23 March 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.281

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200307

Titres et sommaires

SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Jugement d'orientation - Autorité de la chose jugée - Effets

L'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement d'orientation, qui fait obstacle à l'annulation du jugement d'adjudication pour des motifs tirés des irrégularités de la procédure de saisie immobilière, n'interdit pas au débiteur saisi de former une demande de dommages-intérêts à raison de ces irrégularités

ADJUDICATION - Saisie immobilière - Irrégularité de la procédure - Effets - Portée

CHOSE JUGEE - Autorité de la chose jugée - Décision revêtue de l'autorité de la chose jugée - Jugement d'orientation - Effets

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2023




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 307 F-B

Pourvoi n° V 21-13.281




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2023

1°/ M. [K] [X],

2°/ Mme [S] [H], épouse [X],

tous deux domiciliés [Adresse 7], LIBAN,

ont formé le pourvoi n° V 21-13.281 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [G] [L], veuve [O], domiciliée [Adresse 11],

2°/ à M. [C] [O],

3°/ à Mme [F] [A], épouse [O],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

4°/ à Mme [P] [O], domiciliée [Adresse 11],

5°/ à Mme [D] [O], veuve [Z], domiciliée [Adresse 12],

6°/ à M. [N] [O], domicilié [Adresse 1],

7°/ à M. [J] [O],

8°/ à Mme [U] [R], épouse [O],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

9°/ à la société My Money Bank, société anonyme, dont le siège est [Adresse 13], anciennement dénommée société G3 Money Bank,

10°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic
la société Cabinet Turin immobilier, domicilié [Adresse 10],

11°/ à la société Citya [Localité 9], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 14], anciennement dénommée société Citya Urbania [Localité 6],

12°/ au Trésor public SIP [Localité 8], dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [X], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [L], veuve [O], M. [C] [O] et Mme [F] [A], épouse [O], de Mme [P] [O], de Mme [D] [O], veuve [Z], de MM. [N] et [J] [O] et de Mme [U] [R], épouse [O] , de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], représenté par son syndic la société Cabinet Turin immobilier et de la société Citya [Localité 9], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société My Money Bank, anciennement dénommée société G3 Money Bank, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2021) et les productions, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11] (le syndicat des copropriétaires), à l'encontre de M. [X] et de Mme [H], les biens saisis ont été adjugés à Mme [G] [L], M. [C] [O], Mme [F] [A], épouse [O], Mme [D] [O], veuve [Z], Mme [P] [O], M. [N] [O], M. [J] [O] et Mme [U] [R], épouse [O] (les consorts [O]).

2. M. [X] et Mme [H] ont saisi un tribunal de grande instance aux fins de nullité du jugement d'adjudication et de condamnation du syndicat des copropriétaires, de son syndic, la société Citya Urbania [Localité 6], désormais dénommée Citya [Localité 9], et des consorts [O] au paiement de dommages-intérêts, appelant à la cause les créanciers inscrits, la société GE Money Bank, désormais dénommée My money bank, et le Trésor public (SIP [Localité 8]).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. M. [X] et Mme [H] font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leur action en nullité du jugement d'adjudication du 27 septembre 2012, alors :

1°/ que le jugement d'adjudication, dès lors qu'il ne statue pas sur un incident, n'est susceptible d'aucun recours mais peut faire l'objet d'une action en nullité à titre principal, notamment en raison de la fraude commise par le créancier saisissant ; qu'en retenant néanmoins que les époux [X], débiteurs saisis, étaient irrecevables en leur demande tendant au prononcé de la nullité du jugement d'adjudication dès lors que le jugement d'orientation avait autorité de chose jugée et s'opposait à l'invocation de l'existence d'une fraude pour remettre en cause la procédure de saisie, la cour d'appel a violé l'article R. 322-60 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ que les juges ne doivent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'à l'appui de leur demande d'annulation du jugement d'adjudication, les époux [X] invoquaient « l'annulation des actes antérieurs au jugement d'adjudication rendu le 27 septembre 2012 dès lors que la procédure a été conduite en fraude à leurs droits » (conclusions des époux [X] du 30 janvier 2020, p. 9,3e §) et soutenaient qu'ils n'avaient « jamais été valablement informés aux différentes étapes de la procédure de saisie-vente » (conclusions p. 12, § 4), ce dont il résultait qu'ils se prévalaient de la nullité des actes antérieurs à l'audience d'orientation comme de ceux postérieures à ladite audience ; qu'en retenant néanmoins, pour les déclarer irrecevables, que les contestations des époux [X] ne portaient pas sur des actes de procédure postérieurs à l'audience d'orientation du 15 mars 2012, la cour d'appel qui a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions des époux [X], a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de qui a fait l'objet d'un jugement ; que l'autorité de chose jugée attachée au jugement d'orientation s'oppose seulement à ce que des vices de procédure antérieurs audit jugement puissent être invoquées à l'appui d'une action en nullité du jugement d'adjudication ; que les époux [X] faisaient valoir que tous les actes antérieurs au jugement d'adjudication, en ce nécessairement compris les actes postérieurs au à l'audience d'orientation, dont les significations du jugement d'orientation, avaient été délivrés en fraude à leurs droits ; qu'en retenant néanmoins que les époux [X] étaient irrecevables à soutenir que la procédure de saisie immobilière avait été conduite en fraude à leurs droits au regard de l'autorité de chose jugée attachée au jugement d'orientation, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

5°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et doit disposer d'un recours effectif afin de discuter d'un transfert de propriété opéré à son insu ; qu'en déclarant irrecevable l'action en nullité des débiteurs saisis à l'encontre du jugement d'adjudication au regard de l'autorité de chose jugée attachée au jugement d'orientation, refusant ainsi de rechercher si les actes de la procédure immobilière n'avaient pas été volontairement délivrés à une adresse que le créancier saisissant savaient ne pas être celle des débiteurs saisis et si la créance d'un montant de 3 361,63 euros n'avait pas fait l'objet d'un règlement reçu par le créancier saisissant dès le 1er décembre 2011, avant l'audience d'orientation du 15 mars 2012, la cour d'appel, qui a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens et au droit d'accès à un tribunal des époux [X], a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, ayant exactement retenu que l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement d'orientation rend irrecevable les contestations autres que celles se rapportant à des actes postérieurs à l'audience d'orientation, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le jugement d'adjudication ne pouvait être annulé à la demande de l'une des parties pour des motifs tirés des vices dont elle aurait été affectée et qu'il appartenait à M. et Mme [X] d'interjeter appel du jugement d'orientation pour voir trancher les contestations qu'ils formulaient contre la procédure de saisie immobilière.

6. D'autre part, le délai d'appel ne courant pas en cas de nullité de l'acte de signification du jugement d'orientation et la cour d'appel saisie de l'appel de ce jugement étant tenue d'examiner le moyen présenté par le débiteur saisi qui n'avait pas comparu à l'audience d'orientation, tendant à la nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée pour cette audience, le débiteur qui allègue que les actes de la procédure ne lui ont pas été régulièrement signifiés dispose, à cet égard, d'une voie de recours effective.

7. Dès lors, le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, réunis

Enoncé des moyens

8. M. [X] et Mme [H] font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre du syndicat des copropriétaires et du syndic, alors « que le syndic qui poursuit de manière abusive une saisie immobilière d'un lot de copropriété engage sa responsabilité délictuelle à l'égard du copropriétaire débiteur saisi ; qu'en se bornant à affirmer que l'existence d'une faute du syndic n'était pas démontrée dès lors que la procédure de saisie immobilière n'était affectée d'aucune irrégularité en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement d'orientation, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions des époux [X] p. 16 et 17), si le syndic, la société Citya, n'avait pas poursuivi de manière abusive la saisie immobilière du lot des époux [X], débiteurs saisis, pour obtenir le paiement d'une créance d'un montant de 3 361,63 euros, en faisant délivrer les actes à une adresse qui n'était ni leur résidence personnelle, ni leur domicile élu, en ne les alertant pas de la mise en oeuvre de la procédure alors même qu'il était en contact avec leur conseil, en comptabilisant avec retard le règlement effectué par les époux [X] le 28 novembre 2011 des charges frais servant de fondement aux poursuites et en poursuivant, malgré ce règlement, la procédure à l'audience d'orientation du 15 mars 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

9. M. [X] et Mme [H] font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre des consorts [O], alors « que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter toute faute des consorts [O], adjudicataires du lot de copropriété saisi, à l'égard des débiteurs saisis, les époux [X], que la procédure de saisie immobilière ne serait affectée d'aucune irrégularité, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'une faute des consorts [O], a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

10. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

11. Pour confirmer le jugement déboutant M. [X] et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre le syndicat des copropriétaires, le syndic et les consorts [O], l'arrêt retient qu'en l'absence de démonstration d'une quelconque faute des intimés, la procédure de saisie immobilière n'étant affectée d'aucune irrégularité, les appelants ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts présentées tant à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de son syndic, d'une part, que des consorts [O], d'autre part.

12. En se déterminant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement d'orientation, qui fait obstacle à l'annulation du jugement d'adjudication pour des motifs tirés des irrégularités de la procédure de saisie immobilière, n'interdit pas au débiteur saisi de former une demande de dommages-intérêts à raison de ces irrégularités, la cour d'appel, qui devait examiner si les conditions de la responsabilité étaient réunies, sans se borner à relever que les moyens invoqués au soutien de la demande de nullité étaient irrecevables, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté M. [X] et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], de la société Citya Urbania [Localité 6], de Mme [G] [L], de M. [C] [O], de Mme [F] [A], épouse [O], de Mme [D] [O], veuve [Z], de Mme [P] [O], de M. [N] [O], de M. [J] [O] et de Mme [U] [R], épouse [O], l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], représenté par son syndic, le Cabinet Turin immobilier, la société Citya [Localité 9], Mme [G] [L], M. [C] [O], Mme [F] [A], épouse [O], Mme [D] [O], veuve [Z], Mme [P] [O], M. [N] [O], M. [J] [O] et Mme [U] [R], épouse [O], la société My Money Bank et le Trésor public [Localité 8] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société My Money Bank ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], représenté par son syndic, le Cabinet Turin immobilier, et la société Citya [Localité 9], Mme [G] [L], M. [C] [O], Mme [F] [A], épouse [O], Mme [D] [O], veuve [Z], Mme [P] [O], M. [N] [O], M. [J] [O] et Mme [U] [R], épouse [O], et les condamne à payer à M. [X] et Mme [H] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé en l'audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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