8 February 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.521

Troisième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:C300098

Texte de la décision

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 février 2023




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 98 FS-D

Pourvoi n° Z 21-25.521



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 FÉVRIER 2023

La société Monréseau-immo.com, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-25.521 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. [E] [R], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de la société Monréseau-immo.com, de Me Balat, avocat de M. [R], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, MM. Delbano, Bosse-Platière, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2021), le 30 octobre 2017, M. et Mme [M] (les promettants) ont conclu, par l'intermédiaire de l'agence immobilière Monréseau-immo.com (l'agence immobilière), une promesse unilatérale de vente d'un immeuble au bénéfice de M. [R] et Mme [V] (les bénéficiaires), assortie d'une condition suspensive d'obtention d'un prêt et fixant à la somme de 9 000 euros le montant des honoraires de l'agence.

2. La signature de l'acte de vente n'est pas intervenue et, le 23 juillet 2018, une nouvelle promesse de vente aux mêmes conditions a été signée avec Mme [V] seule.

3. L'agence immobilière a assigné les bénéficiaires en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, faisant valoir qu'ils étaient à l'origine de l'échec de la vente, la condition suspensive d'obtention d'un prêt ayant défailli par leur faute.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'agence immobilière fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que, même s'il n'est pas débiteur de la commission, l'acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l'agent immobilier, par l'entremise duquel il a été mis en relation avec le vendeur qui l'avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice ; qu'en estimant que le fait que la vente ne se soit pas réalisée, qui privait la société Monréseau-immo.com de sa commission, suffisait à exclure qu'elle ait subi un préjudice du fait de la faute imputée à M. [R], acquéreur qui avait fait échouer la vente, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a exactement retenu que l'acte du 30 octobre 2017 n'ouvrait pas droit, à lui seul, à des honoraires au profit de l'agence immobilière, dès lors que, s'agissant d'une promesse unilatérale de vente, il ne comportait pas l'engagement du bénéficiaire d'acquérir.

7. Elle a relevé que les bénéficiaires s'étaient séparés et qu'après leur avoir délivré une sommation d'opter, les promettants avaient conclu une nouvelle promesse unilatérale de vente au profit de Mme [V].

8. Ayant énoncé à juste titre que, la vente n'ayant pas été effectivement conclue au sens de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, l'agence immobilière n'avait pas droit à des honoraires, la cour d'appel qui, abstraction faite de motifs surabondants relatifs à la défaillance de la condition suspensive, n'a pas constaté que la non-réalisation de la vente était imputable à une faute de M. [R], a pu en déduire que l'agence immobilière ne pouvait pas prétendre à l'allocation de dommages-intérêts.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. L'agence immobilière fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages et intérêts à M. [R], alors « que l'action en justice est un droit qui ne peut dégénérer en abus que si une faute est caractérisée ; qu'en se bornant à constater l'existence d'un prétendu préjudice de M. [R], sans constater que la société Monréseau-immo.com aurait commis une quelconque faute en rapport avec ce préjudice, la cour d'appel, si elle a entendu appliquer la responsabilité délictuelle, a violé l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

11. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

12. Pour condamner l'agence immobilière à payer à M. [R] une somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que la saisie de deux véhicules et les affres et aléas de la procédure lui ont causé un préjudice moral.

13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit de l'agence immobilière d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. En l'absence de circonstances exceptionnelles justifiant de condamner l'agence immobilière, dont la légitimité de l'action a été reconnue par la juridiction du premier degré, au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, la demande reconventionnelle de M. [R] sera rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Monréseau-immo.com à payer à M. [R] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 3 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande reconventionnelle de M. [R] en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les dispositions relatives aux indemnités de procédure allouées par les juges du fond et aux dépens exposés devant eux ;

Condamne la société Monréseau-immo.com aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Monréseau-immo.com et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour la société Monréseau-immo.com

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Monréseau-immo.com reproche à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes contre M. [R] ;

ALORS QUE même s'il n'est pas débiteur de la commission, l'acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l'agent immobilier, par l'entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l'avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice ; qu'en estimant que le fait que la vente ne se soit pas réalisée, qui privait la société Monréseau-immo.com de sa commission, suffisait à exclure qu'elle ait subi un préjudice du fait de la faute imputée à M. [R], acquéreur qui avait fait échouer la vente, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Monréseau-immo.com reproche à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser des dommages-intérêts à M. [R] ;

1°) - ALORS QUE la cassation prononcée sur le premier moyen montrera que l'action de la société Monréseau-immo.com était fondée, de sorte qu'elle ne pouvait pas être source de responsabilité civile, ce qui entraînera la cassation en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) – ALORS QUE la cour d'appel, en se bornant à énoncer l'existence d'un préjudice, a laissé incertain le fondement légal de sa décision, en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;

3°) - ALORS SUBSIDAIREMENT QUE l'action en justice est un droit qui ne peut dégénérer en abus que si une faute est caractérisée ; qu'en se bornant à constater l'existence d'un prétendu préjudice de M. [R], sans constater que la société Monréseau-immo.com aurait commis une quelconque faute en rapport avec ce préjudice, la cour d'appel, si elle a entendu appliquer la responsabilité délictuelle, a violé l'article 1240 du code civil.

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