8 February 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.330

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00120

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Sauvegarde - Période d'observation - Déclaration de créances - Débiteur - Créances portées à la connaissance du mandataire judiciaire - Présomption de déclaration de la créance par le débiteur - Portée

Il résulte de l'article L. 622-24, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que la créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur, dans le délai fixé à l'article R. 622-24 du code de commerce, fait présumer de la déclaration de sa créance par son titulaire, mais seulement dans la limite du contenu de l'information fournie au mandataire judiciaire par le débiteur. En conséquence, viole ce texte la cour d'appel qui retient que la déclaration effectuée par un débiteur sur la liste de ses créanciers remise à son mandataire judiciaire ne peut valoir déclaration de créance faite pour le compte du créancier, aux motifs que cette liste ne comporte l'indication ni des sommes à échoir et de la date de leur échéance, ni de la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie, ni des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, alors qu'il résulte de ses propres constatations que la liste des créanciers comporte le nom du créancier ainsi que le montant de la créance de ce dernier, ce qui vaut déclaration de créance effectuée par le débiteur pour le compte du créancier, dans la limite de ces informations

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 février 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 120 F-B

Pourvoi n° V 21-19.330




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 FÉVRIER 2023

La société Coopérative Bourgogne, société civile agricole, dont le siège est [Adresse 2], pris en son établissement [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 21-19.330 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ au Gaec du Petit Champ, groupement agricole d'exploitation en commun, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Jean-Jacques Deslorieux, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], mandataire judiciaire, prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan du Gaec du Petit Champ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Coopérative Bourgogne, de la SARL Cabinet Briard, avocat du Gaec du Petit Champ, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 juin 2021), un jugement du 28 mars 2017, publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 12 avril suivant, a mis en sauvegarde le Gaec du Petit Champ (le Gaec).

2. Conformément à l'article L. 622-6 du code de commerce, le Gaec a remis au mandataire judiciaire Ia liste de ses créanciers, sur laquelle figurait la société Coopérative Bourgogne (la Coopérative).

3. La créance de la Coopérative a été contestée par le Gaec, qui a fait valoir que le seul fait que ce créancier apparaisse sur la liste des créanciers ne valait pas déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier, au sens de l'alinéa 3 de l'article L. 622-24 du code de commerce.

4. Le Gaec a bénéficié d'un plan de sauvegarde, la société Jean-Jacques Deslorieux étant nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La Coopérative fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne rapporte pas la preuve de la réception de sa déclaration de créance par le mandataire judiciaire, de dire que la liste des créanciers remise à ce mandataire par le Gaec ne vaut pas déclaration de créance faite pour son compte par le débiteur et de rejeter sa demande d'admission de créance, alors « que le débiteur qui a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, en précisant l'identité de son créancier et le montant de la créance, est présumé avoir déclaré cette créance pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance ; que pour considérer que la déclaration faite par le GAEC du Petit Champ ne pouvait valoir déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier, l'arrêt attaqué retient que la liste des créanciers remise à la SCP Deslorieux, datée du 28 mars 2017, ne comportait ni l'indication des sommes à échoir et la date de leur échéance, ni la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance était éventuellement assortie, ni les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'était pas arrêté ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que la liste des créanciers remise par le débiteur au mandataire judiciaire comportait "dans la colonne des créanciers fournisseurs la mention de la Coopérative Bourgogne du Sud, de l'adresse de celle-ci et d'un montant dû estimé, échu et à échoir, de 422 493 euros", ce dont elle aurait dû déduire que les éléments essentiels de cette créance, à savoir son titulaire et son montant, avaient été portés à la connaissance du mandataire, ce qui valait déclaration de créance du GAEC du Petit Champ pour le compte de la Coopérative Bourgogne du Sud, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24 et R. 622-5 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-24, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 :

6. Il résulte de ce texte que la créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur, dans le délai fixé à l'article R. 622-24 du code de commerce, fait présumer de la déclaration de sa créance par son titulaire, mais seulement dans la limite du contenu de l'information fournie au mandataire judiciaire par le débiteur.

7. Pour rejeter la demande d'admission de sa créance formée par la Coopérative, l'arrêt énonce, d'abord, que, selon l'article R. 622-5, alinéa 3, du code de commerce, pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 622-24 susvisé, toute déclaration faite par le débiteur, dans le délai fixé par le premier alinéa de l'article R. 622-24 du même code, doit comporter les éléments prévus aux deux premiers alinéas de l'article L. 622-25 du même code et, le cas échéant, ceux prévus par le 2° de l'article R. 622-23 de ce code. Ensuite, après avoir constaté que la liste des créanciers du 28 mars 2017 remise par le Gaec à son mandataire judiciaire comporte, dans la colonne des créanciers fournisseurs, la mention de la Coopérative, de l'adresse de celle-ci et d'un montant dû estimé, échu et à échoir de 422 493 euros, l'arrêt retient que cette liste ne comporte l'indication ni des sommes à échoir et de la date de leur échéance, ni de la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie, ni des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cependant qu'il n'est pas établi que le débiteur aurait fourni d'autres informations au mandataire judiciaire. L'arrêt en déduit que cette déclaration faite par le Gaec ne peut valoir déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la liste des créanciers remise par le Gaec à son mandataire judiciaire comportait le nom de la Coopérative créancière ainsi que le montant de la créance de cette dernière, ce qui valait déclaration de créance effectuée par le débiteur pour le compte du créancier, dans la limite de ces informations, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables l'appel principal formé par le Gaec du Petit Champ et l'appel incident formé par la société Coopérative Bourgogne, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne le Gaec du Petit Champ aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois et signé par lui et Mme Mamou, greffier présent lors du prononcé.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative Bourgogne.

La SCEA Coopérative Bourgogne du Sud fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'elle ne rapporte pas la preuve de la réception de sa déclaration de créance par la SCP Deslorieux, ès qualité de mandataire judiciaire, d'AVOIR dit que la liste des créanciers remise à la SCP Deslorieux par le GAEC du Petit Champ ne vaut pas déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier et l'AVOIR déboutée de sa demande d'admission de créance ;

Alors que le débiteur qui a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, en précisant l'identité de son créancier et le montant de la créance, est présumé avoir déclaré cette créance pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance ; que pour considérer que la déclaration faite par le GAEC du Petit Champ ne pouvait valoir déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier, l'arrêt attaqué retient que la liste des créanciers remise à la SCP Deslorieux, datée du 28 mars 2017, ne comportait ni l'indication des sommes à échoir et la date de leur échéance, ni la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance était éventuellement assortie, ni les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'était pas arrêté ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que la liste des créanciers remise par le débiteur au mandataire judiciaire comportait « dans la colonne des créanciers fournisseurs la mention de la Coopérative Bourgogne du Sud, de l'adresse de celle-ci et d'un montant dû estimé, échu et à échoir, de 422 493 euros », ce dont elle aurait dû déduire que les éléments essentiels de cette créance, à savoir son titulaire et son montant, avaient été portés à la connaissance du mandataire, ce qui valait déclaration de créance du GAEC du Petit Champ pour le compte de la Coopérative Bourgogne du Sud, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24 et R. 622-5 du code de commerce.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.