9 March 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/19243

Pôle 6 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires délivrées

aux parties le :

République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ORDONNANCE DU 09 MARS 2023



(N° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19243 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWF5



Saisine : assignation en référé délivrée le 29 novembre 2022



DEMANDEUR

S.A.S.U. ISM INGENIERIE

RCS Paris sous le SIREN 751 313 677, représentée par son Président, Monsiuer [O] [R].

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Céline GLEIZE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0047 substitué par Me Leslye BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS, toque : L0047





DÉFENDEUR

Monsieur [X] [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Rose-Marie TOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0836





PRÉSIDENTE : Marie-Paule ALZEARI



GREFFIÈRE : Alicia CAILLIAU



DÉBATS : audience publique du 10 Février 2023



NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire



Signée par Marie-Paule ALZEARI, Présidente assistée de Alicia CAILLIAU, greffière présente lors de la mise à disposition, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.














FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par jugement en date du 30 août 2022, le conseil de prud'hommes de Paris en sa formation de départage a :



' Dit que les sociétés CEVITAL SPA et NUMIDIS ont régulièrement été attraites dans la procédure,



' Dit qu'il n'y a pas de co-emploi,



' Dit que le conseil de prud'hommes est en conséquence incompétent pour statuer sur les demandes de M.[X] [N] formulées à l'encontre de CETIVAL SPA et NUMIDIS,



' Prononcé la mise hors de cause des sociétés CEDIVAL et NUMIDIS,



' Débouté M.[X] [N] de toutes ses demandes à l'encontre de la société ISM Ingénierie inhérentes au contrat conclu avec la société NUMIDIS,



' Dit que le licenciement de M.[X] [N] est nul,



' Condamné la société ISM Ingénierie à payer à M.[X] [N] les sommes suivantes :

' 90'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

' 7500 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de la mise à pied conservatoire (28 juin au 12 juillet 2017)

' 35'000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaire article 15 de la convention collective)

' 3500 euros au titre des congés payés afférents

' 7500 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

' 24'750 euros au titre de la prime 2015

' 59'400 euros au titre de la prime 2016

' 31'680 euros au titre de la prime 2017



' Débouté M.[X] [N] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de toutes les demandes qui en découlent,



' Débouté M.[X] [N] de ses demandes au titre des primes de vacances,



' Débouté M.[X] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut d'informations relatives à la mutuelle,



' Dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire, à compter de la présente décision,



' Dit que les intérêts dus pour une année entière se capitaliseront,



' Ordonné le remboursement par la société ISM Ingénierie aux organismes intéressés de l'équivalent de six mois d'allocation chômage versé au salarié licencié,



' ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision,



' Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,



' Ordonné l'exécution provisoire,



' Condamné la société ISM Ingénierie à payer à M.[X] [N] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



' Condamné la société ISM Ingénierie aux entiers dépens.



Selon déclaration du 11 novembre 2022, M.[X] [N] a interjeté appel à l'encontre de cette décision.



Par assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel de Paris en date du 29 novembre 2022, la société ISM Ingénierie sollicite, à titre principal, l'arrêt de l'exécution provisoire et, à titre subsidiaire, l'autorisation de consigner la somme de 106'391 euros correspondant au solde des condamnations restant à régler. Elle réclame en outre le paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon écritures déposées et développées à l'audience, M.[X] [N] soulève, in limine litis, la nullité de l'assignation et son irrecevabilité.

Sur le fond, il conclut au rejet des demandes et réclame le paiement des sommes de 5000 euros à titre de préjudice pour procédure abusive et dilatoire et de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.






MOTIFS,



Sur la nullité de l'assignation, M.[N] fait valoir que la société ISM Ingénierie fonde ses prétentions sur des articles qui ne sont pas applicables en l'espèce.



Effectivement, les articles 514 et suivants du code de procédure civile , qui traitent de l'exécution provisoire, s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.



En l'espèce, l'instance prud'homale ayant été introduite le 1er décembre 2017, les dispositions précitées ne peuvent s'appliquer.

Les demandes ne peuvent donc qu'être examinées en application des ancien article 514 et suivants du code de procédure civile.



Pour autant, il doit être considéré que l'assignation devant le premier président comporte effectivement des moyens en fait et en droit, même si ces derniers sont erronés.

Il convient de rappeler qu'il appartient au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux en application de l'article 12 du code de procédure civile.



Dans cette mesure, l'exception de nullité de l'assignation doit être rejetée en application de l'article 54 du code de procédure civile.



Sur l'irrecevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, M.[N] explique que la partie qui n'exerce pas de recours, principal ou incident, à l'encontre du jugement, est irrecevable en sa demande de suspension de l'exécution provisoire.



Il est constant que c'est M.[N] qui a interjeté appel en ce qu'il a été débouté de certaines de ses prétentions mais également au titre des sommes allouées.



La société ISM Ingénierie ne justifie ni même n'indique avoir formé appel incident à l'encontre du jugement.



Pour autant, il ne résulte nullement des dispositions de l'ancien article 524 du code de procédure civile que l'identité de l'appelant soit une condition de recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Sur ce point, l'exception d'irrecevabilité est donc écartée.

.

Sur le bien-fondé de la demande, il résulte des dispositions de l'ancien article 524 du code de procédure civile que « lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président statuant en référé et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.

(')

Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.

Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. »



M.[N] expose que le premier président ne peut arrêter l'exécution des condamnations qui bénéficient de l'exécution de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire en application de l'article R. 1454-28 du code du travail.

Il ajoute que le premier président ne peut pas plus remettre en cause les effets des actes d'exécution accomplis ou les paiements effectués antérieurement à sa décision.



Il doit effectivement être constaté, qu'en application de la disposition précitée, et s'agissant des sommes bénéficiant de l'exécution provisoire de droit aux termes de l'article R. 1454-28 du code du travail, il n'est nullement invoqué une violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12.

Dans cette mesure, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'existence de conséquences manifestement excessives, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire au titre des sommes bénéficiant de l'exécution provisoire de droit doit être écartée.



Pour le surplus, il est non contesté que le 14 novembre 2022, en exécution du jugement, la société ISM Ingénierie a réglé la somme de 100'000 euros nets correspondant à un peu plus que l'exécution provisoire de droit fixée à 105'000 euros bruts.



Le premier président, saisi en référé en vue d'arrêter une exécution provisoire ordonnée, ne peut remettre en cause les effets des actes d'exécution accomplis ou les paiements effectués antérieurement à sa décision.



Dans ces conditions, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ne peut utilement prospérer et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'existence de conséquences manifestement excessives.



Sur la demande d'aménagement, la société ISM Ingénierie estime qu'il est de l'intérêt des deux parties que les sommes assorties de l'exécution provisoire soient consignées afin de garantir le paiement des sommes quelque soit le résultat en cause d'appel.



En réponse, M.[N] explique que sa situation financière s'est améliorée depuis son licenciement et que les craintes de non remboursement des sommes ne sont pas fondées.



L'ancien article 521 du code de procédure civile dispose que « la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. »



En application de la disposition précitée, il relève du pouvoir discrétionnaire du premier président d'ordonner la consignation des condamnations.



Sur le risque sérieux de non restitution des sommes en cas d'infirmation, il doit être considéré que les pièces produites par M.[N] ,quant aux missions commerciales et de marketing qu'il effectuerait auprès de directions générales dans le secteur de la grande distribution, sont insuffisantes à démontrer l'état de sa situation financière, à défaut de preuve que ces factures ont été effectivement acquittées alors, au surplus, que ces documents ont été établis par lui-même.



Dans cette mesure, il doit être admis que le risque de non restitution est établi.

Il sera donc fait droit à la demande de consignation aux conditions qui seront précisées au dispositif de la présente décision.



Sur la demande en paiement au titre de l'abus du droit d'agir, M.[N] soutient que depuis le début, la Société n'a pas cessé d'employer des stratagèmes dilatoires au point que l'affaire n'a pu être jugée qu'en août 2022.

Il prétend que la non exécution ou l'exécution partielle du jugement dont appel lui cause un grave préjudice financier.

Il estime que l'intention de nuire est patente.



Cependant, il n'est nullement justifié que les délais de procédure soient imputables à la Société demanderesse, étant observé que le jugement a fait l'objet d'une exécution partielle.





Ainsi, l'intention de nuire n'est nullement démontrée alors qu'à l'opposé, M.[N] ne produit aucune pièce établissant l'existence d'un préjudice financier résultant directement et principalement de l'absence exécution totale.



La demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire est donc rejetée.



La mesure étant prise dans l'intérêt de la société ISM Ingénierie, les dépens seront laissés à sa charge.

Elle sera donc déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

À l'opposé, aucune raison d'équité ne commande l'application de cet article au profit de M.[N].





PAR CES MOTIFS,



Contradictoire, dernier ressort, publiquement



Rejette les exceptions de nullité et d'irrecevabilité de l'assignation,



Rejette la demande d'arrêt de l'exécution provisoire,



Ordonne la consignation par la société ISM Ingénierie de la somme de 106'391 euros auprès de la Caisse des dépôts et consignations,



Rejette la demande en paiement au titre d'un préjudice pour procédure abusive et dilatoire,



Laisses les dépens à la charge de la société ISM Ingénierie,



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.



La Greffière, La Présidente,

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