9 March 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/14436

Pôle 1 - Chambre 10

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 09 MARS 2023

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/14436 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIL3



Décision déférée à la cour :

Arrêt du 07 juillet 2022-Cour de cassation



APPELANTE



E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920



INTIMÉ



Monsieur [W] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Stéphane BRUSCHINI-CHAUMET, avocat au barreau de Paris,



COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue le 8 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER



ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.






















Selon jugement du 15 mars 2018, le conseil des prud'hommes de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :


condamné l'établissement public industriel et commercial Régie Autonome des Transports Parisiens (ci-après la Ratp) à verser à M.[W] [T] les sommes de :


23.511,42 euros à titre de rappel de salaire jusqu'en 2016 ;

2351,14 euros au titre des congés payés y afférents,


ordonné à la Ratp de remettre à M. [T] des fiches de paie conformes à sa décision, dans le délai d'un mois à compter de la notification de son jugement, puis sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document, pendant 60 jours.




Ce jugement a été notifié à la Ratp le 20 mars 2018.



Saisi d'une requête en interprétation de son jugement, le conseil des prud'hommes a dit, par décision du 27 septembre 2019, que la mention « fiches de paie conformes à la présente décision » devait être remplacée par la mention « un bulletin de paie récapitulatif mentionnant les régularisations effectuées conformément à la condamnation prononcée au titre des rappels de salaire, bulletin qui sera établi et daté au moment du versement desdits rappels de salaire. »



Cette interprétation du jugement du 15 mars 2018 a été confirmée par arrêt de la cour d'appel du 15 février 2022.



Par acte d'huissier du 25 octobre 2018, M. [T] a assigné la Ratp devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en liquidation de l'astreinte à la somme de 39.000 euros et fixation d'une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard, sans limitation de durée et commençant à courir huit jours après la signification de la décision à intervenir.



Par jugement du 17 décembre 2018, le juge de l'exécution a :


dit que la demande en répétition de l'indu est irrecevable ;

condamné la Ratp à payer à M. [T] la somme de 10.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 15 mars 2018 ;

fixé une nouvelle astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant trois mois, commençant à courir deux mois après la notification de sa décision, assortissant l'injonction faite à la Ratp de remettre à M. [T] des fiches de paye conformes à la décision du 15 mars 2018 ;

ordonné la capitalisation des intérêts ;

condamné la Ratp à payer à M. [T] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la Ratp aux dépens.




Par arrêt du 24 octobre 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement, sauf en ce qui concerne les modalités de la nouvelle astreinte et, statuant à nouveau, dit que l'injonction prononcée par jugement du 15 mars 2018 sera assortie d'une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant deux mois, commençant à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de son arrêt. Il a également rejeté toutes autres demandes et condamné la Ratp aux dépens, ainsi qu'à payer une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Par arrêt du 7 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour de céans précité, sauf en ce qu'il ordonnait la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2019 et la clôture de l'instruction du 3 octobre 2019 et, statuant à nouveau des chefs de disposition infirmées, dit que l'injonction prononcée par le jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 15 mars 2018 sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant deux mois, commençant à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de sa signification.



Par déclaration du 27 juillet 2022, la Ratp a saisi la cour de renvoi.



Par conclusions signifiées le 16 septembre 2022, la Ratp demande à la cour de :


prendre acte de ce que l'arrêt de la cour d'appel du 24 octobre 2019 a été cassé et annulé, sauf en ce qu'il ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2019 et la clôture de l'instruction du 3 octobre 2019 et, statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées [afférentes aux modalités de la nouvelle astreinte], dit que l'injonction prononcée par le jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 15 mars 2018 sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant deux mois, commençant à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de sa signification ;

infirmer le jugement du juge de l'exécution en date du 17 décembre 2018, en ce qu'il a :


condamné la Ratp à payer à M. [T] liquidé la somme de 10.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 15 mars 2018 ;

fixé une nouvelle astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant trois mois, commençant à courir deux mois après la notification de sa décision, assortissant l'injonction faite à la Ratp de remettre à M. [T] des fiches de paye conformes à la décision du 15 mars 2018 ;

ordonné la capitalisation des intérêts ;

condamné la Ratp à payer à M. [T] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la Ratp aux dépens,



Statuant à nouveau,


dire et juger qu'elle a délivré à M. [T] au mois de mai 2018 un bulletin de paie rectificatif conformément aux dispositions du jugement du 15 mars 2018 ;

supprimer l'astreinte provisoire jusqu'au 31 mai 2018 compte tenu de l'impossibilité de remettre un bulletin de salaire au salarié avant cette date ;


en conséquence,


débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;


Subsidiairement,


réduire la liquidation de l'astreinte à néant compte tenu de sa bonne foi et limiter, en tout état de cause, son montant à la somme de 410 euros au plus ;

débouter M. [T] de toute autre demande ;


En tout état de cause,


ordonner à M. [T] de restituer les bulletins de salaire à lui délivrés le 31 janvier 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par bulletin de paie remis à partir d'un délai de 8 jours à compter de l'arrêt de la cour d'appel à intervenir ;

condamner M. [T] à lui rembourser les sommes versées au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution, soit la somme de 10.000 euros, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à partir d'un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement (sic) de la cour d'appel ;

condamner M. [T] à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [T] aux entiers dépens.




M. [T] n'ayant pas conclu devant la cour de renvoi, l'appelante lui a fait signifier la déclaration de saisine et ses conclusions par actes d'huissier des 22 et 30 septembre 2022 délivrés à personne.



Cependant, la procédure antérieure à l'arrêt cassé subsiste devant la cour de renvoi, de sorte que M. [T] est censé reprendre ses dernières conclusions, signifiées le 2 octobre 2019, selon lesquelles il demandait à la cour de :

in limine litis,


débouter la Ratp de sa demande en révocation de l'ordonnance de clôture,


au principal,


débouter la Ratp de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

réformer la décision du juge de l'exécution en ce qu'elle avait condamné la Ratp à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte,


statuant à nouveau,


condamner la Ratp à lui payer la somme de 39.000 euros au titre de liquidation de l'astreinte prononcée par le conseil des prud'hommes le 15 mars 2018, en deniers ou quittances,


y ajoutant,


condamner la Ratp à lui payer la somme de 4500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution le 17 décembre 2018,

ordonner la remise des fiches de paie conformes à la décision du conseil des prud'hommes rendue le 15 mars 2018, et ce dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, pendant12 mois,

dire et juger que la cour de céans se réservera la liquidation de l'astreinte,


en tout état de cause,


condamner la Ratp à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,

condamner la Ratp aux entiers frais d'exécution, lesquels comprendront ceux de la présente décision et les sommes retenues par les dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996,

condamner la Ratp aux entiers dépens,

ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.





MOTIFS



Par arrêt du 7 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé partiellement l'arrêt de cette cour au visa de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, jugeant qu'il résulte de ce texte que le montant de l'astreinte liquidée ne peut être supérieur à celui de l'astreinte fixée par le juge qui l'a ordonnée ; que, pour liquider l'astreinte à la somme de 10.000 euros pour la période du 20 avril 2018 au 19 juin 2018, l'arrêt retenait que la Ratp n'avait pas valablement exécuté l'obligation judiciaire imposée par le conseil des prud'hommes le 15 mars 2018, que ce soit par la communication du bulletin de paie unique de mai 2018 ou par la transmission, le 31 janvier 2019, de bulletins de paie couvrant la période d'avril 2011 à juillet 2016 ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle énonçait que le règlement des rappels de salaires résultant d'une condamnation pouvait être constaté dans un unique bulletin de paie pourvu qu'il comporte les mentions prescrites par les articles R. 3243-1 et suivants du code du travail, de sorte que la liquidation de l'astreinte ne pouvait concerner que la remise d'un seul document, la cour d'appel avait violé le texte de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution.



En revanche, la Cour de cassation a considéré que n'étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation les deux premières branches du moyen, selon lesquelles :


en estimant que le bulletin de paie remis par la Ratp ne respectait pas l'injonction faite par le conseil des prud'hommes, aux motifs inopérants que son caractère récapitulatif ne serait pas mentionné, qu'il comprendrait une somme unique, non détaillée mois par mois et qu'il ne précise pas, pour chaque mois, le montant des retenues et cotisations sociales, la cour d'appel avait violé les articles L. 3243-2 et R. 3243-1 du code du travail ;

en énonçant, pour écarter toute régularisation et prononcer une nouvelle astreinte, que les bulletins de paie rectificatifs établis, postérieurement au jugement du juge de l'exécution, pour chaque mois de la période courant d'avril 2011 à juillet 2016, ne mentionnent pas les cotisations sociales dues pour chaque mois, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces documents, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents produits aux débats.








Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi



Selon la Ratp, échappent à l'étendue de la cassation seulement les modalités de la nouvelle astreinte prévues par l'arrêt du 24 octobre 2019, de sorte que le principe d'une nouvelle astreinte demeurerait dans le champ des dispositions cassées et que, de ce fait, il resterait loisible à la cour de renvoi de l'infirmer.



Le dispositif de l'arrêt de cassation est le suivant :



« CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2019 et la clôture de l'instruction au 3 octobre 2019, statue à nouveau du chef des dispositions infirmées et dit que l'injonction prononcée par le jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 15 mars 2018 sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant deux mois, commençant à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de sa signification, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; »



Il résulte clairement de ce dispositif que n'entre pas dans le périmètre de la cassation partielle l'institution d'une nouvelle astreinte ainsi que ses modalités, telles qu'édictées par l'arrêt du 24 octobre 2019, de sorte que cette disposition est désormais définitive.



En revanche, ont été cassées les dispositions relatives à la liquidation de l'astreinte et à toutes les autres demandes, notamment celles relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.



Sur la liquidation de l'astreinte



Pour procéder à la liquidation de l'astreinte à hauteur de 10.000 euros, le juge de l'exécution a retenu la bonne volonté partielle de la Ratp, compte tenu de ce que :

- le jugement du conseil des prud'hommes, dont le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif, enjoignait à la Ratp de remettre des fiches de paye conformes et non une seule, outre que le bulletin remis à M. [T] ne mentionnait que la somme globale figurant dans la décision, sans même préciser les mois concernés par le rappel alors que la décision le permettait ;

- la Ratp ne justifiait pas des délais nécessaires aux fins d'établissement des bulletins de paye.



Au soutien de ses prétentions, l'appelante prétend que :


selon une attestation du responsable de son entité Paie, elle ne peut éditer des bulletins de paie rétroactifs, mais seulement un bulletin de paie rectificatif au titre de la période de paie de mai 2018, ce que n'ont admis ni le juge de l'exécution ni la première cour d'appel ;




il n'a jamais été contesté que ce bulletin de paie pour la période du 1er au 31 mai 2018 avait bien été remis à l'issue du mois de mai 2018 ; qu'il mentionnait bien le rappel de salaire et faisait référence à la décision du conseil des prud'hommes du 15 mars 2018, de sorte qu'elle a bien exécuté son obligation à cette date ; compte tenu de ses procédures comptables, selon lesquelles les informations de paie doivent être communiquées au plus tard avant le 15 du mois précédent, elle n'a pas été en mesure de verser le rappel de salaire à M. [T] avant la paie du mois de mai 2018 ;


elle s'est conformée parfaitement aux exigences de l'article R. 3243-1 du code du travail en communiquant un seul bulletin de paie récapitulatif mentionnant les régularisations effectuées conformément à la condamnation prononcée au titre des rappels de salaires et au jugement d'interprétation du 27 septembre 2019, confirmé par arrêt du 15 février 2022 ;







le bulletin de paie de mai 2018 fait apparaître toutes les cotisations sociales dues par l'entreprise ; aucune modification rétroactive des cotisations sociales n'étant possible sous peine de sanction, les cotisations sociales applicables sont donc nécessairement celles en vigueur au jour du règlement et ne peuvent pas être calculées sur des taux applicables antérieurement ;

M. [T] se contente d'affirmations mais ne prouve pas le préjudice qu'il subirait ;

à titre subsidiaire, l'astreinte, qui n'a couru que du 21 avril au 31 mai 2018, ne pourra être liquidée qu'à la somme de 410 euros, le jugement ayant été notifié le 20 mars précédent ; au plus, en l'absence totale de toute exécution, la liquidation de l'astreinte ne pouvait dépasser 600 euros, dans la mesure où il est acquis que la remise d'un unique bulletin de salaire conforme était nécessaire ;

le fait d'avoir édité des bulletins de paie rétroactifs d'avril 2011 à juillet 2016, conformément à la décision du juge de l'exécution, l'a mise en porte-à-faux avec l'Urssaf ; c'est pourquoi M. [T] doit être condamné à les lui restituer sous astreinte.




Selon l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.



Il résulte de ces dispositions que le montant de l'astreinte liquidée ne peut être supérieur à celui de l'astreinte fixée par le juge qui l'a ordonnée.



Or, au vu de la décision en interprétation de son jugement du 15 mars 2018 rendue par le conseil des prud'hommes le 27 septembre 2019, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 15 février 2022, le règlement du rappel de salaires auquel était condamné la Ratp par jugement du conseil des prud'hommes pouvait être constaté dans un unique bulletin de paie pourvu qu'il comportât les mentions prescrites par les articles R. 3243-1 et suivants du code du travail. Par suite et dès lors que l'employeur avait procédé, en exécution du jugement du 15 mars 2018, à la remise d'un bulletin de paie unique, la liquidation de l'astreinte ne pouvait concerner que la remise d'un seul document.



Il convient de rappeler que l'injonction judiciaire prononcée le jugement du conseil des prud'hommes était assortie d'une astreinte de 10 euros par jour de retard et par document, pendant 60 jours. Par suite elle ne pouvait excéder, dès lors que la remise d'un seul bulletin de paie était nécessaire, la somme de 10 euros x 60 jours = 600 euros.



Le jugement du conseil des prud'hommes ayant été notifié le 20 mars 2018, et l'astreinte prévue par le conseil des prud'hommes courant à l'expiration du délai d'un mois à compter de cette notification, la période de liquidation de l'astreinte a été, à juste titre, fixée par le premier juge du 20 avril au 19 juin 2018.



L'appelante soutient qu'il n'est pas contesté par M. [T] que le bulletin de paie récapitulatif de mai 2018 lui a été remis le 31 mai 2018 au plus tard. En réalité dans ses écritures, M. [T], qui s'attache essentiellement à contester la conformité au jugement du conseil des prud'hommes du bulletin de paie relatif au mois de mai 2018, n'a pas reconnu que celui-ci lui avait été remis au plus tard le 31 mai 2018. Or la preuve de l'exécution de l'ordre judiciaire, non seulement dans son contenu mais aussi dans le délai imparti, incombe au débiteur de l'astreinte, ici la Ratp. En outre, l'appelante ne justifie pas des contraintes comptables alléguées selon lesquelles les informations de paie devraient lui être communiquées au plus tard avant le 15 du mois précédant l'émission d'un bulletin de paie, de sorte qu'elle ne pouvait émettre ce rappel de salaire avant le mois de mai 2018, alors au surplus que l'ordre judiciaire a été prononcé par jugement contradictoire le 15 mars 2018.



En l'absence de preuve rapportée par la Ratp d'une cause étrangère l'ayant empêchée de s'exécuter dans le délai imparti par le conseil des prud'hommes et de ce qu'elle a remis le bulletin de paie litigieux le 31 mai 2018, il y a lieu de liquider l'astreinte jusqu'au 19 juin suivant.



L'astreinte, qui est indépendante des dommages et intérêts, a uniquement un but comminatoire et est destinée à contraindre le débiteur à s'exécuter. Elle n'a pas vocation à indemniser le créancier d'un préjudice résultant de l'inexécution de l'ordre judiciaire. Par conséquent le moyen avancé par l'appelante, tiré de l'absence de préjudice subi par M. [T], est inopérant.



Enfin, il ressort de l'examen du bulletin de paie du mois de mai 2018 que celui-ci ne respectait pas l'injonction faite par le conseil des prud'hommes puisque, alors qu'il constitue un bulletin de paie récapitulatif, il ne vise pas la période d'avril 2011 à juillet 2016 sur laquelle porte le rappel de salaires objet de la condamnation du conseil des prud'hommes, comprend une somme unique, non détaillée mois par mois, et ne précise pas, mois par mois, le montant des retenues et cotisations sociales, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 3243-1 du code du travail, alors que rien n'empêchait la Ratp de s'y conformer. Il y a donc lieu de liquider l'astreinte au taux plein, soit à hauteur de la somme de 10 euros x 1 document x 60 jours = 600 euros.



Sur la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 17 décembre 2018



La demande de M. [T] de liquidation de l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution le 17 décembre 2018, formulée dans ses dernières conclusions du 2 octobre 2019, doit être déclarée irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée, les dispositions de l'arrêt du 24 octobre 2019 relatives au prononcé de la nouvelle astreinte se substituant à celles instituées par le juge de l'exécution.



Sur la demande de restitution des bulletins de paie « rétroactifs » délivrés le 31 janvier 2019



Il est justifié aux débats de ce que, en exécution du jugement du juge de l'exécution du 17 décembre 2018, assorti de l'exécution provisoire, la Ratp a adressé à M. [T], le 31 janvier 2019, des bulletins de paie rectifiés pour les mois d'avril 2011 à juillet 2016. L'appelante prétend en obtenir restitution, sous astreinte, au motif que l'établissement de ces bulletins « rétroactifs » l'exposerait à des sanctions de l'Urssaf et/ou de l'administration fiscale.



Cependant, elle doit être déboutée de ce chef de demande en l'absence de réalité du risque invoqué dès lors que, en éditant ces bulletins de paie rectifiés, elle s'est bornée à exécuter une décision de justice assortie de l'exécution provisoire.



Sur la demande en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement rendu par le juge de l'exécution



Il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes versées en exécution des décisions infirmées ou cassées, dès lors que l'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution de ces sommes et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution.



Sur la demande en répétition de l'indu



Dans le dispositif du jugement dont appel, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la demande en répétition de l'indu, disposition qui n'a pas été critiquée dans la déclaration d'appel. Il ressort de l'exposé du litige et des motifs qu'il s'agissait d'une demande en répétition « du trop perçu suite à la saisie-attribution », que le juge de l'exécution a déclaré irrecevable, comme formée au-delà du délai de contestation de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution.







Ce chef de dispositif du jugement entrepris ne faisant pas partie de ceux critiqués par l'appelante dans sa déclaration d'appel du 2 janvier 2019, la cour, qui ne statue que dans les limites de l'appel, n'en est pas saisie.



Sur les demandes accessoires



L'issue du litige justifie de condamner la Ratp aux entiers dépens de première instance et d'appel.



L'équité justifie de condamner l'appelante à payer à l'intimé une indemnité de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Enfin, il y a lieu de débouter M. [T] de sa demande relative aux frais d'exécution en ce qu'elle porte sur « les sommes retenues par les dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 », l'article 10 décret n°1996-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret du 8 mars 2001, ayant été abrogé par décret n°2016-230 du 26 février 2016. Pour le surplus, conformément aux dispositions de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, les frais d'exécution sont à la charge du débiteur, ici la Ratp, sans qu'il y ait lieu de condamner expressément celui-ci à les supporter.



PAR CES MOTIFS



Vu l'arrêt n°774 F-D rendu le 7 juillet 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, cassant partiellement l'arrêt n°19/00273 rendu par la cour de céans le 24 octobre 2019,



Statuant dans les limites de la cassation prononcée et dans les limites de l'appel,



Constate que la cour d'appel n'est pas saisie du chef de dispositif du jugement du juge de l'exécution déclarant irrecevable la demande en répétition de l'indu faisant suite à la saisie-attribution du 1er juin 2018 ;



Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Ratp aux dépens et à verser à M. [W] [T] la somme de 2000 euros application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Ratp à payer à M. [W] [T] la somme de 10.000 euros, au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement rendu le 15 mars 2018 par le conseil des prud'hommes de Paris, et ordonné la capitalisation des intérêts,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Condamne l'Epic Ratp à payer à M. [W] [T] la somme de 600 euros au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement rendu le 15 mars 2018 par le conseil des prud'hommes de Paris ;



Déboute l'Epic Ratp de sa demande tendant à voir ordonner, sous astreinte, la restitution par M. [T] des bulletins de paie d'avril 2011 à juillet 2016 remis le 31 janvier 2019 ;













Dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution des sommes versées en exécution du jugement infirmé ;



Condamne l'Epic Ratp à payer à M. [W] [T] la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;



Condamne l'Epic Ratp aux entiers dépens d'appel.



Le greffier, Le président,

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