18 January 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-24.671

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100051

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Procédure à jour fixe - Requête - Ordonnance y faisant droit - Nécessité - Exclusion - Cas - Assignation d'une personne non mentionnée dans l'ordonnance du premier président

Selon l'article 917 du code de procédure civile, en matière de procédure à jour fixe devant la cour d'appel, le premier président statuant sur requête par une ordonnance qui constitue une mesure d'administration judiciaire peut fixer le jour auquel l'affaire est appelée par priorité et désigner la chambre à laquelle elle est attribuée. Selon l'article 920 du même code, l'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé. Aucun de ces textes ni aucune autre disposition ne fait obstacle à ce que la partie qui a obtenu le bénéfice de la procédure à jour fixe assigne sans nouvelle autorisation une personne qui n'est pas mentionnée dans l'ordonnance du premier président

PROCEDURE CIVILE - Procédure à jour fixe - Requête - Ordonnance y faisant droit - Nature - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

SA9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Rejet


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 51 F-B

Pourvoi n° J 19-24.671






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2023

1°/ Mme [O] [I], domiciliée [Adresse 2], représentée par M. [W] [I] en qualité de tuteur et par Mme [B] [V] en qualité de subrogé-tuteur,

2°/ M. [W] [I], domicilié [Adresse 1],

3°/ Mme [B] [V], domiciliée [Adresse 5], mandataire judiciaire à la protection des majeurs désignée par ordonnance du juge des tutelles en date du 17 avril 2019, agissant en qualité de subrogé-tuteur de Mme [O] [I],

ont formé le pourvoi n° J 19-24.671 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [E] [I], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société civile [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 3], société dissoute prise en la personne de M. [U] [G], pris en qualité de liquidateur amiable,

3°/ à M. [U] [G], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de liquidateur de la société civile [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [I], de M. [W] [I] et de Mme [V], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [E] [I], et l'avis de M. Aparisi, avocat général réferendaire, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Chevalier, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (Com., 5 avril 2018, pourvoi n° 16-19.829), le capital de la société civile [Adresse 6] (la société HFP) est réparti entre M. [E] [I], son gérant, détenteur de 50 % des parts, Mme [O] [I] et M. [W] [I], ceux-ci détenant chacun 25 % des parts. La société HFP est propriétaire de deux terrains donnés à bail à deux sociétés, dirigées par M. [W] [I].

2. Invoquant la mésentente entre les associés paralysant le fonctionnement de la société, Mme [O] [I] a judiciairement sollicité la dissolution de celle-ci sur le fondement de l'article 1844-7, 5°, du code civil, demande à laquelle M. [W] [I] s'est associé.

3. M. [E] [I], agissant à titre personnel, et la société HFP, ont interjeté appel, selon la procédure à jour fixe, d'un jugement assorti de l'exécution provisoire ayant prononcé la dissolution de la société HFP, désigné M. [G] en qualité de liquidateur et de représentant légal et rejeté la demande indemnitaire de M. [E] [I].

4. Le 2 octobre 2015, ils ont délivré une assignation à jour fixe à M. [G] en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur les premier, deuxième et troisième moyen, pris en sa première branche, sur l'avis de Samuel Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 8 mars 2022, où étaient présents, M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Durin-Karsenty, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [I], représentée par M. [W] [I], tuteur, et Mme [V], subrogée tutrice, M. [W] [I] et Mme [V], ès qualités, font grief à l'arrêt de dire régulière la mise en cause de la société HFP prise en la personne de son liquidateur, alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la partie ayant requis l'autorisation de mettre en oeuvre la procédure à jour fixe en appel ne peut valablement assigner pour le jour fixé une personne non visée par l'ordonnance d'autorisation du premier président ; que le fait d'assigner une personne à jour fixe sans y avoir été autorisé constitue un motif d'irrégularité de la mise en cause de cette personne – laquelle se trouve dépourvue du droit d'agir en défense en appel –, et cette irrégularité entache la procédure d'appel, y compris après cassation ultérieure puis renvoi devant une seconde cour d'appel, le renvoi de cassation n'ouvrant pas une nouvelle instance en appel ; qu'une telle irrégularité ne peut donc être couverte par la présence devant la Cour de cassation de la personne irrégulièrement assignée en appel ni par le respect des modalités procédurales de citation des parties sur renvoi de cassation ; qu'en retenant au contraire que ces deux dernières circonstances procédurales rendaient régulière la mise en cause de la personne assignée à jour fixe en appel sans autorisation, la cour d'appel a violé les articles 14, 31, 32, 625, 631, 917 et 920 du code de procédure civile, par refus d'application, et les articles 1033 et 1036 du même code, par fausse interprétation. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 917 du code de procédure civile, en matière de procédure à jour fixe devant la cour d'appel, le premier président qui statue sur requête par une ordonnance qui constitue une mesure d'administration judiciaire peut fixer le jour auquel l'affaire est appelée par priorité et désigner la chambre à laquelle elle est attribuée.

7. Selon l'article 920 du même code, l'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé.

8. Aucun de ces textes ni aucune autre disposition ne fait obstacle à ce que la partie qui a obtenu le bénéfice de la procédure à jour fixe assigne sans nouvelle autorisation une personne qui n'est pas mentionnée dans l'ordonnance du premier président.

9. Il en résulte que le liquidateur représentant la société civile a été régulièrement mis en cause.

10. Le moyen, qui manque en droit, ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Mme [I], représentée par M. [W] [I], tuteur, et Mme [V], subrogée tutrice, M. [W] [I] et Mme [V], ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel interjeté par M. [E] [I] en son nom personnel, alors « que, dans un litige indivisible par nature, tel que celui relatif à une demande d'un associé en dissolution judiciaire d'une société commerciale, l'appel formé contre l'une des parties n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance ; que si une telle instance en appel suit la procédure à jour fixe, l'absence de mise en cause régulière de l'une des parties, du fait de l'absence d'autorisation d'assigner à jour fixe à son égard, rend l'appel irrecevable ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen du présent pourvoi, du chef de la régularité de la mise en cause en appel de la société dont la dissolution judiciaire était demandée, emportera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, cassation par voie de conséquence du chef de la recevabilité de l'appel interjeté en son nom personnel par M. [E] [I], associé de cette société, en l'état du lien de dépendance nécessaire unissant ces deux chefs de dispositif. »

Réponse de la Cour

12. Le premier moyen étant rejeté, le grief manque en fait.

13. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche




Enoncé du moyen

14. Mme [I], représentée par M. [W] [I], tuteur, et Mme [V], subrogée tutrice, M. [W] [I] et Mme [V], ès qualités, font grief à l'arrêt de débouter M. [W] [I], agissant tant en son personnel qu'en qualité de tuteur de Mme [I], de leur demande de dissolution judiciaire de la société HFP et de rejeter toutes leurs demandes subséquentes, alors « que les chefs de dispositif par lesquelles la cour d'appel de renvoi a statué sur le fond du litige et rejeté la demande en liquidation judiciaire de la société sont dans la dépendance nécessaire du chef de dispositif ayant déclaré recevable l'appel interjeté par M. [E] [I] contre le jugement par lequel cette demande avait été accueillie, de sorte que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen du présent pourvoi emportera cassation par voie de conséquence des dispositions de fond de l'arrêt attaqué, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

15. Le deuxième moyen étant rejeté, le grief manque en fait.

16. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches

Enoncé du moyen

17. Mme [I], représentée par M. [W] [I], tuteur, et Mme [V], subrogée tutrice, M. [W] [I] et Mme [V], ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en présence d'une mésentente avérée entre les associés d'une société, dont chaque bloc détient la moitié des droits sociaux, la circonstance que la rédaction des statuts permet un fonctionnement apparent des organes sociaux, grâce aux pouvoirs statutaires accordés à l'associé gérant statutaire et, notamment, à la voix prépondérante dont il dispose en assemblée générale en cas de partage des voix, ne saurait à elle seule exclure l'existence d'une paralysie effective du fonctionnement de la société, dès lors que, comme cela a été constaté au cas présent pour l'approbation des comptes, les décisions sociales ne peuvent qu'être approuvées compte tenu de cette voix prépondérante et ce, malgré l'opposition des autres associés ; qu'en prenant en considération cette seule organisation statutaire pour écarter toute paralysie du fonctionnement de la société, cependant qu'il se déduisait des propres constatations de l'arrêt et que sans cette organisation statutaire, le fonctionnement de la société aurait été effectivement paralysé, de sorte que l'absence de blocage n'était qu'apparente, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 5°, du code civil ;

3°/ qu'aucune disposition légale ne donne à la juridiction saisie pouvoir d'obliger l'associé qui demande la dissolution de la société par application de l'article 1844-7, 5°, du code civil à céder ses parts à cette dernière et aux autres associés offrant de les racheter ; qu'en présence d'une mésentente paralysant le fonctionnement d'une société caractérisant la disparition de l'affectio societatis, le juge ne saurait non plus refuser de faire droit à la demande de dissolution d'un associé par la considération que ce dernier pourrait exercer son droit de retrait statutairement prévu ; qu'après avoir constaté, d'une part, la réalité de la mésentente entre les associés de la société civile [Adresse 6] issue du conflit familial et successoral les opposant, d'autre part, le fonctionnement artificiel de la société grâce à la voix prépondérante accordée par les statuts à l'associé gérant, président de séance, lors des assemblées générales, la cour d'appel ne pouvait, pour rejeter la demande en dissolution formée par les consorts [I], prendre en considération le droit de retrait dont disposait ces derniers ; qu'en se fondant néanmoins sur cette considération pour écarter leur demande en dissolution judiciaire, la cour d'appel a de plus fort violé les dispositions de l'article 1844-7, 5°, du code civil ;

4°/ que la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société justifie que soit prononcée sa dissolution sans qu'il soit nécessaire que soit établie que ladite société est dans une situation irrémédiablement compromise, la dissolution anticipée pouvant avoir précisément pour objet d'éviter à la société une telle fin de vie ; qu'en se fondant, pour refuser de faire droit à la demande en dissolution judiciaire de la société [Adresse 6], sur l'absence de démonstration de ce que cette société était dans une situation irrémédiablement compromise au regard de ses résultats des années 2014 et 2015, notamment, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 1844-7, 5°, du code civil une condition qu'il ne comporte pas, l'a violé. »

Réponse de la Cour

18. Après avoir constaté qu'en dépit de la répartition égalitaire des titres entre les associés, les dispositions statutaires de la société HFP permettaient d'adopter les résolutions nécessaires à son bon fonctionnement et de prévenir, en cas de désaccord, tout blocage en raison de l'attribution, lors des assemblées générales, d'une voix prépondérante au gérant qui en assurait la présidence, qu'elles donnaient aux associés la possibilité de se retirer totalement ou partiellement de la société HFP et que ni Mme [I], ni M. [W] [I] n'avaient formulé une telle requête, la cour d'appel a retenu que l'activité de cette société se poursuivait en dépit des conflits entre associés et qu'elle pouvait, le cas échéant, continuer de fonctionner après un retrait d'associés.

19. La cour d'appel, qui avait la faculté de prendre en compte le droit de retrait conféré aux associés, qui ne s'est pas fondée sur une absence de blocage apparente et qui n'a pas subordonné la dissolution de la société HFP à la preuve d'une situation financière irrémédiablement compromise, a pu en déduire que la mésentente entre les associés ne paralysait pas son fonctionnement et rejeter la demande de dissolution.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [I] et M. [W] [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme [I], M. [W] [I] et Mme [V]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit régulière la mise en cause de la Société civile [Adresse 6] prise en la personne de son liquidateur maître [G] ;

AUX MOTIFS QUE maître [G], en qualité de liquidateur de la société civile [Adresse 6], avait été assigné à jour fixe devant la cour d'appel de Toulouse le 2 octobre 2015 par la société civile [Adresse 6] et M. [E] [I] ; que cette assignation avait été délivrée sur autorisation d'assigner à jour fixe donnée par le premier président de la cour d'appel de Toulouse le 16 septembre 2015 ; qu'or, cette ordonnance sur requête du 16 septembre 2015 avait autorisé la société civile [Adresse 6] et M. [E] [I] à assigner [W] [I] et Mme [O] [I] exclusivement ; que maître [G], ès-qualités, avait donc été assigné à jour fixe devant la cour sans autorisation et si la procédure n'avait pas été régularisée par une nouvelle autorisation d'assigner dans les délais de l'appel, il n'en demeurait pas moins que l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse avait été cassé dans son intégralité par la cour de cassation en présence de maître [G], pris en sa qualité de liquidateur de la SCHFP, défendeur à la cassation, régulièrement appelé devant la Cour de cassation et que devant la cour de renvoi de Montpellier, ce dernier avait été régulièrement intimé ; que le fait d'assigner une partie à jour fixe sans y avoir été autorisé constituait certes un motif d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir, mais il n'en demeurait pas moins que maître [G], ès-qualités de liquidateur de la société civile [Adresse 6], avait été régulièrement appelé en la cause devant la cour de renvoi de [Localité 7] ; que la mise en cause de la SCHFP était donc régulière (arrêt, p. 7)

ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la partie ayant requis l'autorisation de mettre en oeuvre la procédure à jour fixe en appel ne peut valablement assigner pour le jour fixé une personne non visée par l'ordonnance d'autorisation du premier président ; que le fait d'assigner une personne à jour fixe sans y avoir été autorisé constitue un motif d'irrégularité de la mise en cause de cette personne – laquelle se trouve dépourvue du droit d'agir en défense en appel –, et cette irrégularité entache la procédure d'appel, y compris après cassation ultérieure puis renvoi devant une seconde cour d'appel, le renvoi de cassation n'ouvrant pas une nouvelle instance en appel ; qu'une telle irrégularité ne peut donc être couverte par la présence devant la Cour de cassation de la personne irrégulièrement assignée en appel ni par le respect des modalités procédurales de citation des parties sur renvoi de cassation ; qu'en retenant au contraire que ces deux dernières circonstances procédurales rendaient régulière la mise en cause de la personne assignée à jour fixe en appel sans autorisation, la cour d'appel a violé les articles 14, 31, 32, 625, 631, 917 et 920 du code de procédure civile, par refus d'application, et les articles 1033 et 1036 du même code, par fausse interprétation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'appel interjeté par monsieur [E] [I] en son nom personnel ;

AUX MOTIFS QU'il résultait des dispositions de l'article 534 du code de procédure civile que celui qui représentait légalement une partie pouvait, en cas de cessation de ses fonctions, et s'il y a avait un intérêt personnel, exercer le recours en son nom ; que l'intérêt de faire appel, au sens de l'article 546 du même code, était établi dès lors que la partie concernée avait vu ses prétentions rejetées, fût-ce seulement en partie ; qu'en l'occurrence, monsieur [E] [I] avait été assigné à titre personnel par madame [O] [I] en première instance ; qu'il avait un intérêt personnel à agir dès lors qu'il avait vu rejeter sa demande personnelle en tant qu'associé de la SCHFP tendant à obtenir que cette société ne fasse pas l'objet d'une dissolution anticipée ; que son appel était donc parfaitement recevable (arrêt, p. 6, in fine) ;

ALORS QUE dans un litige indivisible par nature, tel que celui relatif à une demande d'un associé en dissolution judiciaire d'une société commerciale, l'appel formé contre l'une des parties n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance ; que si une telle instance en appel suit la procédure à jour fixe, l'absence de mise en cause régulière de l'une des parties, du fait de l'absence d'autorisation d'assigner à jour fixe à son égard, rend l'appel irrecevable ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen du présent pourvoi, du chef de la régularité de la mise en cause en appel de la société dont la dissolution judiciaire était demandée, emportera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, cassation par voie de conséquence du chef de la recevabilité de l'appel interjeté en son nom personnel par monsieur [E] [I], associé de cette société, en l'état du lien de dépendance nécessaire unissant ces deux chefs de dispositif.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté monsieur [W] [I], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tuteur de madame [O] [I], de leur demande de dissolution judiciaire de la société [Adresse 6] et D'AVOIR rejeté toutes leurs demandes subséquentes ;


AUX MOTIFS QU' aux termes des dispositions de l'article 1844-7, 5°, du code civil, la société prend fin : [..] 5° par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; qu'il faut donc prouver le juste motif qui peut être l'inexécution de ses obligations par un associé ou la mésentente entre associés à condition qu'elle paralyse le fonctionnement de la société ; que le tribunal de grande instance de Toulouse le 3 septembre 2015 a prononcé la dissolution judiciaire et désigné Me [U] [G] en qualité de liquidateur au constat de la mésentente des associés et de la paralysie du fonctionnement de la société dont l'existence est compromise au regard même de l'annonce par M. [E] [I] d'une perte comptable lors du dernier rapport de gérance ; que la Cour de cassation a cassé l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Toulouse aux motifs suivants : « Vu l'article 1844–7, 5° du code civil, Attendu que pour prononcer la dissolution de la société civile HFP, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le fonctionnement normal de la société est perturbé par une mésentente durable et l'absence de toute confiance entre les associés, opposés dans une procédure judiciaire de partage successoral, et, par motifs propres, qu'il résulte des statuts de la société que les assemblées sont présidées par le gérant, qui dispose d'une voix prépondérante en cas de partage de voix, qu'il s'agisse des assemblées générales ordinaires ou extraordinaires, de sorte que les résolutions nécessaires au bon fonctionnement de la société ne sont prises qu'en vertu de la voix prépondérante de ce dernier ; qu'il retient encore que si l'absence de blocage est avérée, cette situation est de pure forme et que la vie de la société est caractérisée par un antagonisme en deux camps qui disposent exactement du même nombre de parts sociales ; qu'il relève qu'un litige entre la société et ses deux locataires n'est pas réglé au bout de trois ans, et que les associés s'opposent sur la valorisation de terrains souhaitée par Mme [O] [I] et M. [W] [I], depuis 2013, cependant que le gérant souhaite patienter; qu'il relève encore que les dissensions au sein de la société ont conduit à transmettre en son nom, à la mairie de [Localité 8], des projets différents et concurrents, et qu'il s'agit d'un dysfonctionnement manifeste imputable à la mésentente entre associés ; qu'il ajoute que l'exercice clos le 31 décembre 2014 s'est traduit par une perte de 1 179 euros que M. [E] [I] impute aux loyers dérisoires payés par les sociétés gérées par M. [W] [I], et que le conflit entre les associés n'est pas de nature à permettre un accord pour l'augmentation de loyers; qu'il en déduit que c'est l'équilibre financier de la société qui est compromis par la mésentente ; Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » ; que Madame [O] [I] et Monsieur [F] [I] requièrent la confirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 3 septembre 2015 qui a prononcé la dissolution judiciaire et désigné Me [U] [G] en qualité de liquidateur pour les motifs avancés par cette juridiction et par la cour de Toulouse, à savoir le constat de la paralysie du fonctionnement de la société et de son existence compromise au regard même de l'annonce par M. [E] [I] d'une perte comptable lors du dernier rapport de gérance ainsi qu'en raison du manquement à ses obligations du gérant [E] [I] qui ne mène aucune action dans l'intérêt social et abuse de sa voix prépondérante pour gérer ses intérêts personnels (abus de majorité) et faire pression sur ses associés minoritaires dans le cadre de la procédure successorale ; que M. [E] [I] conclut à l'infirmation de cette même décision, la simple mésintelligence entre les associés ou le simple désaccord sur la nécessité de dissoudre la société ne suffisant pas à constituer un juste motif et la paralysie de fonctionnement de la SCHFP n'étant pas rapportée en preuve dès lors qu'il n'y a aucune impossibilité pour l'assemblée générale de prendre des décisions, de désigner un gérant ou d'établir des comptes annuels ; qu'aucune des parties ne conteste la réalité de la mésentente entre les associés de la société civile [Adresse 6] issu du conflit familial et successoral ; qu'il est constant que les statuts de la société SCHFP prévoient que les assemblées sont présidées par le gérant, que ce même gérant dispose d'une voix prépondérante en cas de partage de voix, qu'il s'agisse des assemblées générales ordinaires ou extraordinaires, de sorte que, tenant d'une part, la répartition du capital à concurrence de 1250 parts pour chacun de [O] [I] et de [W] [I], et de 2500 parts pour M. [E] [I], d'autre part, la désignation de ce même [E] [I] en qualité de gérant statutaire pour une durée indéterminée, les résolutions nécessaires au bon fonctionnement de la société ne sont prises, en cas de désaccord de [O] et [W] [I] qu'en vertu de la voix prépondérante de [E] [I] ; qu'il n'existe de ce fait aucun blocage ni paralysie de la société, les rédacteurs des statuts de la SCHFP ayant fait en sorte que malgré la répartition égalitaire des titres entre les associés, il ne puisse y avoir blocage en décidant que lors des assemblées générales ordinaires qui organisent la vie sociale, la voix du président de séance qui est nécessairement le gérant serait prépondérante ; qu'en outre les dispositions de l'article 15 des statuts de la SCHFP prévoient qu'un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société par demande adressée à la société par acte extrajudiciaire ou par lettre et avec demande d'avis de réception et que dans les deux mois qui suivent l'assemblée des associés statuera à l'unanimité ; que si le retrait est autorisé, il est procédé au remboursement des droits sociaux du retrayant par la société qui constate en même temps une réduction du capital ; que la valeur des droits est fixée à l'amiable ou à défaut conformément aux dispositions de l'article 1848-4 du code civil ; que ni Madame [O] [I], ni Monsieur [W] [I] n'ont formulé une telle requête ; qu'il ne peut être présumé d'un blocage en cas de demande de retrait puisque Monsieur [E] [I] a proposé à Monsieur [W] [I] de lui racheter ses parts ; que M. [E] [I] a effectivement, ainsi que le prétendent M. [W] [I] et Mme [O] [I] acquiescé à une cessation de toute indivision entre eux le 25 juin 2013 mais ce n'est pas pour autant qu'il a donné son accord à la dissolution de la SCHFP ; que la société peut survivre à la séparation et au retrait de ses associés ; que M. [E] J 19-24.671 [I] ne se contredit donc pas lorsqu'il s'oppose à toute dissolution de la SCHFP qu'il estime injustifiée ; que l'examen des procès-verbaux des assemblées générales ordinaire et extraordinaire de 2013 à 2015 permet de constater que lors des assemblées extraordinaires des 21 mai 2013, 23 juillet 2014 et 27 juin 2015, la résolution sur la dissolution la liquidation de la société a été rejetée, Monsieur [E] [I] ayant voté contre tandis que les assemblées en leur forme ordinaire ont successivement voté le quitus des comptes au gérant, avec abstention des associés minoritaires le 21 mai 2013, quitus donné au gérant et approbation des comptes par ces mêmes associés le 23 juillet 2014 et vote contre le 27 juin 2015 ; qu'il est vain de discuter sur la falsification du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 27 juin 2015 ; que les comptes n'ont pu qu'être approuvés compte tenu de la voix prépondérante du gérant, président de séance, et que la falsification éventuelle de ce procès-verbal ne fait pas preuve de la paralysie du fonctionnement de la société holding ; que les associés sont en opposition sur le maintien de la société STGC en qualité de locataire sur les terrains de la SCHFP, Monsieur [E] [I] considérant à l'inverse de son neveu [W] [I] qu'il était de l'intérêt de la SCHFP de résilier le contrat de bail la liant à la société STGC alors même que le loyer annuel versé par cette société pour un montant de 5.315 € HT devrait être augmenté dès lors qu'elle loue sans autorisation une partie du terrain à la société STVM pour un montant annuel s'élevant à la somme de 24.000 € hors taxes ; que certes, Monsieur [E] [I] n'a pas consulté l'assemblée générale et le reconnaît avant d'avoir délivré un acte introductif d'instance au nom de la SCHFP à la société STVM, mais les statuts de la société ne lui font pas obligation ; que par ailleurs il ne peut être reproché au gérant d'avoir adressé une mise en demeure le 14 mars 2013 à la société STGC de respecter les stipulations contractuelles s'agissant des activités autorisées par le contrat et de se conformer aux autorisations administratives concernant la construction sur le terrain d'une centrale béton et de trois modules préfabriqué à l'usage de bureau et de stockage ; que les associés s'opposent encore sur la valorisation de terrains souhaitée par Mme [O] [I] et M. [W] [I], depuis 2013, cependant que le gérant souhaite patienter dans l'attente d'une modification du PLU ; que si, ainsi que le soulignent les intimés, les dissensions au sein de la société SCHFP ont conduit à transmettre en son nom, à la mairie de [Localité 8], des projets différents et concurrents, la cour ne peut que relever qu'à défaut de décision d'assemblée générale décidant du projet à présenter et de la personne habilitée à le présenter, seul le gérant est habilité à défendre les intérêts de la SCHFP ; que Me [G] nommé en qualité de liquidateur et représentant légal afin de réaliser ses actifs, apurer le passif et de l'administrer jusqu'à disparition de la personne morale n'a pas constitué avocat de telle sorte que la cour ignore tout de la gestion actuelle de la SCHFP si ce n'est à dire qu'à lire les conclusions des parties, le jugement assorti de l'exécution provisoire n'a pas été exécuté, Me [G] faisant vivre la société ; que la cour ignore si les terrains objet de conflit entre les consorts [I] ont été vendus ou s'ils ont été loués, si les contrats de baux ont tous été résiliés ou si certains sont pérennes, si l'instance devant le tribunal administratif a abouti ou encore si le PLU a été modifié au bénéfice la SCHFP ; que rien ne permet de dire à ce jour que M. [E] [I] n'a pas agi dans l'intérêt de la SCHFP dont il possède la moitié des parts de telle sorte que son intérêt personnel converge avec celui de la SCHFP ; qu'ainsi, alors que la dissolution J 19-24.671 anticipée de la société pour justes motifs se justifie par la disparition de l'affectio societatis si elle se traduit par une paralysie du fonctionnement de la société, ce qui sera le cas si la société devient par un abus de majorité "un mécanisme de spoliation des associés minoritaires" et que la situation est "irrémédiable", force est de constater à la cour que [W] [I] et [O] [I] ne rapportent la preuve ni d'un tel mécanisme, ni d'une situation irrémédiable, un résultat négatif avec une perte de 1.169 € en 2014 et un peu plus de 6.000 € en 2015 n'étant pas synonyme de situation irrémédiable ; que par réformation de la décision entreprise, [W] [I] et [O] [I] représentée par son tuteur [W] [I] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande en dissolution judiciaire de la SCHFP ainsi que de leurs demandes subséquentes (arrêt, pp. 7 à 11) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE les chefs de dispositif par lesquelles la cour d'appel de renvoi a statué sur le fond du litige et rejeté la demande en liquidation judiciaire de la société sont dans la dépendance nécessaire du chef de dispositif ayant déclaré recevable l'appel interjeté par monsieur [E] [I] contre le jugement par lequel cette demande avait été accueillie, de sorte que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen du présent pourvoi emportera cassation par voie de conséquence des dispositions de fond de l'arrêt attaqué, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en présence d'une mésentente avérée entre les associés d'une société, dont chaque bloc détient la moitié des droits sociaux, la circonstance que la rédaction des statuts permet un fonctionnement apparent des organes sociaux, grâce aux pouvoirs statutaires accordés à l'associé gérant statutaire et, notamment, à la voix prépondérante dont il dispose en assemblée générale en cas de partage des voix, ne saurait à elle seule exclure l'existence d'une paralysie effective du fonctionnement de la société, dès lors que, comme cela a été constaté au cas présent pour l'approbation des comptes, les décisions sociales ne peuvent qu'être approuvées compte tenu de cette voix prépondérante et ce, malgré l'opposition des autres associés ; qu'en prenant en considération cette seule organisation statutaire pour écarter toute paralysie du fonctionnement de la société, cependant qu'il se déduisait des propres constatations de l'arrêt et que sans cette organisation statutaire, le fonctionnement de la société aurait été effectivement paralysé, de sorte que l'absence de blocage n'était qu'apparente, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 5°, du code civil ;

ALORS, EN TROISIEME, QU'aucune disposition légale ne donne à la juridiction saisie pouvoir d'obliger l'associé qui demande la dissolution de la société par application de l'article 1844-7, 5°, du code civil à céder ses parts à cette dernière et aux autres associés offrant de les racheter ; qu'en présence d'une mésentente paralysant le fonctionnement d'une société caractérisant la disparition de l'affectio societatis, le juge ne saurait non plus refuser de faire droit à la demande de dissolution d'un associé par la considération que ce dernier pourrait exercer son droit de retrait statutairement prévu ; qu'après avoir constaté, d'une part, la réalité de la mésentente entre les associés de la société civile [Adresse 6] issue du conflit familial et successoral les opposant, d'autre part, le fonctionnement artificiel de la société grâce à la voix prépondérante accordée par les statuts à l'associé gérant, président de séance, lors des assemblées générales, la cour d'appel ne pouvait, pour rejeter la demande en dissolution formée par les consorts [I], prendre en considération le droit de retrait dont disposait ces derniers ; qu'en se fondant néanmoins sur cette considération pour écarter leur demande en dissolution judiciaire, la cour d'appel a de plus fort violé les dispositions de l'article 1844-7, 5°, du code civil ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société justifie que soit prononcée sa dissolution sans qu'il soit nécessaire que soit établie que ladite société est dans une situation irrémédiablement compromise, la dissolution anticipée pouvant avoir précisément pour objet d'éviter à la société une telle fin de vie ; qu'en se fondant, pour refuser de faire droit à la demande en dissolution judiciaire de la société [Adresse 6], sur l'absence de démonstration de ce que cette société était dans une situation irrémédiablement compromise au regard de ses résultats des années 2014 et 2015, notamment, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 1844-7, 5°, du code civil une condition qu'il ne comporte pas, l'a violé.

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