1 February 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.546

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00237

Titres et sommaires

ENSEIGNEMENT - enseignement privé - etablissement - etablissement lié à l'etat par un contrat simple - personnel enseignant agréé - salaire - principe d'assimilation et d'équivalence de la rémunération avec celle des instituteurs de l'enseignement public - etendue - effets - retraite - indemnité de départ à la retraite prévue par l'article 32 de la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965 - bénéfice - exclusion - portée

Le principe d'assimilation et d'équivalence de la rémunération des maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple avec celle des instituteurs de l'enseignement public concerne les traitements, avantages et indemnités attribués par l'Etat. Il en résulte que les maîtres agréés exerçant dans un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par contrat simple, bénéficiaires de la retraite additionnelle de la fonction publique instaurée par l'article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat, ne sont pas en droit de percevoir également l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article 32 de la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er février 2023




Cassation partielle sans renvoi


M. SOMMER, président



Arrêt n° 237 FS-B

Pourvoi n° X 21-10.546




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023

L'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-10.546 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [D] [P], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020), rendu après cassation (Soc., 26 juin 2019, pourvoi n° 17-31.111), M. [P], instituteur agréé depuis le 1er septembre 1998 exerçant dans un institut médico-éducatif, établissement d'enseignement privé géré par l'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés (l'association), elle-même liée à l'Etat par un contrat simple, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2012.

2. Le 12 novembre 2012, il a saisi la juridiction prud'homale pour solliciter le paiement d'une indemnité de départ à la retraite.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [P] une certaine somme à titre d'indemnité de départ à la retraite, alors « que le maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite après le 31 décembre 2010, ne peut pas prétendre à une indemnité de départ à la retraite versée par son employeur, au titre des fonctions pour lesquelles il était rémunéré par l'Etat ; qu'en jugeant que M. [P], maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite le 1er septembre 2012, était en droit de réclamer à l'association l'indemnité de départ à la retraite prévue par la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 914-1 et R. 914-96 du code de l'éducation, ensemble les articles 3 et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'employeur invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine de son précédent arrêt, alors que la juridiction de renvoi s'y est conformée.

5. Cependant, la cassation partielle a été prononcée le 26 juin 2019, au seul visa des articles 4 et 5 du code de procédure civile, pour méconnaissance des termes du litige.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 3, I et IV, et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat et l'article L. 914-1, alinéa 1er, du code de l'éducation :

7. Aux termes de l'article 3, I et IV, de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005, il est institué un régime public de retraite additionnel obligatoire ouvert :
1° Aux personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime ;
2° A leurs conjoints survivants ainsi qu'à leurs orphelins.
Ce régime, par répartition provisionnée, est destiné à permettre l'acquisition de droits additionnels à la retraite.
IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux enseignants admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage temporaire de retraite servi par l'Etat postérieurement au 31 août 2005.

8. Aux termes de l'article L. 914-1, alinéa 1er, du code de l'éducation, les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de qualification, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d'avancement prises en faveur des maîtres de l'enseignement public.

9. Aux termes de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2005 précitée, les modalités selon lesquelles les personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime, admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage temporaire de retraite servi par l'Etat, perçoivent, à titre transitoire, de manière dégressive à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, une indemnité de départ à la retraite, sont déterminées par voie de conventions. Ces conventions seront étendues par arrêté des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'agriculture à l'ensemble des partenaires sociaux compris dans leur champ d'application.

10. Le principe d'assimilation et d'équivalence de la rémunération des maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple avec celle des instituteurs de l'enseignement public concerne les traitements, avantages et indemnités attribués par l'Etat.

11. Il en résulte que les maîtres agréés exerçant dans un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par contrat simple, bénéficiaires de la retraite additionnelle de la fonction publique instaurée par l'article 3 de la loi du 5 janvier 2005 précitée, ne sont pas en droit de percevoir également l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article 32 de la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965.

12. Pour accueillir la demande du salarié, l'arrêt retient qu'un maître agréé, exerçant dans un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par contrat simple, peut se prévaloir des dispositions d'une convention collective prévoyant le bénéfice d'une indemnité de départ à la retraite pour les salariés.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation emporte cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif condamnant l'association aux dépens et à payer à M. [P] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Arteai à payer à M. [P] la somme de 7 876 euros, dit que cette condamnation est productive d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil, condamne l'association Arteai aux dépens et la condamne à payer à M. [P] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. [P] de sa demande d'indemnité de départ à la retraite ;

Condamne M. [P] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, en ce compris celles formées devant la cour d'appel ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés

L'association Arteai fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement l'ayant condamnée à payer à M. [P] la somme de 7 876 euros à titre d'indemnité de départ à la retraite et d'AVOIR y ajoutant dit que la condamnation de l'association Arteai à payer à M. [P] la somme de 7 876 euros était productive d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

1°) ALORS QUE le maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite après le 31 décembre 2010, ne peut pas prétendre à une indemnité de départ à la retraite versée par son employeur, au titre des fonctions pour lesquelles il était rémunéré par l'Etat ; qu'en jugeant que M. [P], maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite le 1er septembre 2012, était en droit de réclamer à l'association Arteai l'indemnité de départ à la retraite prévue par la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 914-1 et R. 914-96 du code de l'éducation, ensemble les articles 3 et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 ;

2°) ALORS QUE l'article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 énonce que ses dispositions sont applicables aux enseignants admis à la retraite postérieurement au 31 août 2005 ; qu'en jugeant, par motifs éventuellement adoptés, que la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 était entrée en vigueur le 1er septembre 2005 et que le législateur n'avait expressément édicté ni sa rétroactivité aux enseignants antérieurement à cette date, ni son application immédiate et automatique aux contrats en cours, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 et l'article 2 du code civil.

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