dernier, qui doivent seules être mises en oeuvre, et quand, en l'espèce, M. [I] demandait, à titre principal, la mise en oeuvre des garanties relatives au versement d'une pension d'invalidité complémentaire de troisième catégorie prévues par le contrat de prévoyance n° 3 souscrit auprès de la société Gresham, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2 et 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ;

2°/ qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, lorsque des salariés sont garantis collectivement contre le risque de décès, contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou contre les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'assureur qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat d'assurance, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration ; que l'application de ces dispositions d'ordre public n'est pas subordonnée à la condition que les états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat d'assurance ne soient pas indemnisés par un autre assureur ou à celle que les dispositions de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, selon lesquelles, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, contre le risque de décès ou contre les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution, ne trouvent pas à s'appliquer ; qu'en retenant le contraire, pour rejeter la demande formée par M. [I] tendant à la condamnation de la société Gresham à lui verser une pension d'invalidité complémentaire de troisième catégorie, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2 et 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, lorsque des salariés sont garantis collectivement, soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, soit à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par décision unilatérale de l'employeur, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion à ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration.

11. Selon l'article 7 de ce texte, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre ces risques, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution.

12. Par ailleurs, la Cour de cassation juge qu'il résulte de l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale que lorsque les salariés sont garantis collectivement contre ces mêmes risques, la cessation de la relation de travail est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant cette relation (2e Civ., 17 avril 2008, pourvoi n° 07-12.064, publié et 2e Civ., 17 avril 2008, pourvoi n° 07-12.088, publié) et qu'il ne peut être dérogé à ce principe par une stipulation contractuelle (2e Civ., 5 mars 2015, pourvoi n° 13-26.892, publié).

13. Si, par application des dispositions d'ordre public du premier des textes précités, l'organisme qui délivre sa garantie ne peut opérer une sélection médicale en refusant d'assurer une personne du groupe ou de prendre en charge des risques dont la réalisation trouvait son origine dans l'état de santé antérieur de l'assuré, il résulte de ce qui précède, qu'en cas de succession de contrats de prévoyance, il appartient à l'organisme, dont le contrat était en cours à la date où s'est produit l'événement ouvrant droit aux prestations, de verser celles-ci, qu'elles soient immédiates ou différées.

14. Après avoir rappelé qu'il appartient au demandeur d'établir que l'événement à l'origine de l'état d'invalidité invoqué est survenu pendant la période de validité du contrat qui le liait à l'organisme de prévoyance, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, notamment au regard de l'expertise médicale produite, que la situation d'invalidité de M. [I] était consécutive à l'incapacité de travail du 17 novembre 2000, ce dont elle a exactement déduit que la rente invalidité réclamée constituait une prestation différée relevant du premier contrat de prévoyance.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. [I] aux dépens du pourvoi n° U 21-22.158 ;

Condamne l'institution de prévoyance Apicil prévoyance aux dépens du pourvoi n° M 21-23.876 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.

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