8 February 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-80.885

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00159

Titres et sommaires

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Saisine - Ordonnance de renvoi - Faits qualifiés de délit constituant un crime - Article 469, alinéa 4, du code de procédure pénale - Application - Condition

Ne méconnaît pas les articles 388 et 469 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel, saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction, qui réprime sous une qualification correctionnelle des faits de nature criminelle, si la victime était constituée partie civile et était assistée d'un avocat lorsque ce renvoi a été ordonné. Il en est ainsi du tribunal correctionnel qui, saisi dans ces conditions, réprime sous la qualification d'agression sexuelle des faits de pénétration sexuelle

Texte de la décision

N° Y 22-80.885 F- B

N° 00159


GM
8 FÉVRIER 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 FÉVRIER 2023



M. [B] [U] [P] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre, en date du 24 janvier 2022, qui, pour agressions sexuelles et violences, aggravées, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [P] [T], les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [T], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Suite à la plainte déposée le 7 décembre 2016 par Mme [X] [J] à l'encontre de son mari M. [B] [U] [P] [T], à l'égard de faits commis sur leur fille [K] [T], une information a été ouverte et M. [P] [T] a été mis en examen des chefs de viol et agressions sexuelles incestueuses sur mineur de quinze ans par ascendant, agressions sexuelles incestueuses sur mineur de plus de quinze ans par ascendant et violences volontaires sur mineur de quinze ans par ascendant.

3. Par ordonnance du 14 mars 2019, après avoir obtenu l'accord de la partie civile sur ce point, le juge d'instruction a procédé à la requalification des faits de viol en agression sexuelle et il a ordonné le renvoi de M. [P] [T] devant le tribunal correctionnel des chefs d'agression sexuelle incestueuse sur mineur de quinze ans par ascendant, agression sexuelle incestueuse sur mineur de plus de quinze ans par ascendant et violences volontaires sur mineur de quinze ans par ascendant.

4. Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal correctionnel a prononcé la relaxe de M. [P] [T], a déclaré recevable la constitution de partie civile de [K] [T] et l'a déboutée de ses demandes.

5. Le ministère public a relevé appel des dispositions pénales du jugement et la partie civile a formé appel à l'égard des dispositions civiles.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé des moyens

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] [T] coupable d'agression sexuelle incestueuse sur un mineur de quinze ans et d'agression sexuelle incestueuse sur un mineur de plus de quinze ans et, en répression, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis d'un sursis probatoire pendant trois ans, alors « que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; Qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'ordonnance de renvoi en date du 14 mars 2019, qui fixe les limites de la prévention, qu'il est reproché à M. [P] [T] d'avoir, du 16 avril 2010 au 30 juillet 2016, commis ou tenté de commettre une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de [K] [T] « en l'espèce en procédant sur elle à des attouchements de nature sexuelle » ; Que de tels attouchements sont exclusifs de tout acte de pénétration sexuelle ; Que, dès lors, en relevant notamment, pour déclarer l'exposant coupable des faits visés à la prévention, qu'outre des attouchements de son père sur les seins et les fesses, [K] [T] a fait état d'un « acte de pénétration ayant eu lieu quand elle avait quatorze ans, soit en 2013 » et que « l'examen gynécologique confirme une défloration, le médecin expert expliquant que les jeunes filles n'ayant pas de connaissance en matière de sexualité pouvaient confondre une pénétration anale et vaginale », la cour d'appel, qui a ainsi retenu à la charge du prévenu un acte de pénétration sexuelle qui n'était pas visé à la prévention, tandis que rien n'indique que l'intéressé ait accepté d'en répondre, a violé l'article 388 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour déclarer le prévenu coupable d'agressions sexuelles aggravées, l'arrêt attaqué retient qu'il a imposé à sa fille des attouchements sexuels et une pénétration sexuelle vaginale.

8. En réprimant ainsi, sous la qualification d'agression sexuelle aggravée, un acte de pénétration sexuelle, la cour d'appel n'a pas méconnu les termes de sa saisine, pour les raisons suivantes.

9. D'une part, les faits de pénétration sexuelle ont donné lieu à la mise en examen du demandeur pour viol aggravé. Le juge d'instruction a substitué une qualification correctionnelle à ce fait, en clôturant l'information par une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, qui vise à la fois des faits d'attouchements et de pénétration, sous la qualification d'agressions sexuelles aggravées.

10. D'autre part, le demandeur n'a pas relevé appel de cette ordonnance de renvoi, en invoquant que les faits étaient de nature criminelle, alors que cette voie de recours lui était ouverte, par l'article 186-3 du code de procédure pénale.

11. Par ailleurs, lors de ce renvoi, la victime était constituée partie civile et assistée d'un avocat. L'article 469 du code de procédure pénale empêchait donc la juridiction de jugement de se déclarer incompétente si elle constatait que l'un des faits dont elle était saisie était de nature à entraîner une peine criminelle.

12. En conséquence, il revenait à la juridiction de jugement, si elle estimait que le prévenu avait contraint sa fille à un acte de pénétration sexuelle, de réprimer cet acte sous la qualification correctionnelle dont elle était saisie.

13. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] [T] à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis du sursis probatoire pendant trois ans, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; Qu'en l'espèce, pour condamner l'exposant à la peine de cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis du sursis probatoire, la cour d'appel s'est bornée à énoncer d'une part que les faits sont particulièrement graves s'agissant de faits de violence et de faits de nature sexuelle commis par un père sur sa fille pendant plusieurs années, d'autre part que si le prévenu est inséré socialement, il n'a cependant pas conscience de la gravité des faits qu'il nie ou minimise s'agissant des violences, et dénie avoir des problèmes avec l'alcool, enfin que les faits remontant à plus de cinq ans et que l'intéressé n'a pas d'antécédent judiciaire pour des faits de cette nature ; Qu'en l'état de ces seules énonciations, sans mieux s'expliquer sur le caractère inadéquat de toute autre sanction que l'emprisonnement ferme, ni mieux préciser la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 132-19 du code pénal. »

Réponse de la Cour

15. Pour condamner le prévenu à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire, l'arrêt attaqué énonce que les faits sont graves s'agissant de violences et d'atteintes sexuelles commises par un père sur sa fille durant plusieurs années, que lesdits faits remontent à plus de cinq ans et que l'intéressé n'a pas d'antécédent judiciaire à cet égard.

16. Les juges ajoutent que si le prévenu est inséré socialement, il n'a cependant pas conscience de la gravité des faits qu'il nie ou minimise s'agissant des violences, que, de même, il dénie en réalité avoir des problèmes avec l'alcool.

17. En se déterminant ainsi, par des motifs qui prennent en compte les circonstances des infractions, dont il résulte que la gravité de celles-ci et la personnalité de son auteur rendent la peine d'emprisonnement indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

18. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

19. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné, M. [P] [T] sur les intérêts civils, à payer à [K] [T], partie civile, la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice sexuel, alors « que le fait générateur du préjudice qu'il appartient au juge pénal de réparer ne peut résider que dans les faits visés à la prévention et dont le prévenu a été déclaré coupable ; Qu'en l'espèce, pour condamner l'exposant à payer à la partie civile la somme de 3 000 € en réparation de son préjudice sexuel, la cour d'appel s'est déterminée par la circonstance que la jeune [K] [T] a été particulièrement bouleversée par l'annonce de la perte de sa virginité et a ressenti cette annonce avec une particulière violence pour son intimité alors qu'elle se croyait encore jeune fille ; Qu'en statuant ainsi, quand la prévention ne visait aucun acte de pénétration sexuelle, et ne faisait état que d'attouchements, excluant ainsi l'existence d'un acte de pénétration sexuelle, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale, ensemble les articles 2 et 464 du même code. »

Réponse de la Cour

20. Compte tenu de la réponse apportée au premier moyen, c'est sans méconnaître les termes de sa saisine, qui portait sur des faits de pénétration sexuelle, que la cour d'appel a indemnisé le préjudice en résultant pour la victime.

21. Le moyen doit donc être écarté.

22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.

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