22 February 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-85.078

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00239

Titres et sommaires

MINEUR - Procédure - Jugement - Tribunal pour enfants - Procédure de jugement en audience unique - Condition - Obligation du procureur de la République de verser le rapport éducatif - Moment du versement

Il résulte de l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs que la procédure d'audience unique ne peut être mise en oeuvre, sauf poursuite pour infraction à l'article 55-1 du code de procédure pénale, qu'à la condition que le procureur de la République soit en mesure de verser un rapport éducatif, concernant le mineur poursuivi, au dossier de la procédure. C'est sans méconnaître ces dispositions que la cour d'appel, qui constate qu'aucun rapport éducatif n'est joint à la procédure, juge qu'elle n'est pas valablement saisie et renvoie le ministère public à mieux se pourvoir. Méconnait, en revanche, le texte susvisé, la cour d'appel qui, constatant que le rapport éducatif a été déposé postérieurement à l'acte de saisine, juge n'être pas valablement saisie. En effet, il importe seulement que le versement du rapport éducatif intervienne avant l'audience du tribunal

Texte de la décision

N° F 22-85.078 F-B

N° 00239


GM
22 FÉVRIER 2023


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 FÉVRIER 2023



Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre spéciale des mineurs de ladite cour d'appel, en date du 31 mars 2022, qui, dans la procédure suivie contre [N] [R] et [F] [C] des chefs de vol aggravé, s'est déclarée non saisie et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.




Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. [N] [R], né le [Date naissance 2] 2006, et [F] [C], né le [Date naissance 1] 2008, ont été déférés devant le procureur de la République, le 8 octobre 2022.

3. Ils ont été poursuivis devant le tribunal pour enfants, selon la procédure d'audience unique, des chefs de vol aggravé.

4. Par jugement du 10 novembre 2021, accueillant une exception de nullité soulevée par la défense des prévenus, le tribunal pour enfants a jugé qu'il n'était pas valablement saisi, aucun rapport éducatif de moins d'un an concernant [F] [C] ne figurant au dossier, et le rapport éducatif concernant [N] [R] n'ayant été versé au dossier qu'après son défèrement. En conséquence, le tribunal pour enfants a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir.

5. Le ministère public a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en sa première branche et sur le second moyen

Enoncé des moyens

6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement par lequel le tribunal pour enfants s'est déclaré non saisi, alors :

1°/ que l'obligation faite au procureur de la République de verser le rapport visé par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs ne s'applique que si ce rapport n'a pas déjà été déposé, qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a méconnu les articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 322-8 à L. 322-10, L. 423-4, L. 423-6, L. 423-7, L. 423-8 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs.

7. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement par lequel le tribunal pour enfants s'est déclaré non saisi, alors que la juridiction, même en l'absence du rapport visé par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, ne peut refuser de se prononcer sur la culpabilité mais doit renvoyer sur le prononcé de la peine, au besoin en ordonnant une période de mise à l'épreuve, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 423-4, L. 423-6, L. 423-7, L. 423-8, L. 423-9 et L. 521-27 du code de la justice pénale des mineurs.

Réponse de la Cour

8. Les moyens sont réunis.

9. Pour confirmer le jugement du tribunal pour enfants, l'arrêt attaqué retient notamment que ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'il peut être recouru, par le ministère public, à la procédure dérogatoire de l'audience unique, sous certaines conditions strictement énoncées par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs.

10. Les juges ajoutent que c'est dans ce cadre dérogatoire que s'inscrit l'exigence du versement au dossier par le ministère public du ou des rapports éducatifs datant de moins d'un an.

11. Ils énoncent, par ailleurs, que, si l'article L. 521-27 du code de la justice pénale des mineurs permet au tribunal pour enfants saisi dans les conditions de l'audience unique, après avoir recueilli les observations des parties présentes à l'audience, de statuer selon la procédure de la mise à l'épreuve éducative et d'ordonner la césure du procès, une telle décision ne peut être motivée qu'au regard de la personnalité et des perspectives d'évolution du mineur et non pour pallier l'irrégularité de la saisine de la juridiction.

12. Ils en concluent que la décision du tribunal pour enfants de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir doit être confirmée.

13. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.

14. En effet, d'une part, l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs conditionne le recours à la procédure d'audience unique, notamment, à l'existence d'un rapport éducatif de moins d'un an et impose au procureur de la République le versement de ce rapport au dossier de la procédure.

15. D'autre part, en l'absence de ce versement avant l'audience, la juridiction n'est pas valablement saisie et doit renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir.

16. Ainsi, le grief et le moyen ne sont pas fondés.



Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement par lequel le tribunal pour enfants s'est déclaré non saisi, alors :

2°/ que la cour d'appel ne pouvait sans violer les articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 322-8 à L. 322-10, L. 423-4, L. 423-6, L. 423-7, L. 423-8 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs se déclarer non saisie en l'absence de mise à disposition dudit rapport avant l'audience.

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs :

18. Il résulte de ce texte que, sauf si elle vise le délit prévu par l'article 55-1 du code de procédure pénale, la poursuite d'un mineur, par le procureur de la République, devant le tribunal pour enfants, aux fins de jugement en audience unique suppose, d'une part, que l'intéressé ait déjà fait l'objet d'une mesure éducative, d'une mesure judiciaire d'investigation éducative, d'une mesure de sûreté, d'une déclaration de culpabilité ou d'une peine, d'autre part, qu'ait été établi à l'occasion de l'exécution de cette mesure un rapport datant de moins d'un an. Si le rapport n'a pas été déposé, le procureur de la République peut en requérir le dépôt à l'occasion de la présentation.

19. En conséquence, il importe seulement que le versement du rapport à la procédure intervienne avant l'audience du tribunal.

20. Pour confirmer le jugement du tribunal pour enfants, à l'égard de [N] [R], l'arrêt attaqué énonce que c'est à juste titre que le tribunal, constatant que le rapport n'a été versé au dossier par le parquet que postérieurement à l'acte de saisine, a considéré qu'il n'était pas valablement saisi et à renvoyé le procureur de la République à mieux se pourvoir.

21. En se déterminant ainsi à l'égard de [N] [R], la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.

22. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

23. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à [N] [R]. Les autres dispositions, concernant [F] [C], à propos duquel aucun rapport éducatif n'a été versé à la procédure, seront donc maintenues.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 31 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives à [N] [R], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, chambre spéciale des mineurs, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille vingt-trois.

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