8 March 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.916

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00224

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 mars 2023




Cassation partielle sans renvoi


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 224 F-D

Pourvoi n° F 21-21.916

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023

Mme [P] [G], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 21-21.916 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Adelfa, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à Pôle Emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [G], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Adelfa, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 26 octobre 2020) rendu sur renvoi après cassation (Soc., 6 mars 2019, pourvoi n° 16-27.960), Mme [G] a été engagée à compter du 9 septembre 1993 en qualité d'intervenante en formation par la société Adelfa. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable secteur.

2. Licenciée pour faute lourde le 19 mai 2005, elle a saisi la juridiction prud'homale le 12 septembre 2005 de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de la somme de 1 822,95 euros au titre des congés payés, alors « que, selon l'article L. 223-14, devenu l'article L. 3141-26, du code du travail dans sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 question prioritaire de constitutionnalité du 2 mars 2016 du Conseil constitutionnel, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié n'ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 223-11 à L. 223-13 du même code, devenus les articles L. 3141-22 à L. 3141-25 ; que l'indemnité est due, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur ; qu'en l'espèce l'allégation par l'employeur d'une faute lourde ne pouvait donc la priver de son droit au paiement des congés payés acquis à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'en déboutant néanmoins Mme [G] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés après avoir pourtant écarté la faute lourde, estimant que seule la faute grave était caractérisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 223-14 alinéas 1 et 4 du code du travail, devenu l'article L. 3141-26 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et résultant de la décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 du Conseil constitutionnel :

5. Selon ce texte, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 223-11 à L. 223-13, devenus les articles L. 3141-22 à L. 3141-25 du code du travail. L'indemnité compensatrice est due, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

6. L'arrêt retient que la salariée a commis une faute grave justifiant son licenciement et la déboute de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

7. En statuant ainsi, alors que le contrat de travail de la salariée avait été rompu du fait de l'employeur avant qu'elle ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel elle avait droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Le montant de la demande de la salariée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés n'était pas contesté devant la cour d'appel et ne l'est pas devant la Cour de cassation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [G] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et en ce qu'il la condamne à payer à la société Adelfa la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Adelfa à payer à Mme [G] la somme de 1 822,95 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Condamne la société Adelfa aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Adelfa et la condamne à payer à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme [G]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [G] fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand en date du 8 juin 2012 en toutes ses dispositions et dit que son licenciement est justifié par une faute grave,

1. Alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en l'espèce, pour dire la faute grave justifiée, la cour d'appel s'est fondée exclusivement sur une décision rendue dans une autre instance à laquelle la société ADELFA n'avait pas été partie ; qu'elle a retenu en effet que « s'agissant des falsifications de documents, la déclaration de culpabilité et sa condamnation à une peine d'emprisonnement avec sursis pour les faits d'altération frauduleuse des feuilles d'émargement, prononcées par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, lui-même confirmé par la cour d'appel de Riom, permettent de considérer que le grief est établi, Mme [G] étant mal fondée à opposer la prescription de l'article L 1332-4 du code du travail, puisqu'à la date à laquelle la procédure a été engagée par l'EURL Adelfa, en sa qualité d'employeur, celle-ci n'avait été officiellement informée des falsifications commises que par le courrier du 20 avril 2004 » ; qu'elle s'est donc fondée sur une décision rendue dans une autre instance à laquelle la société Adelfa n'avait pas été partie, de sorte que celle-ci était dépourvue d'autorité de la chose jugée entre les parties ; que par suite, elle a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile,

2. Alors qu'en l'espèce, Mme [G] faisait expressément valoir que la demande d'augmentation de salaire qu'elle avait formulée se bornait à énumérer des arguments sérieux justifiant une telle sollicitation et ne faisait état d'aucun chantage (cf. conclusions d'appel, p. 14) ; qu'elle ajoutait que son second courrier en date du 15 mars 2005, faisant part à l'employeur des dysfonctionnements qu'elle avait pu constater au sein de l'entreprise, ne constituait pas une réponse à la lettre de refus de l'employeur de sa demande d'augmentation de salaire, mais constituait une réplique à un autre courrier de son supérieur hiérarchique, M. [L], en date du 7 mars 2005, mettant en doute sa capacité « à faire le nécessaire pour [que les formations] soient réalisées à la satisfaction [des] clients » (cf. ibid.) ; que la salariée en déduisait fort logiquement que sa réponse du 15 mars 2005, ne devant pas être reliée au refus de l'employeur de lui accorder l'augmentation de salaire demandée, ne pouvait dès lors s'analyser en un « chantage à l'augmentation » (cf. ibid.) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions d'appel de Mme [G] excluant toute corrélation entre la demande d'augmentation de salaire et la dénonciation de faits dont elle avait été personnellement témoin, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,

3. Alors que le licenciement pour faute grave doit être fondé sur des éléments imputables au salarié ; qu'en l'espèce, pour dire que le vol de documents appartenant à l'entreprise était établi et qu'il justifiait le licenciement pour faute grave de Mme [G], la cour d'appel a retenu, d'une part, qu'un agent d'entretien, M. [B], attestait avoir vu la salariée charger, dans son véhicule personnel, des documents et du matériel de l'entreprise le 4 mai 2005, en début de soirée, d'autre part, que M. [L], supérieur hiérarchique de l'intéressée, témoignait avoir constaté la disparition de tous les documents pédagogiques du stage « demandeurs d'emploi » dont elle assumait la responsabilité, ainsi que les supports pédagogiques utilisés pour les formations au téléphone ; que, ce faisant, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que les effets que Mme [G] avait chargés dans son véhicule personnel étaient effectivement ceux dont M. [L] avait constaté la disparition, donc à établir la soustraction frauduleuse de documents et de matériel appartenant effectivement l'entreprise ; qu'elle a donc privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail,

SECOND MOYEN DE CASSATION

Mme [G] fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de la somme de 1 822,95 € au titre des congés payés, Alors que, selon l'article L. 223-14, devenu l'article L. 3141-26, du code du travail dans sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 question prioritaire de constitutionnalité du 2 mars 2016 du Conseil constitutionnel, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié n'ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 223-11 à L. 223-13 du même code, devenus les articles L. 3141-22 à L. 3141-25 ; que l'indemnité est due, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur ; qu'en l'espèce l'allégation par l'employeur d'une faute lourde ne pouvait donc la priver de son droit au paiement des congés payés acquis à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'en déboutant néanmoins Mme [G] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés après avoir pourtant écarté la faute lourde, estimant que seule la faute grave était caractérisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

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