23 February 2023
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 20/02307

1ère CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 23 FEVRIER 2023









N° RG 20/02307 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LS5F







[S] [F]

[E] [K] épouse [F]



c/



[W] [R]

[A] [Z]

S.A. GENERALI

S.A. GENERALI



























Nature de la décision : AU FOND





















Grosse délivrée le : 23 FEVRIER 2023



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 juin 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 18/03859) suivant déclaration d'appel du 03 juillet 2020





APPELANTS :



[S] [F]

né le 23 Août 1949 à [Localité 8]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]



[E] [K] épouse [F]

née le 16 Juin 1950 à [Localité 7]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 6]





Représentés par Me Céline PENHOAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés par Me Holly JESSOPP de la SELARL INSCIO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉ S :



[W] [R]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]



S.A. GENERALI en qualité d'assureur de M. [R], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]



Représentéspar Me William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés par Me Laëtitia MINICI de la SELARL THILL-LANGEARD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de CAEN



[A] [Z]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]



Représenté par Me Alice HOULGARD de la SELARL CABINET HOULGARD-AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX



S.A. GENERALI en qualité d'assureur de M. [Z], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]



Représentée par Me Isabelle PIQUET, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée par Me Florence DE FREMINVILLE, avocat au barreau de PARIS





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,



Greffier lors des débats : Séléna BONNET

En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d'appel de Bordeaux »





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.






* * *



EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE



Le 19 mai 2014, les époux [F] ont confié leur jument 'Miss Alexandra' à M. [R], étalonnier et propriétaire du Haras de Faunes, afin qu'il soit procédé à une saillie monte en main de la jument au sein de son établissement.



M. [R] a confié le soin de procéder au suivi gynécologique de la jument à M. [Z], vétérinaire habituel du Haras. Celui-ci a procédé à trois examens gynécologiques les 21, 23 et 26 mai 2014.



Miss Alexandra a été saillie les 24 et 26 mai 2014.



Le 28 mai 2014, la jument a été retrouvée morte. Selon la fiche d'autopsie réalisée par le docteur [D], l'animal est décédé d'un choc septique faisant suite à une péritonite septique consécutive à une lacération rectale.



L'expertise amiable organisée en septembre 2014 n'ayant pas permis d'établir avec certitude la cause de la mort de la jument, le juge des référés a, à la demande des époux [F], désigné le docteur [G], remplacé par le docteur [O], en qualité d'expert judiciaire selon ordonnance du 1er février 2016. Le rapport d'expertise a été déposé le 17 octobre 2017.



Par acte des 27 et 29 mars 2018, les époux [F] ont fait assigner M. [R], son assureur la SA Generali, M. [Z] et son assureur la SA Generali, aux fins d'indemnisation de leur préjudice.



Par jugement contradictoire du 3 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté les époux [F] de l'intégralité de leurs demandes,

- débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné les époux [F] à payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à :

- M. [R] et son assureur la SA Generali Iard

- M. [Z]

- la SA Generali Iard

- condamné les époux [F] aux dépens.



Les époux [F] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 3 juillet 2020 et, par conclusions déposées le 23 mars 2021, ils demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a débouté les époux [F] de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Messieurs [R] et [Z] ainsi qu'à leurs assureurs respectifs ;

A titre principal, sur la responsabilité contractuelle de M. [Z] :

- Dire et juger que la jument Miss Alexandra, propriété des époux [F], est décédée des suites d'une péritonite septique causée par une lacération de grade IV résultant d'un examen gynécologique transrectale réalisée par M. [Z] ;

- Dire et juger que M. [Z] engage sa responsabilité contractuelle au titre du contrat de soins conclu avec les époux [F] pour ne pas avoir respecté son devoir d'information et de conseil à leur égard et prodigué des soins consciencieux ;

A titre principal, sur la responsabilité contractuelle de M. [R] :

- Dire et juger que le dommage s'est réalisé dans le cadre du contrat d'hébergement conclu entre les époux [F] et M. [R] ;

- Dire et juger que M. [R] ne démontre pas ne pas avoir commis de faute dans le cadre de ce contrat d'hébergement et engage en conséquence sa responsabilité contractuelle à l'égard des époux [F] ;

- A titre subsidiaire, dire et juger que M. [R] n'a pas respecté son devoir d'information précontractuelle à l'égard des époux [F] ;

En tout état de cause,

- Dire et juger que le préjudice subi par les époux [F] à cause des agissements de Messieurs [Z] et [R] est de 40.000 euros au titre de son préjudice matériel et 2.000 euros au titre du préjudice moral ;

- Condamner in solidum Messieurs [Z] et [R] et leurs assureurs respectifs à payer aux époux [F] la somme de 42.000 euros au titre du préjudice subi ;

- Condamner in solidum Messieurs [Z] et [R] et leurs assureurs respectifs à payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux époux [F] ;

- Condamner Messieurs [Z] et [R] aux entiers dépens de première instance et de l'appel;

- Statuant à nouveau, débouter M. [Z] de sa demande de condamnation des époux [F] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de procédure abusive.





Par conclusions déposées le 17 décembre 2020, M. [R] et la SA Generali Iard demandent à la cour de :

- juger les époux [F] infondés en leur appel,

- les débouter de l'ensemble de leurs demande, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux du 3 juin 2020 réformé en ce qu'il a :

* Débouté M. et Mme [F] de l'intégralité de leurs demandes ;

* Condamné M. et Mme [F] à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à :

M. [W] [R] et son assureur la SA GENERALI IARD ;

M. [A] [Z]

La SA GENERALI IARD, assureur de M. et Mme [F] (en réalité assureur de Monsieur [Z])

* Condamné M. et Mme [F] aux dépens.

Ce faisant,

A titre liminaire,

- juger que le contrat de saillie est un contrat mixte,

- juger que le sinistre est survenu dans le cadre d'une phase de prestation de services.

A titre principal,

S'agissant de la mission d'étalonnier

- juger que les époux [F] sont défaillants à rapporter la preuve d'une faute commise par M. [R] en sa qualité d'étalonnier,

A défaut, s'agissant du contrat de dépôt,

- juger que M. [R] n'a nullement manqué à ses obligations de dépositaire,

S'agissant du devoir d'information

- juger que M. [F] est à tout le moins un amateur éclairé en matière de reproduction et d'élevage équins,

- juger qu'aucune information particulière s'agissant des risques liés à la saillie naturelle ne lui était due,

- juger qu'en tout état de cause les époux [F] n'ont subi aucune perte de chance de renoncer à la saillie naturelle de leur jument.

En conséquence,

- débouter les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions de ce chef,

- les condamner à verser aux concluants, unis d'intérêts, la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Y additant,

- condamner les époux [F] à verser aux concluants, unis d'intérêts, la somme de 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

- juger que la clause de limitation de responsabilité incluse dans le contrat de vente de saillie

régularisé entre M. [F] et M. [R] a vocation à s'appliquer,

- débouter les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions de ce chef,

- les condamner à verser aux concluants, unis d'intérêts, la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Y additant,

- condamner les époux [F] à verser aux concluants, unis d'intérêts, la somme de 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que l'indemnité à revenir aux époux [F] au regard de la perte de la jument ne saurait excéder la somme de 35 000 € retenue par l'Expert,

- débouter les époux [F] de toute demande plus ample ou contraire.

En tout état de cause,

- juger que la SA Generali Iard ne saurait être tenue à garantie au-delà des limites contractuelles convenues.



Par conclusions déposées le 25 décembre 2020, M. [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 3 juin 2020 en ce qu'il a:

* Débouté les époux [F] de l'intégralité de leurs demandes ;

* Condamné les époux [F] à payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à :

o M. [R] et son assureur Generali

o M. [Z]

o Generali assureur de M. [Z]

* Condamné les époux [F] aux entiers dépens

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 3 juin 2020 en ce qu'il a :

* Débouté M. [Z] de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive;

- Statuant à nouveau, condamner solidairement les époux [F] à verser à M. [Z] la somme de 5.000 € pour procédure abusive ;

- condamner solidairement les époux [F] à verser à M. [Z] la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les époux [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Par conclusions déposées le 24 décembre 2020, la SA Generali Assurances Iard en qualité d'assureur de M. [Z] demande à la cour de :

- Donner acte à la SA Generali Iard de ce qu'elle intervient au titre du contrat responsabilité civile professionnelle souscrit par le Docteur vétérinaire [Z], contrat n°AH114710 et dans les limites, plafonds et franchises dudit contrat.

- Dire et juger que la SA Generali Iard ne saurait être tenue à garantie au-delà des limites contractuelles convenues

- Déclarer les époux [F] irrecevables en leur appel, fins et conclusions,

- Les en débouter,

- Confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant

- Condamner solidairement les époux [F] au paiement d'une somme de 2.000€ au titre de

l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement les époux [F] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.



L'affaire a été fixée à l'audience du 5 janvier 2023.



L'instruction a été clôturée par ordonnance du 22 décembre 2022.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Au préalable, il est rappelé que les 'dire et juger' figurant au dispositif des conclusions des parties ne constituent pas des prétentions au sens du code de procédure civile mais tout au plus le récapitulatif des moyens articulés.



Sur la responsabilité du docteur [Z]



Il se forme entre le vétérinaire et son client un contrat comportant pour le praticien l'engagement de donner, moyennant des honoraires, des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science.



La violation, même involontaire, de cette obligation, peut être sanctionnée par une responsabilité contractuelle, dans la mesure où elle procède d'une faute qu'il appartient au client de prouver.



Le vétérinaire est donc tenu d'une obligation contractuelle de moyens lors des soins.



Il est aussi soumis à une obligation d'information et engage sa responsabilité s'il y manque, le propriétaire de l'animal n'ayant pu en ce cas donner aux soins prodigués un consentement éclairé.



En l'espèce, les époux [F] recherchent la responsabilité contractuelle du vétérinaire aux motifs que ce dernier aurait manqué à son devoir précontractuel d'information et de conseil, ainsi qu'à son obligation de suivi et de soins consciencieux.



Sur le devoir précontractuel d'information et de conseil du vétérinaire



Les époux [F] reprochent au vétérinaire de ne pas les avoir pas informés des risques de lacération rectale inhérents au suivi gynécologique par examen transrectal.





Le docteur [Z], qui conteste sa responsabilité, fait valoir que les appelants s'adonnent à l'élevage et la reproduction de chevaux de manière régulière, qu'ils savent donc parfaitement qu'un suivi gynécologique et des examens échographiques sont nécessaires afin de connaître l'état de fécondation de la jument et qu'ils ont délégué en toute connaissance de cause cette mission au Haras. Il ajoute que son seul interlocuteur a été le représentant des époux [F], soit M. [R], propriétaire du Haras, à qui il a valablement délivré une information relative aux risques inhérents aux échographies transrectales comme l'atteste la fiche de suivi gynécologique produite.



En sa qualité d'assureur de M. [Z], la société Generali Assurances Iard souligne également que ce dernier a parfaitement rempli son devoir d'information à l'égard de M. [R], qui a été son unique interlocuteur en tant que représentant des propriétaires de la jument. Elle précise qu'en tout état de cause, le manquement au devoir d'information ne peut s'analyser qu'en une perte de chance d'avoir renoncé aux échographies alors qu'il n'existe aucune autre possibilité pour s'assurer de la fécondation d'une poulinière.







Sur ce,



Il est constant que :

- les époux [F] ont remis à M. [R], exploitant le Haras des Faunes, leur jument Miss Alexandra afin qu'il soit réalisé une saille monte en main sur la poulinière,

- M. [R] a confié le soin de procéder au suivi gynécologique de la jument à M. [Z], vétérinaire habituel du Haras.



Le contrat signé le 20 mai 2014 entre M. [R] et les époux [F] a pour seul objet 'la vente d'une saillie de l'étalon Deportivo au prix de 1.000 euros HT, gratification écurie en sus, 80 euros HT payable au 1er octobre 2014 pour toute jument saillie.'



Il n'est ainsi nullement mentionné que le mandat donné par les époux [F] au directeur du Haras afin d'assurer la fécondation de leur jument s'étendait à la pratique d'un examen échographique comme méthode de diagnostic.



De même, il n'est pas démontré que M. [R] avait reçu des époux [F] mandat de faire pratiquer des échographies.



En application de l'article R.242-48 du code rural et de la pêche maritime, il appartenait donc au docteur [Z] d'informer les propriétaires de la jument des risques encourus par l'animal lors des échographies par la voie transrectale afin d'obtenir leur consentement éclairé.



Or, en l'espèce, le docteur [Z] n'établit pas avoir prodigué une telle information aux époux [F].



S'il a effectivement remis à M. [R] une fiche de suivi indiquant 'chez la jument, l'examen trans-rectal peut provoquer, dans de très rares cas, des complications allant de la lacération de la muqueuse rectale à la perforation du rectum.', rien ne permet de retenir qu'elle aurait été remis aux époux [F], étant rappelé que M. [R] n'avait en tout état de cause reçu aucun mandat des propriétaires pour les représenter dans le cadre du suivi gynécologique de Miss Alexandra.



Faute de prouver qu'il a rempli son obligation d'information, le docteur [Z] a donc engagé sa responsabilité à ce titre.



Sur l'obligation de suivi et de soins consciencieux



Conformément aux dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, le vétérinaire est tenu d'une obligation contractuelle de moyens à propos des soins qu'il prodigue : il doit donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science.



Affirmant que l'examen transrectal réalisé par le docteur [Z] a causé la lacération rectale de grade IV ayant entraîné une péritonite septique, cause du décès de Miss Alexandra, les époux [F] imputent au vétérinaire un défaut de diagnostic et de prise en charge de la lacération rectale.









Il résulte des conclusions du rapport d'expertise déposé par le docteur [O] que :

- la jument Miss Alexandra est décédée des suites d'une péritonite septique provoquée par une lacération rectale de grade IV (perforation complète du rectum)

- un lien de causalité entre la saillie monte en main et le décès de la jument est possible mais peu probable,

- un lien de causalité entre un examen échographique et le décès de la jument Miss Alexandra ne peut être établi de manière absolument certaine. Cependant, il a statistiquement plus de chance d'être à l'origine du décès de la jument que la saillie monte en main,

- le docteur [Z] a réalisé les examens de la jument dans de bonnes conditions conformément aux recommandations en vigueur à ce jour. Aucune faute technique n'a été décelée sur la base des déclarations recueillies et des constatations effectuées. Les risques inhérents à la palpation transrectale ou à une échographie sont connus et documentés avec une fréquence de 1/20 000.



Après avoir examiné toutes les causes possibles de la lacération rectale, l'expert précise dans son rapport que 'certaines lacérations incomplètes sont possibles lors d'un examen transrectal et peuvent passer inaperçues (absence de signes cliniques immédiats et pas de sang sur le gant de l'opérateur). Le docteur vétérinaire [Z] malgré son expérience qui ne fait aucun doute et ses compétences a très bien pu être à l'origine d'une lacération incomplète sans qu'il puisse s'en apercevoir ou la diagnostiquer. Elle a ensuite évolué vers un grade IV. Cela expliquerait le délai entre les manipulations et la mort ainsi que la localisation atypique de la lacération. Les éléments dont nous disposons laissent apparaître cette possibilité sans que nous puissions cependant trancher de manière certaine.'



Au vu de ces conclusions expertales, il apparaît que si le décès de la jument résulte de manière certaine d'une lacération rectale ayant entraîné un choc septique, la cause de la lacération est plus incertaine. Ainsi, l'expert indique que si la saillie elle-même ne lui paraît pas être en cause, il existe un lien de causalité 'possible' entre les examens gynécologiques pratiqués par le docteur [Z] et la lacération, l'expert excluant toutefois toute faute commise par le vétérinaire s'agissant de ces examens gynécologiques.



Aucune faute n'étant démontrée de la part du docteur [Z], tant dans le défaut de diagnostic de la lacération que dans les actes pratiqués sur la jument, sa responsabilité quant à son devoir de suivi et de soins conciencieux ne sera pas retenue.





Sur la responsabilité de M. [R]



Les époux [F] recherchent la responsabilité de M. [R] en sa qualité de dépositaire-salarié et, subsidiairement, pour manquement à son obligation précontractuelle d'information.



Sur la responsabilité de M. [R] en qualité de dépositaire-salarié



Considérant que le dommage s'est produit dans le cadre du contrat d'hébergement de Miss Alexandra par M. [R], les époux [F] recherchent la responsabilité de ce dernier sur le fondement des articles 1927 et 1928 du code civil selon lesquels le dépositaire, tenu d'une obligation de moyens renforcée, est présumé responsable s'il ne restitue pas l'animal, sauf pour lui à prouver qu'il n'a commis aucune faute.



Il est constant que le contrat, qui comprend à la fois l'achat d'une saillie et l'hébergement de la jument par le Haras, doit s'analyser pour partie en un contrat d'entreprise et pour partie en un contrat de dépôt salarié, de telle sorte qu'il convient de rechercher, pour établir les responsabilités, dans quel cadre le décès est intervenu.



Or, en l'espèce, le tribunal rappelle justement que si la jument est certes décédée dans son box, il est manifeste que le décès est en lien avec l'opération de saillie, qu'il s'agisse de la saillie elle-même ou des examens vétérinaires nécessaires à sa réalisation. Le dommage est donc intervenu, non pas dans le cadre du contrat de dépôt salarié mais dans le cadre du contrat d'entreprise.



Il incombe donc aux époux [F] de rapporter la preuve que M. [R] a commis une faute dans le cadre de sa prestation de service.



Or, s'agissant de la saillie elle-même, l'expert a relevé que le protocole suivi était correct et les installations adaptées. Il a en outre conclu qu'il était peu probable que la lacération rectale provienne de l'acte de saillie lui-même.



La responsabilité de M. [R] sera par conséquent écartée à ce titre.



Sur la responsabilité de M. [R] pour manquement à son devoir d'information



Si, au visa de l'article 1112-1 du code civil, les époux [F] font grief à M. [R] de ne pas les avoir informés du risque lié au suivi gynécologique par voie d'examen transrectal, il n'est nullement rapporté la preuve d'une obligation spécifique d'information sur les soins vétérinaires pratiqués pesant sur M. [R].



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les époux [F] de leurs demandes formés à son encontre.



Sur le préjudice



Le préjudice résultant du manquement du vétérinaire à son obligation d'information quant aux risques présenté par l'examen échographique par voie rectale consiste en la perte de chance, pour le propriétaire de l'animal, de renoncer à cette intervention. Cette perte de chance s'apprécie concrètement.



Il est constant que M. [F] est propriétaire de plusieurs poulinière qui sont saillies 'monte en main' depuis plusieurs année.



Il n'est en outre pas discuté qu'il n'existe aucune autre possibilité que l'examen échographique pour s'assurer de la fécondation d'une poulinière.



Dans ces conditions, la perte de chance de prendre une autre décision ayant évité le risque mortel apparaît très faible et sera évalué à 5%.



Le préjudice indemnisable est constitué en premier lieu de la valeur même du cheval, laquelle est estimée entre 30.000 et 35.000 euros par l'expert, de sorte qu'il sera retenu une valeur de 32.500 euros. Les époux [F] recevront ainsi à ce titre 1.625 euros.



Il recouvre en outre un préjudice moral nécessairement subi par les époux [F] en raison de l'émotion ressentie à cause du décès de l'animal. Ce préjudice sera chiffré à 1.500 euros et les époux [F] recevront ainsi 75 euros.



En réparation du préjudice résultant du manquement à son obligation d'information, le docteur [Z] sera par conséquent condamné à payer, in solidum avec son assureur la société Generali Assurances Iard, la somme de 1.700 euros aux époux [F].



Le jugement sera infirmé en ce sens.



Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive



Compte tenu de l'issue du litige, M. [Z] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Le jugement sera confirmé en ce sens.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné les époux [F] aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 1.000 euros à M. [Z] et à son assureur en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.



Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. M. [Z] et son assureur la société Generali Assurances Iard supporteront par conséquent les dépens de première instance et d'appel.



En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, M. [Z] et son assureur la société Generali Assurances Iard seront condamnés in solidum à payer aux époux [F], ensemble, la somme de 2.000 euros. Les époux [F] seront quant à eux condamnés in solidum à payer à M. [R] et son assureur la société Generali Iard, ensemble, la somme de 1.000 euros.



PAR CES MOTIFS



La Cour,



Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a débouté les époux [F] de leurs demandes formées à l'encontre de M. [Z] et de son assureur la société Generali Assurances Iard et les a condamnés à payer à ces derniers la somme, à chacun, de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,



Statuant à nouveau dans cette limite,



Condamne in solidum le docteur [Z] et son assureur la société Generali Assurances Iard à payer aux époux [F], ensemble, la somme de 1.700 euros en réparation de leur préjudice résultant du manquement du vétérinaire à son obligation d'information,



Confirme toutes les autres dispositions non contraires ;



Y ajoutant,



Condamne in solidum le docteur [Z] et son assureur la société Generali Assurances Iard à payer aux époux [F], ensemble, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne in solidum les époux [F] à payer à M. [R] et son assureur la société Generali Iard, ensemble, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne in solidum le docteur [Z] et son assureur la société Generali Assurances Iard à payer aux époux [F], ensemble, aux dépens de première instance et d'appel,



Rejette toutes demandes des parties plus amples ou contraires.



Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier, Le Président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.