6 April 2023
Cour d'appel de Versailles
RG n° 21/00065

5e Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 88G

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 AVRIL 2023



N° RG 21/00065 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UHZA



AFFAIRE :



S.A.S. [4]





C/

URSSAF ILE DE FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2020 par le Pole social du TJ de NANTERRE

N° RG : 18/01667





Copies exécutoires délivrées à :



Me Claire LE TOUZE



URSSAF IDF



Copies certifiées conformes délivrées à :



S.A.S. [4]



URSSAF ILE DE FRANCE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



S.A.S. [4]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 2]



représentée par Me Jacques-Antoine ROBERT de la SCP ARCHIBALD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : N 728, Me Claire LE TOUZE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0409





APPELANTE

****************

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des Recours Amiables et Judiciaires

TSA 30023

[Localité 3]



représentée par Mme [W] [D] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :



Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats et lors du délibéré : Madame Juliette DUPONT


EXPOSÉ DU LITIGE



La société [4] (la société), qui est une entreprise de biotechnologie, a, le 14 juin 2017, saisi l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) d'une demande de rescrit social afin de déterminer si les médecins-experts et professeurs auxquels elle fait appel pour la réalisation de prestations de conseil devaient être soumis à l'établissement d'une déclaration préalable à l'embauche et au statut de salariés.



L'URSSAF ayant considéré, par décision du 24 janvier 2018, que l'activité de conseil de ces médecins experts était exercée dans le cadre d'un lien de subordination vis-à-vis de la société leur conférant la qualité de salariés et que cette société devait dès lors établir des déclarations préalables à l'embauche, l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale, après rejet de sa contestation par la commission de recours amiable de l'organisme.



Par jugement du 23 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré ce recours recevable mais mal fondé.



La société a relevé appel du jugement susvisé.



L'affaire, après renvoi, a été plaidée à l'audience du 9 février 2023.



Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société, qui comparaît représentée par ses avocats, sollicite l'infirmation du jugement entrepris.



Elle demande, en premier lieu, l'annulation de la décision de rescrit, celle-ci étant intervenue tardivement, au-delà du délai réglementaire de trois mois. Elle sollicite par voie de conséquence l'annulation de la décision de la commission de recours amiable.



Elle demande, en second lieu et à titre subsidiaire, de juger que l'activité accessoire des médecins-experts auxquels elle fait appel ne s'exerce pas dans le cadre d'un lien de subordination et ne leur confère pas la qualité de salariés, de sorte qu'elle ne peut être tenue de procéder à des déclarations préalables à l'embauche pour ces personnes.



Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'URSSAF, qui comparaît en la personne de sa représentante, munie d'un pouvoir à cet effet, invoque la régularité de la décision litigieuse et sollicite la confirmation du jugement entrepris.



En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société sollicite l'octroi d'une indemnité de 4 000 euros.






MOTIFS DE LA DÉCISION





Il résulte des articles L. 243-6-3, II, et R. 243-43-2, II, du code de la sécurité sociale, le premier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, le second, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, l'une et l'autre applicables au litige, que lorsque la demande mentionnée au premier de ces textes lui est adressée, l'organisme de recouvrement dispose d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande complète a été reçue pour notifier sa réponse au cotisant ou futur cotisant ou, le cas échéant, à l'avocat ou l'expert-comptable. En l'absence de réponse à l'issue de ce délai de trois mois, aucun redressement de cotisations ou contributions sociales, fondé sur la législation au regard de laquelle devait être appréciée la situation de fait exposée dans la demande, ne peut être effectué au titre de la période comprise entre l'expiration du délai de trois mois et la réponse explicite de l'organisme.



Ainsi, contrairement à ce que soutient la société, le non-respect du délai de trois mois imparti à l'organisme de recouvrement pour notifier sa réponse sur toute demande formée en application de l'article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale a seulement pour effet de faire obstacle au redressement sur les points visés dans la demande, pour la période comprise entre la date à laquelle le délai a expiré et celle à laquelle la réponse explicite est intervenue.



Le moyen tiré de la nullité de la décision de rescrit social et de la décision consécutive prise par la commission de recours amiable n'est, dès lors, pas fondé.



Selon l'article L. 311-3, 27°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, applicable au litige, sont compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation prévue à l'article L. 311-2 les fonctionnaires et agents publics autorisés à faire des expertises ou à donner des consultations au titre du décret du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions, dans le cadre d'activités de recherche et d'innovation, ainsi que ceux qui sont autorisés à apporter leur concours scientifique à une entreprise qui assure la valorisation de leurs travaux au titre de l'article L. 531-8 du code de la recherche. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables, sur leur demande, aux personnes inscrites auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales en qualité de travailleurs indépendants lorsque l'existence d'un lien de subordination avec le donneur d'ouvrage ne peut être établi.



Les chercheurs consultants du service public sont donc affiliés de plein droit au régime des salariés et assimilés au titre des honoraires perçus dans le cadre de leurs activités de consultation et d'expertise qu'ils sont autorisés à effectuer au profit de tiers, quand bien même ces activités ne seraient pas exercées dans les conditions du salariat, sauf demande expresse des intéressés.



Des travaux parlementaires versés aux débats sur la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 dont sont issues les dispositions susvisées, il ressort que « le Gouvernement a souhaité simplifier les démarches administratives des chercheurs (....) tout en leur conservant un statut de travailleur indépendant » (Avis présenté au nom de la Commission des finances, le 1er février 2016, cité par la société dans ses conclusions p. 13). Le dispositif ne modifie « donc rien en terme de nature de la relation entre les contractants, ni en terme de responsabilité » (Rapport n° 121, fait au nom de la commission spéciale, le 8 décembre 2005, également cité par la société dans ses conclusions p. 13).



Pour ces professionnels rattachés au régime général par assimilation, aux termes d'une disposition législative spécifique, le caractère subordonné ou non de l'activité exercée est indifférent. Cette catégorie est distincte de la catégorie de salariés en droit du travail et est indépendante de l'existence d'un contrat de travail. Dès lors, en l'absence de dispositions spécifiques du code de la sécurité sociale prévoyant que la charge des obligations incombant normalement à l'employeur pèse sur l'entreprise à laquelle ces chercheurs ou médecins-experts apportent leur concours, la formalité de la déclaration préalable à l'embauche ne peut être imposée en ce qui les concerne.



L'URSSAF comme les premiers juges retiennent que les médecins-experts qui interviennent à titre accessoire auprès de la société exercent leur mission dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination à l'égard du donneur d'ordre. Ils se fondent, en particulier, sur la convention de prestation de services signée entre les experts et la société pour en déduire que ces derniers sont des salariés, au regard des indices dégagés par la jurisprudence. Les premiers juges semblent ainsi faire application à ces médecins-experts du statut de salariés, impliquant l'existence d'un lien de subordination et leur affiliation corrélative au régime général en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale. Ce statut de salarié entraînerait, selon l'URSSAF et le jugement attaqué, l'obligation d'établir une déclaration préalable à l'embauche.



Les exemplaires des conventions de prestation de services versés aux débats comportent des clauses afférentes aux obligations de l'expert, à la nature et à la durée des prestations, aux conditions financières, aux obligations déclaratives et de transparence, à la protection des données personnelles, au régime social, aux obligations de confidentialité, à la propriété intellectuelle, à la pharmaco-vigilance, aux conflits d'intérêts, à l'assurance-responsabilité et à la résiliation de la convention. Contrairement à ce qu'ont admis les premiers juges, il ne peut être déduit de ces différentes clauses l'existence d'un lien de subordination entre les experts missionnés par la société et cette dernière, en dehors de tout élément permettant d'apprécier concrètement l'exercice de leur activité. Le remboursement des frais professionnels exposés par les intéressés pour les besoin de leurs missions d'expertise et de consultation est tout aussi impropre à caractériser l'existence d'une relation salariale. Dès lors qu'aucune pièce ne vient démontrer que la société donne à ces chercheurs des ordres et des directives, qu'elle en contrôle l'exécution et qu'elle sanctionne tout éventuel manquement de leur part, il ne peut être considéré que les médecins-experts qui interviennent auprès de cette société sont liés à celle-ci par un contrat de travail et qu'ils sont des salariés au sens étroit du terme. En conséquence, les formalités liées à la déclaration à l'embauche, telles que prévues par les articles L. 1221-10 et suivants du code du travail, ne leur sont pas applicables.



Le jugement sera infirmé sur ce chef.



L'URSSAF, qui succombe, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au profit de la société, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :



Rejette le moyen tiré de la nullité de la décision de rescrit social du 24 janvier 2018 et de la décision explicite de la commission de recours amiable de l'URSSAF d'Ile-de-France ;



INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré la société [4] recevable en son recours ;



Statuant à nouveau ;



Dit que les médecins-experts auxquels la société [4] fait appel dans le cadre de son activité sont affiliés au régime général par l'effet des dispositions de l'article L. 311-3, 27°, du code de la sécurité sociale , dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, indépendamment de l'existence d'un lien de subordination ;



Dit que les médecins-experts auxquels la société [4] fait appel dans le cadre de conventions de prestation de services n'ont pas le statut de salariés et que les formalités liées à la déclaration préalable à l'embauche ne leur sont pas applicables ;



Condamne l'URSSAF d'Ile-de-France aux éventuels dépens de l'instance ;



En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'URSSAF d'Ile-de-France à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.





Le GREFFIER, La PRESIDENTE,

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