16 March 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.971

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200257

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Caisse - Agents de contrôle - Vérifications et enquêtes administratives - Conditions d'exercice - Validité de l'agrément - Effets - Absence de publication de l'agrément

L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par l'article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ne s'applique aux agents qui procèdent, sur le fondement de l'article L. 133-4 du même code, au contrôle de l'application des règles de tarification ou de facturation par un professionnel de santé que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils procèdent à une audition. L'absence de publication de l'agrément n'affectant pas son existence, elle est sans incidence sur la régularité des vérifications et enquêtes administratives auxquelles procède l'agent d'un organisme de sécurité sociale agréé et assermenté. La preuve de l'agrément peut être rapportée par tous moyens

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) - Frais médicaux - Tarification - Contrôle - Conditions - Agents - Agrément et assermentation - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mars 2023




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 257 FS-B

Pourvoi n° H 21-14.971


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023

La caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-14.971 contre l'arrêt n° RG : 19/01315 rendu le 12 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Var, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Montfort, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2021), à la suite d'un contrôle d'activité opéré à compter du 27 mars 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) a notifié, le 8 avril 2016, à Mme [U], infirmière libérale (la professionnelle de santé), un indu correspondant à des anomalies dans la tarification et la facturation de certains actes réalisés du 1er mars 2013 au 1er avril 2015. Elle lui a ensuite notifié le 17 mars 2017 une pénalité financière.

2. La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la procédure de recouvrement et la notification de l'indu, et de rejeter ses demandes en remboursement de l'indu et en paiement de la pénalité financière, alors :

« 1°/ qu'en matière de droit de la sécurité sociale, la preuve est libre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le magistrat qui avait recueilli le serment des deux agents de la caisse avait indiqué, sur les deux procès-verbaux établis à cette occasion et régulièrement produits aux débats, qu'une ampliation en bonne et due forme de l'agrément des intéressés lui avait été présentée ; qu'aussi en déduisant l'irrégularité du contrôle et l'annulation de l'indu de l'absence de production par l'organisme social de la décision d'agrément, la cour d'appel a violé l'article L.114-10 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'en l'absence de toute disposition subordonnant la régularité des actes accomplis par les enquêteurs de la caisse à la preuve d'une publicité de leur agrément, les caisses n'ont l'obligation que de justifier de l'existence de l'agrément et de l'assermentation ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles L.114-10 et L.243-9 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, applicable au litige, et l'arrêté du 5 mai 2014 fixant les conditions d'agrément des agents chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail :

4. Selon le premier de ces textes, les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

5. L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par ce texte ne s'applique aux agents qui procèdent, sur le fondement de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, au contrôle de l'application des règles de tarification ou de facturation par un professionnel de santé que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils procèdent à une audition.

6. En outre, l'absence de publication de l'agrément n'affectant pas son existence, elle est sans incidence sur la régularité des vérifications et enquêtes administratives auxquelles procède l'agent d'un organisme de sécurité sociale agréé et assermenté.

7. Enfin, la preuve de l'agrément peut être rapportée par tous moyens.

8. Pour annuler les actes d'enquête diligentés par les agents de contrôle, ainsi que l'indu notifié à la professionnelle de santé, l'arrêt retient que la caisse n'a pas communiqué les décisions d'agrément de ces agents et que, si celles-ci sont mentionnées dans les procès-verbaux de prestation de serment des intéressés, elles doivent être produites pour justifier de l'habilitation qui leur est conférée. Il ajoute que la caisse n'a pas justifié de la publication au Bulletin officiel de ces décisions d'agrément. Il en déduit que les actes d'enquête consistant en des procès-verbaux d'audition des patients ont été pratiqués par des agents dont la décision d'agrément est inopposable aux tiers, de sorte que ces derniers peuvent se prévaloir de leur absence d'habilitation.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu les règles de preuve applicables au litige, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

11. La cassation des chefs du dispositif attaqués par les deux premières branches du moyen relatifs à la régularité des opérations de contrôle entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif attaqué par la troisième, relatif au rejet de la demande en paiement de la pénalité financière, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en remboursement, l'arrêt rendu le 12 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé en l'audience publique du seize mars deux mille vingt-trois par Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var

La caisse primaire d'assurance maladie du Var fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le principe du contradictoire n'a pas été respecté dans le cadre de l'instruction du dossier de Mme [Z] [U], annulé la procédure en recouvrement et la notification de l'indu en date du 8 avril 2016, débouté en conséquence la CPAM de sa demande en remboursement de la somme de 137 973,63 euros ainsi que de sa demande de condamnation au paiement de la pénalité financière notifiée le 13 mars 2017 et de l'avoir condamnée à verser à Mme [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

ALORS DE PREMIERE PART QU'en matière de droit de la sécurité sociale, la preuve est libre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le magistrat qui avait recueilli le serment des deux agents de la caisse avait indiqué, sur les deux procès-verbaux établis à cette occasion et régulièrement produits aux débats, qu'une ampliation en bonne et due forme de l'agrément des intéressés lui avait été présentée ; qu'aussi en déduisant l'irrégularité du contrôle et l'annulation de l'indu de l'absence de production par l'organisme social de la décision d'agrément, la cour d'appel a violé l'article L.114-10 du code de la sécurité sociale ;

ALORS DE DEUXIEME PART QU'en l'absence de toute disposition subordonnant la régularité des actes accomplis par les enquêteurs de la caisse à la preuve d'une publicité de leur agrément, les caisses n'ont l'obligation que de justifier de l'existence de l'agrément et de l'assermentation ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles L.114-10 et L.243-9 du code de la sécurité sociale ;

ALORS DE TROISIEME ET DERNIERE PART QUE la cassation qui interviendra sur les deux premières branches du moyen relatives à la régularité des opérations de contrôle entraînera la censure de l'arrêt en ce qu'il a décidé qu'il n'y avait pas lieu à condamnation au paiement de la pénalité financière dans la mesure où les inobservations reprochées à l'infirmière et à l'origine de la pénalité résultaient « des seules constatations faites par des agents » que la cour d'appel refusait de prendre en compte, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

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