8 December 2022
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/06248

Chambre 3-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 08 DECEMBRE 2022



N° 2022/535









Rôle N° RG 19/06248 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BED6N







[G] [J]



C/

SELARL BG & ASSOCIES

Société NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS - S.N.C.F.



S.A. SNCF VOYAGEURS







Copie exécutoire délivrée

le :

à :







Me Rachel COURT-MENIGOZ



Me Jérôme LATIL





Me Pascal KLEIN



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 14 Mai 2009 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2006L00827.



APPELANTE



SCP [J]-[V]

représentée par Me [C] [V], ès qualités de mandataire ad hoc chargée d'exercer les droits et actions qui relevaient auparavant de la mission du commissaire à l'exécution du plan de la société CANNES LA BOCCA INDUSTRIES CLBI, à ces fonctions désignée par ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Cannes du 24.07.2018, dont le siège social est sis [Adresse 1]



représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Jean-pierre GASTAUD, avocat au barreau de NICE et Me François CREPEAUX, avocat au barreau de GRASSE, plaidant



INTIMEES



SELARL BG & ASSOCIES

représenté par Me [L] [E] ès qualité de mandataire ad hoc de la société CLBI



représenté par Me Pascal KLEIN avocat au barreau de NICE



Société NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS - S.N.C.F.,

dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège



représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Laurent DERUY, avocat au Barreau de PARIS, plaidant



PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE



S.A. SNCF VOYAGEURS,

immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 519 037 584, dont le siège social est sis [Adresse 3], venant aux droits de la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS - SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial, immatriculé au RCS de PARIS sous le n° B 552 049 447, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Laurent DERUY, avocat au Barreau de PARIS, plaidant



*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 19 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Michèle LIS-SCHAAL, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022.



MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.



ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022,



Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








***







La société CANNES LA BOCCA INDUSTRIE ( CLBI) avait pour activité la réparation et le reconditionnement du matériel ferroviaire roulant.

Elle rénovait de manière habituelle des trains corail pour le compte de la SNCF et, à partir de 2003, a accepté la rénovation d'autres types de matériels roulants.

Elle avait pour donneurs d'ordre la SNCF et la RATP.



Eprouvant des difficultés financières, elle a obtenu le concours d'un mandataire ad hoc désigné le 13 décembre 2004, puis d'un administrateur provisoire à compter du 7 juillet 2005, avant d'être déclarée en redressement judiciaire le 20 septembre 2005.

Un plan de cession a été arrêté le 30 janvier 2006 par le tribunal de commerce de Cannes.



C'est dans ce contexte que Me [J] es qualité de commissaire à l'exécution du plan de CLBI a fait assigner la SNCF le 31 octobre 2006 devant le tribunal de commerce de CANNES aux fins notamment de la faire condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif, tel qu'il apparaîtra après les opérations de redressement judiciaire,

la condamner à titre provisionnel à payer la somme de 21 millions d'euros.









Par jugement du 14 mai 2009, le tribunal de commerce de Cannes s'est déclaré compétent pour connaître du litige,

Constaté que les avances de la part de la SNCF ont été consenties sur la base de renseignements économiques erronés communiqués par CLBI ;

Constaté que le montant desdites avances, ne peut vu sa modicité relative, avoir eu pour conséquence, la défaillance de CLBI,

Débouté de leurs demandes conjointes Me [G] [J] es qualité de commissaire à l'exécution du plan de CLBI et Me [D] [U] es qualité de mandataire ad hoc représentant la SA CLBI ;

Condamné Me [G] [J] es qualité aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à l'article 700 du CPC.



Les premiers juges ont relevé que le litige était né de la procédure collective et qu'il était donc compétent, que la société CLBI avait soumissionné auprès de la SNCF en toute liberté mais qu'elle se trouvait en réalité, en raison de sa désorganisation mise en évidence ultérieurement, dans l'incapacité d'évaluer sa charge de travail et de mettre en 'uvre ses ressources malgré l'aide qui lui a été apportée à partir de fin 2004 par la SNCF, qu'un audit réalisé par cette dernière afin de déterminer les causes des difficultés ne pouvait s'analyser en une immixtion et que ayant volontairement falsifié ses comptes et trompé ses banques, la société CLBI ne pouvait reprocher à la SNCF des avances et paiements par anticipation en eux-même normaux eu égard à leurs finalités.



La SCP EZAVIN a interjeté appel de cette décision.



Par arrêt du 14 juin 2012, la présente Cour a sursis à statuer jusqu'à la clôture des investigations pénales diligentées en suite de l'arrêt du 10 février 2011 par l'un des juges d'instruction du TGI de GRASSE quant à l'implication de la SNCF dans les faits d'abus de biens sociaux et de banqueroute commis par les dirigeants de la société CLBI.

La radiation a été ordonnée et la reprise était conditionnée à l'aboutissement des ces investigations.



Par jugement correctionnel du 3 mai 2018 rendu par le tribunal de Grande instance de GRASSE, les dirigeants de CLBI, M. [W] [R] a été condamné à la peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende pour notamment banqueroute : détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif entre le 25 mars 2004 au 1er janvier 2005 et courant 2005, Abus de biens ou du crédit d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles entre 2000 et le 24 mars 2004

M. [P] [K] a été condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour notamment des faits de complicité de banqueroute : détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif courant janvier 2005 jusqu'au 31 décembre 2005 et complicité d'abus de biens ou du crédit d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles du 1er janvier 2000 au 1er janvier 2005, recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2006.



Par arrêt du 4 novembre 2020, la chambre correctionnelle sur les intérêts civils de la présente cour a condamné les dirigeants de CLBI à payer solidairement 61 978,28 euros et M. [R] seul 1 067 646 euros à titre de dommages et intérêts.

M. [K] s'est acquitté de sa condamnation et l'exécution est encours à l'encontre de M. [R] qui est propriétaire de biens immobiliers dont la valeur n'est pas encore connue.



La procédure a été rétablie le 4 avril 2019.



Par conclusions notifiées par le RPVA du 6 septembre 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SCP [J]-[V] représentée par Me [C] [V] es qualité de mandataire ad hoc chargée d'exercer les droits et actions qui relevaient auparavant de la mission du commissaire à l'exécution du plan de la société CANNES LA BOCCA INDUSTRIES conclut :



Mettre hors de cause la SELARL BG et ASSOCIES,



Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Cannes du 14 mai 2009 en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal,



L'infirmer pour le surplus,



Vu l'article 1382 du code civil,



Juger que la SNCF a commis des fautes engageant sa responsabilité,



Juger la SNCF responsable de la défaillance et de l'insolvabilité de la société CLBI et du préjudice subi par ses créanciers,



Condamner la SNCF à lui payer es qualité la somme de 12 750 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice,



Condamner la SNCF à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,



Condamner la SNCF aux entiers dépens.



L'appelante reproche à la SNCF :



- d'avoir imprudemment confié à CLBI, en toute connaissance de cause, des contrats à haut risque, insuffisamment préparés, que CLBI n'avait pas la capacité financière d'honorer compte tenu des investissements qu'ils impliquaient,

- d'avoir refusé de tirer les conséquences du constat de l'inexécution et de l'impossibilité d'exécution de ces marchés par CLBI, alors même que le droit administratif, réaliste, ne s'arrête pas à la force obligatoire du contrat et admet sa révision pour imprévision,

- d'avoir , au contraire, soutenu abusivement CLBI en lui octroyant des avances et des paiements par anticipation sur des travaux non exécutés et des livraisons à crédit, qui n'ont fait qu'augmenter son endettement en la plongeant dans une situation inextricable,

- d'avoir donné ainsi à CLBI une apparence de solvabilité ( aggravée encore par le mauvais enregistrement comptable des avances en " travaux en cours ") et retardé la constatation de sa cessation des paiements en contribuant à créer un passif considérable.



Elle soutient que la SNCF connaissait tout de CLBI, qu'elle s'est immiscée de plus en plus dans sa gestion, cherchant à influencer les prises de décision de ses dirigeants, que les mesures mise en 'uvre ont été dictées par son intérêt exclusif et que s'agissant de contrats administratifs , la SNCF n'a pas l'excuse de l'intangibilité du contrat.



Elle rappelle qu'au moment de la souscription du contrat, CLBI était une entreprise rentable et prospère et estime que sa défaillance doit être intégralement imputée à al souscription des marchés de 2003 et à la fuite en avant à laquelle la SNCF et l'entreprise se sont livrées jusqu'en 2005 pour différer le constat d'un échec inéluctable.



Elle fait valoir que la SNCF est responsable de la disparition de CLBI et doit être tenue responsable de l'insuffisance d'actif de la procédure de redressement judiciaire sans qu'il y ait à s'interroger sur la date de naissance des créances dont la très grande majorité est de toute façon postérieure à la conclusion des marchés litigieux.



Le passif total s'élève à 16 074 646,85 euros. L'actif a été évalué à 2 194 592,73 euros. Elle réclame donc le montant de 12 750 429,84 euros.



Par conclusions notifiées le 22 janvier 2020, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs et des moyens, la société nationale des chemins de fer français- SNCF Voyageurs SA ( SNCF) conclut :



Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a entièrement débouté Me [J] es qualité de commissaire à l'exécution du plan de CLBI, de son action tendant à faire supporter à la SNCF l'intégralité de l'insuffisance d'actifs de CLBI et l'a condamné aux dépens ;



Débouter la SCP [J]-[V], es qualité de l'intégralité de ses demandes,



Condamner la SCP [J]-[V] es qualité à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;



La condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP de saint Ferréol et Touboul.



La SNCF expose que la direction de CLBI est entièrement responsable de la déconfiture de l'entreprise notamment en raison des honoraires versés à la maison mère sans contrepartie, la rémunération trop importante des dirigeants, leurs gaspillages, des règlements faits par CLBI sans contreparties et les condamnations pénales des dirigeants.

Elle soutient que la direction de CLBI a soumissionné à des marchés publics d'envergure sans prendre la mesure des obligations que cela entraînait, que CLBI était totalement désorganisée, qu'il existait une mauvaise gestion des besoins en personnel, et une absence de diversification sa clientèle.

Elle souligne que CLBI a exécuté pendant deux ans un marché pour la RATP à ses propres frais.

Elle estime donc que la déconfiture de CLBI est imputable aux multiples fautes et erreurs de gestion commises par ses dirigeants.



Elle conteste tout soutien abusif de sa part rejetant sur Me [J] en raison de son inaction pendant 7 mois, le gonflement du passif ( entre sa nomination le 13 décembre 2004 et le 20 juillet 2005).

Elle ajoute que Me [J] a lui-même sollicité en juillet 2005 de la SNCF qu'elle procède à des avances financières en faveur de CLBI ce qui apparaît comme totalement contradictoire avec ses griefs.

Elle rappelle que le créancier ne peut voir sa responsabilité retenue pour un soutien abusif que s'il est démontré qu'au moment où ce soutien a été accordé :

- son débiteur était en situation irrémédiablement compromise,

- le créancier avait connaissance de cette situation irrémédiablement compromise.

La SCP EZAVIN n'a pas démontré ces éléments.



Elle fait valoir qu'elle s'est enquise régulièrement de la santé financière de CLBI.



Elle soutient que la SCP [J]-[V] n'a pas démontré en quoi son assistance relèverait du soutien abusif alors que ses avances ont été consenties au regard de circonstances particulières avec prudence et en contrepartie d'engagements précis de CLBI et qu'elle a proposé à CLBI une assistance technique afin de résoudre les difficultés rencontrées.

Elle relève la contradiction de l'appelante qui l'accuse d'un soutien abusif et aussi d'un retrait abusif en ayant retiré brutalement tout soutien financier et contractuel.



A titre subsidiaire, elle explique que l'appelante ne démontre pas le préjudice de CLBI du fait des fautes imputées à la SNCF.

Elle rappelle que selon une jurisprudence constante, le créancier fautif ne peut être tenu qu'à la réparation de l'aggravation de l'insuffisance d'actif que ses agissements ont contribué à créer et non au paiement de l'intégralité du passif. D'ailleurs, la SCP [J]-[V] a elle-même reconnu qu'elle ne prétendait pas que la déconfiture de CLBI soit de sa responsabilité exclusive.



A titre infiniment subsidiaire, elle précise que la jurisprudence évoquée concernant le concours fautif du banquier ne peut se transposer à l'espèce, le banquier faisant l'objet d'obligations particulières en la matière.



Elle estime que le lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice constitué de l'intégralité de l'insuffisance d'actif n'est pas établi.



Par avis notifié par le RPVA du 15 septembre 2022, le ministère public, rappelant les condamnations pénales des dirigeants de CLBI, s'en rapporte, qualifiant l'affaire de " satellite".



L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022.



Par conclusions notifiées par le RPVA du 7 octobre 2022, la SA SNCF VOYAGEURS intervient aux droits de la Société Nationale des chemins de fer français.

La SCP EZAVIN -THOMAS a notifié des conclusions par le RPVA le 10 octobre 2022 aux fins de régularisation de ses demandes à l'encontre de la SA SNCF VOYAGEURS.






SUR CE ;



A titre préliminaire;



Attendu qu'il convient de mettre hors de cause la SELARL BG et ASSOCIES, es qualité de mandataire ad hoc de la société CLBI;



Attendu qu'il convient de recevoir l'intervention de la SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de la Société Nationale des chemins de fer français;



Attendu que la compétence du tribunal de commerce de Cannes n'est pas contestée à hauteur d'appel;



Sur le Fond ;



Attendu que la SCP [J]-[V] représentée par Me [C] [V] es qualité de mandataire ad hoc chargée d'exercer les droits et actions qui relevaient auparavant de la mission du commissaire à l'exécution du plan de la société CANNES LA BOCCA INDUSTRIES poursuit la SNCF pour responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil et sollicite sa condamnation à lui payer une provision d'un montant de 12 750 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice,

que l'appelante reproche à la SNCF :



- d'avoir imprudemment confié à CLBI, en toute connaissance de cause, des contrats à haut risque, insuffisamment préparés, que CLBI n'avait pas la capacité financière d'honorer compte tenu des investissements qu'ils impliquaient,

- d'avoir refusé de tirer les conséquences du constat de l'inexécution et de l'impossibilité d'exécution de ces marchés par CLBI, alors même que le droit administratif, réaliste, ne s'arrête pas à la force obligatoire du contrat et admet sa révision pour imprévision,

- d'avoir, au contraire, soutenu abusivement CLBI en lui octroyant des avances et des paiements par anticipation sur des travaux non exécutés et des livraisons à crédit, qui n'ont fait qu'augmenter son endettement en la plongeant dans une situation inextricable,

- d'avoir donné ainsi à CLBI une apparence de solvabilité ( aggravée encore par le mauvais enregistrement comptable des avances en " travaux en cours ") et retardé la constatation de sa cessation des paiements en contribuant à créer un passif considérable.



Mais attendu que le créancier ne peut voir sa responsabilité retenue pour un soutien abusif que s'il est démontré qu'au moment où ce soutien a été accordé, son débiteur était en situation irrémédiablement compromise et que le créancier avait connaissance de cette situation irrémédiablement compromise,



qu'en l'espèce, la SCP [J]-[V] reconnaît elle-même qu'au moment de la souscription du contrat la CLBI était une entreprise rentable et prospère, ancienne et reconnue dans le domaine de la rénovation de matériel ferroviaire,

qu'il évoquait une exploitation équilibrée sur les marchés CORAIL et RATP ( courrier du 20 août 2005 adressé à la SNCF),



que ses clients naturels étaient la SNCF ( 80% de son chiffre d'affaire) et la RATP ( 20% du chiffre d'affaire),



que CLBI était chargée de longue date de la rénovation des rames des trains CORAIL, les deux entreprises entretenant des relations commerciales continues,



qu'il était légitime de penser qu'une telle entreprise reconnue dans ce secteur d'activité était en mesure en soumissionnant à un marché public , de fournir durablement les prestations prévues par le marché et qu'elle disposait des capacités techniques et financières pour honorer ses engagements,



qu'ainsi sa situation n'était absolument pas irrémédiablement compromise et il était légitime que la SNCF lui attribue entre le 13 mai 2003 et le 31 mars 2004, 4 marchés de rénovation de rames RIB/RIO, de voitures VB2N, de rames Z2 et pour la révision, transformation ou réparation accidentelle de voitures à voyageurs en cotraitance avec la société ACC ingénierie et maintenance,



que la SCP [J]-[V] sur laquelle pèse la charge de la preuve des fautes reprochées à la SNCF n'apporte pas d'éléments pour les retenir, l'immixtion de la SNCF n'étant pas démontrée, la dépendance qu'elle soit commerciale, financière ou fonctionnelle ne pouvant se confondre avec l'immixtion particulièrement dans une activité aussi ciblée, cette dépendance résultant du domaine d'activité de CLBI, de son choix de candidater et de son incapacité à diversifier sa clientèle,



que la demande légitime d'informations financières de la part de la SNCF et l' exécution d'un audit de CLBI à la demande de la SNCF suite aux difficultés de cette dernière à répondre aux commandes ne peuvent être qualifiées d'immixtion, le créancier ayant une obligation de s'informer sur la situation financière de son cocontractant,



que l'unité de surveillance résulte des dispositions mêmes du marché public ,



que les décisions prises par CLBI relevaient du pouvoir de gestion et de direction de ses dirigeants,



que les avances octroyées par la SNCF ( au sens de versements anticipés du prix avant toute exécution ) s'inscrivaient dans l'exécution d'un marché public prévues par les dispositions du code des marchés publics et se sont avérées nécessaires soit en raison du retard d'approvisionnement du fait de la SNCF et des difficultés rencontrées par CLBI avec son banquier sous condition de garanties de recapitalisation données par M. [R],



que Me [J] a lui-même demandé des avances financières à la SNCF en juillet et août 2005,



qu'ainsi dans son courrier du 28 juillet 2005 il écrit:" Si, face à cette situation, l'aide de la SNCF ne s'est jamais démentie et si la direction de l'entreprise n'est pas exempte de tout reproche dans la gestion de cette crise gravissime pour l'emploi et l'avenir de l'entreprise, il m'est apparu particulièrement vital et responsable d'appeler toutes affaires cessantes votre attention sur la nécessité immédiate et avant le 31 juillet 2005:

- d'obtenir le déblocage des factures SNCF " daillysées " auprès des banques DELUBAC et THEMIS,

- d'obtenir la validation des factures " d' encours " émises par CLBI,

- d'obtenir le paiement des rames sorties d'usine,

- d'obtenir le déblocage d'avances contractuelles sur encours de production ( 700 KE)"



que dans son courrier adressé à la SNCF du 29 août 2005, Me [J] sollicite l'octroi d'une avance destinée à assurer le besoin de trésorerie immédiate exigible à raison de la couverture de son besoin en fonds de roulement et du passif exigible évalué à 3 400 KE,



qu'il apparaît pour le moins étonnant que la SCP [J]-[V] reproche à la SNCF d'avoir accordé des avances qu'elle a elle-même sollicitées en sa qualité d'administrateur judiciaire,



que pendant l'exécution du contrat, il n'est pas établi que la SNCF ait été informée de la situation financière réelle de la CLBI et de sa situation irrémédiablement compromise, d'autant plus que l'octroi d'avances à une société dans cet état serait contre productive et que l'instruction pénale a établi que la situation financière réelle de la société avait été dissimulée par les dirigeants de CLBI,



que Me [J], es qualité indiquait que la CLBI " ne disposait ni de la structure financière ni des moyens techniques et des capacités industrielles ( en termes d'investissements et d'organisation de la production et de niveau de main- d'oeuvre) pour faire face aux nouveaux marchés " ( courrier du 29 août 2005 à la SNCF),



que dans son rapport du 8 septembre 2005 Me [J], en qualité de mandataire ad hoc relève " l'absence de gestion prévisionnelle et de contrôle par des organes externes (pas d'expert-comptable, commissaire aux comptes absent, pas de juriste) ont aggravé les dysfonctionnements et n'ont pas permis une analyse anticipée indispensable des conditions de conclusion des marchés et de leur rentabilité. ",



qu'il n'est pas démontré que la SNCF était en possession de ces éléments,



qu'il résulte de l'ensemble des éléments communiqués à la Cour que la déconfiture de l'entreprise conséquence de l'absence d'organisation, de l'absence de prévision, de la poursuite d'une activité déficitaire est la conséquence de la défaillance et des fautes des dirigeants qui ont été condamnés pénalement des chefs de banqueroute et d'abus de biens sociaux et de complicité de ces délits et de recel,



que le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi du 6 avril 2017 devant le tribunal correctionnel écrit : " Postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société CLBI, il apparaît donc que la situation financière de ladite société a été cachée par ses dirigeants, et que sa situation comptable montrait de graves lacunes et des fautes de gestion. ",



que le jugement du 3 mai 2018 relevait " qu'un rapport relatif au déroulement de la procédure et à la situation de l'entreprise du 10 novembre 2005 dénonçait une mauvaise gestion, démontrée au travers d'une évaluation erronée des besoins en investissements de la société, d'une absence de gestion financière prévisionnelle, ainsi que par la présence de flux financiers à caractère anormal entre les différentes entités du groupe. De même, une mauvaise imputation de provisions était constatée, ce qui permettait de douter de la sincérité des comptes sociaux. En outre, de nouveaux contrats étaient signés avec la SNCF à des conditions défavorables et dans la précipitation, aggravant la situation de l'entreprise. Dans un second temps, le rapport énonçait une perte de 13 millions d'euros sur une période de 18 mois. ",



que la Cour ne peut que s'étonner que les dirigeants n'aient pas été assignés sur le fondement de l'action en insuffisance d'actif et de la contradiction entre les reproches faits à la SNCF d'avoir soutenu abusivement la société CLBI et d'avoir en même temps rompu abusivement le contrat,



qu'en outre, la situation financière de CLBI s'est aggravée du fait du non paiement pendant deux ans résultant de l'exécution du marché avec la RATP ( 30 000 heures non financées),



que si CLBI a reconnu qu'elle n'avait jamais prétendu que la déconfiture soit de la responsabilité exclusive de la SNCF, il n'en demeure pas moins qu'elle n' a pas établi des fautes commises par la SNCF qui pourraient revêtir la qualification de soutien abusif,

qu'à supposer que ces fautes soient retenues, le lien de causalité entre elles et l'aggravation de l'insuffisance d'actif n'a pas été démontré par la SCP [J]-[V] d'autant plus qu'il est réclamé l'intégralité de l'insuffisance d'actif sans distinguer le montant de l'aggravation résultant des fautes commises par les dirigeants,

qu'en conséquence, il convient de débouter la SCP [J]-[V] de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris ;



Attendu que l'équité impose de condamner la SCP [J]-[V] es qualité de payer à la SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de la Société Nationale des chemins de fer français une somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;



PAR CES MOTIFS ;



La Cour statuant publiquement et contradictoirement,



Met hors de cause la SELARL BG et ASSOCIES,



Reçoit l'intervention de la SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de la Société Nationale des chemins de fer français,



Confirme le jugement entrepris,



Condamne la SCP [J]-[V] es qualité de mandataire ad hoc chargée d'exercer les droits et actions qui relevaient auparavant de la mission du commissaire à l'exécution du plan de la société CANNES LA BOCCA INDUSTRIES de payer à la SA SNCF VOYAGEURS venant aux droits de la Société Nationale des chemins de fer français une somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;



La condamne aux entiers dépens avec distraction au profit de la Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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