16 March 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.341

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200289

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Instance - Péremption - Délai - Point de départ - Détermination

Il résulte de la combinaison des articles 2 du code civil, 386 du code de procédure civile, R. 142-22, dernier alinéa, et R. 142-30, du code de la sécurité sociale, ces deux derniers abrogés à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, que le délai de péremption ne court qu'à compter de la date à laquelle les parties ont eu une connaissance effective des diligences mises à leur charge. Dans le cas où un délai leur est fixé pour la réalisation de ces diligences, ce délai de péremption court à compter de l'expiration du délai imparti, à la condition que les parties aient eu une connaissance effective tant de ces diligences que du délai imparti. Prive dès lors sa décision de base légale la cour d'appel qui retient comme point de départ du délai de péremption la date de notification de l'ordonnance de radiation à l'intimé, sans constater que l'appelant avait eu une connaissance effective des diligences mises à sa charge avant de recevoir la notification de cette ordonnance

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Délai - Point de départ - Détermination - Contentieux général - Sécurité sociale

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Sécurité sociale

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mars 2023




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 289 FS-B

Pourvoi n° X 21-14.341




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Lorraine, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-14.341 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 3, sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, le rapport complémentaire de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Lorraine, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], et les avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Martinel et Taillandier-Thomas, conseillers doyens, Mme Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Lapasset, M. Leblanc, Mme Vendryes, Mme Vanet-Caillard, M. Waguette, conseillers, Mme Jollec, M. Cardini, Mmes Vigneras, Dudit, Latreille, Bonnet, MM. Labaune, Montfort, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 janvier 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2010, l'URSSAF de la Moselle, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Lorraine (l'URSSAF), a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations, suivie d'une mise en demeure.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que selon l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale applicable jusqu'au 31 décembre 2018, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne ; que la date de la notification par voie postale est à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre ; que par ordonnance de radiation du 6 novembre 2017, la cour d'appel a dit que « l'affaire ne sera réinscrite que sur justification des conclusions en réplique de l'appelant au greffe de la chambre sociale et justification de la communication de ses conclusions et pièces aux parties adverses » ; qu'en jugeant, pour faire courir le délai de péremption à compter du 6 novembre 2017, que c'était vainement que l'URSSAF invoquait le fait qu'elle n'avait reçu l'ordonnance de radiation, qui lui avait été notifiée par lettre simple, que le 13 novembre 2017, aux motifs inopérants que son conseil étant présent lors de l'audience du 6 novembre 2017 au cours de laquelle la radiation avait été prononcée, l'URSSAF savait qu'elle devait reprendre l'instance au plus tard le 6 novembre 2019 et que l'ordonnance avait été notifiée à son adversaire, la société, le 6 novembre 2017, la cour d'appel a violé l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 381, 386 et 668 du code de procédure civile. »

Réponse de la cour

Vu l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 2 du code civil, 386 du code de procédure civile, R. 142-22, dernier alinéa, et R. 142-30, du code de la sécurité sociale, ces deux derniers abrogés à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 :

4. Il résulte du deuxième de ces textes que la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur.

5. Selon le quatrième, applicable au litige, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné au troisième les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de péremption ne court qu'à compter de la date à laquelle les parties ont eu une connaissance effective des diligences mises à leur charge. Dans le cas où un délai leur est fixé pour la réalisation de ces diligences, ce délai de péremption court à compter de l'expiration du délai imparti, à la condition que les parties aient eu une connaissance effective tant de ces diligences que du délai imparti.

7. Pour dire la péremption acquise, l'arrêt relève qu'à l'audience du 6 novembre 2017, a comparu le conseil de l'URSSAF, partie appelante, et que sa demande de renvoi a été refusée par le magistrat qui a prononcé la radiation de l'affaire. Il retient que du fait de cette radiation et des diligences mises à sa charge par l'ordonnance de radiation, l'URSSAF savait qu'elle devait reprendre l'instance au plus tard le 6 novembre 2019. Il ajoute que c'est vainement qu'elle invoque le fait qu'elle n'a reçu l'ordonnance de radiation qui lui a été notifiée par lettre simple que le 13 novembre 2017 et que cette ordonnance ayant été notifiée le 6 novembre 2017 par lettre simple à la société conformément aux dispositions de l'article 381 du code de procédure civile, cette date constitue le point de départ du délai de péremption, lequel avait expiré lorsque l'URSSAF a repris l'instance par lettre recommandée expédiée le 7 novembre 2019.

8. En se déterminant ainsi, sans constater que l'URSSAF avait eu une connaissance effective des diligences mises à sa charge avant le 13 novembre 2017, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Lorraine la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Lorraine

L'URSSAF Lorraine fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la péremption de l'instance, rappelé que la péremption emporte l'extinction de l'instance et confère force de chose jugée au jugement rendu le 27 février 2015 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle et condamné l'URSSAF Lorraine à verser à la société [3] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

ALORS QUE selon l'article R 142-22 du code de la sécurité sociale applicable jusqu'au 31 décembre 2018, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne ; que la date de la notification par voie postale est à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre ; que par ordonnance de radiation du 6 novembre 2017, la cour d'appel a dit que « l'affaire ne sera réinscrite que sur justification des conclusions en réplique de l'appelant au greffe de la chambre sociale et justification de la communication de ses conclusions et pièces aux parties adverses »; qu'en jugeant, pour faire courir le délai de péremption à compter du 6 novembre 2017, que c'était vainement que l'Urssaf invoquait le fait qu'elle n'avait reçu l'ordonnance de radiation, qui lui avait été notifiée par lettre simple, que le 13 novembre 2017, aux motifs inopérants que son conseil étant présent lors de l'audience du 6 novembre 2017 au cours de laquelle la radiation avait été prononcée, l'Urssaf savait qu'elle devait reprendre l'instance au plus tard le 6 novembre 2019 et que l'ordonnance avait été notifiée à son adversaire, la société [3], le 6 novembre 2017, la cour d'appel a violé l'article R 142-22 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 381, 386 et 668 du code de procédure civile.

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