30 March 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.466

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200318

Titres et sommaires

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - victime - victime autre que le conducteur - passager - faute - effets - recours subrogatoire de l'assureur du conducteur - exclusion

Il résulte de l'article L. 211-1 du code des assurances qu'après avoir indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, en raison de l'implication du véhicule objet de l'assurance, l'assureur, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre ces derniers. Dès lors, viole cet article la cour d'appel qui, pour condamner le passager d'un véhicule à garantir le conducteur de ce dernier et son assureur des sommes allouées à la victime d'un accident de la circulation, retient que ces derniers disposent d'un recours subrogatoire à raison de la faute personnelle qu'il a commise en étendant le bras en dehors de l'habitacle, fondé sur le droit de la responsabilité civile, alors que cet assureur, légalement tenu de garantir la responsabilité civile des passagers du véhicule, ne pouvait pas exercer de recours subrogatoire à l'encontre de ce passager qui était également son assuré

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mars 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 318 FS-B

Pourvoi n° U 21-17.466






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2023

1°/ M. [O] [X], domicilié [Adresse 1],

2°/ la société Mutuelle assurance instituteur de France, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° U 21-17.466 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [A] [F],

2°/ à Mme [W] [U], épouse [F],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

3°/ à Mme [L] [P], domiciliée [Adresse 7], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur [S] [F],
4°/ à Mme [I] [F], domiciliée [Adresse 4],

5°/ à Mme [Z] [G], domiciliée [Adresse 10],

6°/ à la commune d'[Localité 9], dont le siège est [Adresse 11], représentée par son maire en exercice,

7°/ à la société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

8°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 3],

9°/ à la Caisse des dépôts et consignations, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Mme [G] et la société Pacifica ont formé un pourvoi provoqué éventuel contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Les demanderesses au pourvoi provoqué éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [X] et de la société Mutuelle assurance instituteur France, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [F], de Mme [P], prise en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils mineur [S] [F], de Mme [I] [F], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [G] et de la société Pacifica, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la commune d'[Localité 9], représentée par son maire en exercice, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, M. Martin, Mme Chauve, M. Pedron, conseillers, M. Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel du pourvoi principal formé par M. [X] et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France

1. Il est donné acte à M. [X] et à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF) du désistement partiel de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, la Caisse des dépôts et consignations, M. [F], Mme [U], Mme [P], Mme [F] et la commune d'[Localité 9].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 28 avril 2016, alors qu'il pilotait sa motocyclette, [M] [F] a heurté un feu tricolore après avoir entrepris une manoeuvre de dépassement, par la droite, du véhicule conduit par Mme [G], à l'intérieur duquel M. [X] occupait la place de passager arrière droit.

3. [M] [F] est décédé des suites de ses blessures.

4. M. [A] [F], Mme [U], Mme [P], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de l'enfant mineur [S] [F] et Mme [F], respectivement père, mère, épouse et soeur de la victime, ont assigné Mme [G], en qualité de conductrice du véhicule impliqué, et la société Pacifica, son assureur (l'assureur), devant un tribunal de grande instance, en indemnisation des préjudices subis, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la commune d'[Localité 9] et de la Caisse nationale des agents des collectivités locales.

5. L'assureur a assigné en intervention forcée M. [X], afin que ce dernier le garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, en raison de sa faute ayant consisté, alors qu'il était passager, à tendre le bras droit par la fenêtre du véhicule pour jeter la cendre de sa cigarette sur la chaussée, au moment où le conducteur de la motocyclette entreprenait sa manoeuvre de dépassement.
6. La MAIF, assureur de responsabilité civile de M. [X], est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de M. [X] et de la MAIF, pris en ses troisième à septième branches, et sur le moyen du pourvoi provoqué éventuel de Mme [G] et de la société Pacifica


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen du pourvoi principal de M. [X] et de la MAIF, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. M. [X] et la MAIF font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à relever et garantir intégralement Mme [G] et l'assureur de la condamnation prononcée à leur encontre alors « que lorsqu'il a été condamné à indemniser la victime, l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident, qui est tenu de couvrir la responsabilité de ses passagers, ne peut exercer de recours subrogatoire à leur encontre ; que, dans leurs conclusions, ils faisaient valoir que, sauf à dénaturer le principe-même de sa garantie contractuelle, l'assureur, auprès duquel la conductrice avait souscrit un contrat d'assurance obligatoire de son véhicule, ne pouvait exercer d'action récursoire contre M. [X], passager dudit véhicule impliqué dans l'accident ; qu'en condamnant M. [X] à relever et garantir intégralement l'assureur de la condamnation prononcée à son encontre et tendant à l'indemnisation des ayants droit de la victime décédée, la cour d'appel a violé l'article L.211-1, alinéa 2, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 211-1 du code des assurances :

9. Selon le premier alinéa de ce texte, toute personne dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.

10. Selon le deuxième alinéa, les contrats d'assurance couvrant cette responsabilité doivent également couvrir la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance.

11. Aux termes du troisième alinéa, l'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.

12. Il résulte de ces dispositions qu'après avoir indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, en raison de l'implication du véhicule objet de l'assurance, l'assureur, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre ces derniers.

13. Pour condamner in solidum M. [X] et la MAIF à relever et garantir intégralement le conducteur du véhicule impliqué et l'assureur, l'arrêt énonce qu'il est constant que ce dernier, qui a réglé la totalité des sommes allouées à la victime, dispose d'un recours subrogatoire à l'encontre du tiers à raison de sa faute personnelle, fondé sur le droit commun de la responsabilité civile.

14. L'arrêt ajoute que c'est vainement que M. [X] et la MAIF soutiennent que l'article L. 211-1 du code des assurances, parce qu'il fait bénéficier le passager de l'assurance couvrant la responsabilité civile du conducteur, ne pourrait l'exposer à un recours de ce dernier, dès lors que cette règle ne reçoit application que pour la détermination du droit à indemnisation de la victime et non lors de l'exercice ultérieur des recours entre co-obligés.

15. En statuant ainsi, alors que M. [X], dont la responsabilité civile était garantie en sa qualité de passager, par l'assureur qui avait indemnisé les ayants droit de la victime, ne pouvait pas faire l'objet d'un recours subrogatoire, de la part de cet assureur, à raison de la faute qu'il avait commise, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi provoqué éventuel de Mme [G] et la société Pacifica ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. [X] et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à relever et garantir intégralement Mme [G] et la société Pacifica de la condamnation prononcée à leur encontre, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mme [G] et la société Pacifica aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] et la société Pacifica et les condamne in solidum à payer à M. [X] et la société Mutuelle assurance des instituteurs de France la somme globale de 3 000 euros, à M. [A] [F], Mme [U], Mme [P], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale d'[S] [F] et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros et à la commune d'[Localité 9] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-trois.

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