7 December 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-11.206

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01303

Texte de la décision

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2022




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1303 F-D

Pourvoi n° Q 21-11.206




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

L'association de Gestion des instituts de [Localité 7] et de la région pour les enfants et les adultes handicapés mentaux, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 21-11.206 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [S], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], direction régionale,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association de Gestion des instituts de [Localité 7] et de la région pour les enfants et les adultes handicapés mentaux, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 novembre 2020), M. [S] a été engagé le 3 septembre 2007 en qualité de directeur général par l'association de gestion des instituts de [Localité 7] et de la région pour les enfants et les adultes handicapés mentaux (l'association).

2. Licencié pour faute grave le 8 août 2017, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches

Enoncé du moyen

4. L'association fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à Pôle emploi la totalité des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois, alors :

« 1°/ que commet une faute grave le directeur général d'une association qui, après qu'un audit a mis en évidence ses graves insuffisances professionnelles, a détruit un très grand nombre de messages électroniques reçus et envoyés sur sa messagerie professionnelle nominative et a procédé au transfert de nombre d'entre eux à l'extérieur de l'association, peu important que ladite association ne dispose pas, du fait même du salarié, d'une charte informatique, qu'une partie des messages supprimés, les moins sensibles, aient transités par une autre adresse électronique professionnelle ou encore qu'étant parvenu à une restauration des dits messages, l'employeur n'ait subi aucun préjudice ; qu'en l'espèce, il était constant qu'à l'occasion d'une tentative de transfert de la messagerie professionnelle nominative du directeur général, en arrêt maladie, vers une autre adresse, afin d'assurer la continuité du service en son absence, l'employeur avait découvert que celui-ci avait, quelques jours après les conclusions d'un audit ayant révélé de graves déficiences professionnelles de sa part, supprimé la quasi-intégralité des messages électroniques professionnels envoyés et reçus sur cette messagerie professionnelle nominative, ce qui représentait 2 664 emails, celui-ci en ayant transféré un bon nombre vers sa messagerie électronique personnelle ; qu'il était en outre constant qu'en sa qualité de directeur général, la mise en oeuvre d'une charte informatique était de sa responsabilité ; que pour écarter la faute grave, la cour d'appel a relevé, par adoption des motifs des premiers juges, que si la destruction de milliers de messages électroniques professionnels constituait une faute du directeur général au regard de ses obligations contractuelles, le défaut de charte informatique, la procédure de traitement des courriels au sein de l'association prévoyant que les mails destinés à la direction générale devaient en principe être envoyés à l'adresse ‘'[Courriel 4]'‘ pour y être traités par l'assistante de direction avant leur transfert au directeur général, l'absence de préjudice allégué par l'association et le contexte de la procédure de licenciement en cours enlevaient à cette faute son caractère de gravité, la cour d'appel y ajoutant que faute de verser aucun des courriels litigieux, l'employeur, qui faisait grief au salarié d'avoir gravement manqué à ses obligations professionnelles de loyauté et de confidentialité et qui avait procédé à la restauration de l'intégralité des mails supprimés, n'avait pas mis la cour en mesure d'apprécier l'importance et le caractère éventuellement confidentiel desdits mails ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1235-1 et L. 1235-3, ces deux derniers textes dans leur version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail ;

2°/ que l'aveu judiciaire fait pleine foi contre son auteur ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, le salarié affirmait expressément que seuls les emails ‘'ne nécessitant pas un degré de confidentialité'‘ transitaient sur l'adresse ‘'[Courriel 4]'‘, reconnaissant ainsi que les emails confidentiels étaient exclusivement adressés sur sa messagerie professionnelle nominative, sans passer par son assistante ; qu'en retenant que, faute pour l'employeur de verser aux débats aucun des courriers supprimés par le salarié, il ne lui avait pas permis d'apprécier leur importance et leur caractère éventuellement confidentiel, sans rechercher s'il ne résultait pas des conclusions du salarié l'existence d'un aveu judiciaire de celui-ci sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1356 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, afin de justifier que la messagerie professionnelle ‘'[Courriel 5]'‘ avait vocation à recevoir des emails, non mis en copie de l'assistante du salarié, revêtant un caractère confidentiel, l'employeur se prévalait, outre des propres déclarations du salarié formulées en ce sens dans ses écritures, d'un courriel envoyé par celui-ci au directeur du foyer de [6] en date du 16 juin 2017 indiquant qu' ‘'il n'est pas utile de mettre les 2 adresses ; c'est un choix à votre niveau selon la confidentialité que vous mettez sur le mail'‘ et d'un second envoyé par une autre directrice au salarié, sur un sujet sensible, à son adresse nominative en précisant ‘'au regard de certains éléments, je préfère vous le transmettre en direct et non via [Y]'‘, l'employeur soulignant enfin que la plupart des e mails versés aux débats par le salarié, sur des points importants de sa gestion, étaient d'ailleurs issues de cette messagerie nominative ; qu'en se bornant à relever que l'employeur ne produisait aucun des courriels supprimés par le salarié, pour en déduire qu'elle était dans l'impossibilité d'apprécier l'importance et le caractère éventuellement confidentiel de ceux-ci, sans s'expliquer sur les pièces précitées en ce qu'elles confirmaient la haute confidentialité attachée aux communications effectuées sur la messagerie professionnelle nominative du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que c'est au salarié d'établir que les documents qu'il a soustrait à son employeur sont strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'oppose à son employeur à l'occasion de son licenciement ; qu'en retenant, par motifs réputés adoptés, que licencié pour insuffisance professionnelle, le salarié avait le droit de transférer sur sa boîte électronique personnelle les documents dont il avait eu connaissance dans le cadre de sa profession pour les nécessités de sa défense devant la juridiction du travail et que l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontrait pas que les documents transférés n'avaient aucune utilité pour assurer une telle défense, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »




Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, après avoir constaté la réalité du grief tiré de la suppression et du transfert des messages électroniques professionnels reproché au salarié, a constaté par motifs propres et adoptés, d'une part, que l'association n'avait pas rédigé de charte informatique pour réglementer le fonctionnement et l'usage des outils informatiques mis à disposition des salariés dans le cadre de leur travail, alors que son l'élaboration relevait de son seul pouvoir et, d'autre part, que, compte tenu de la procédure appliquée au sein de l'association et du fonctionnement du système de double adresse électronique, la très grande majorité des courriels avait transité par la boîte de la secrétaire de direction qui en conservait trace, ce que n'ignoraient ni le salarié, ni la représentante légale de l'association, dont les adresses électroniques fonctionnaient sur le même principe et que l'association, qui avait pu également récupérer les courriels directement adressés au salarié sur sa boîte professionnelle nominative et avait finalement procédé à la restauration de l'intégralité des messages supprimés, n'alléguait aucun préjudice.

6. Elle a ensuite relevé que l'association ne versait aux débats aucun des courriels litigieux, l'empêchant ainsi d'apprécier leur importance, leur caractère confidentiel et le péril susceptible de résulter pour elle de leur destruction, expressément invoqué dans la lettre de licenciement.

7. De ces constatations, elle a pu déduire que les faits reprochés au salarié ne constituaient pas une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

8. Ayant ensuite relevé que l'article 33, alinéa 4 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées du 15 mars 1966, interdisait, sauf en cas de faute grave, toute mesure de licenciement disciplinaire à l'égard d'un salarié n'ayant pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions suivantes : l'observation, l'avertissement ou la mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de trois jours, et constaté que l'intéressé n'avait fait l'objet d'aucune de ces sanctions préalables, elle en a exactement déduit que l'employeur ne pouvait fonder un licenciement disciplinaire sur le seul grief tiré de la suppression et du transfert de courriels personnels, dont elle avait écarté le caractère de gravité.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association de gestion des instituts de [Localité 7] et de la région pour les enfants et les adultes handicapés mentaux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association de gestion des instituts de [Localité 7] et de la région pour les enfants et les adultes handicapés mentaux et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Gatineau,Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association de Gestion des instituts de [Localité 7] et de la région pour les enfants et les adultes handicapés mentaux.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'association AGIVR fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [S] les sommes de 62 487,82 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 37 755,60 euros au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le licenciement vexatoire, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a condamnée, sous astreinte, à remettre au salarié les documents de fin de contrat réactualisés compte tenu de la décision et a ordonné la capitalisation des intérêts prévus par l'article 1343-2 du code civil en précisant que les condamnations financières prononcées porteraient intérêts à compter de la réception de la lettre de convocation devant le conseil de prud'hommes, pour les créances de nature salariale et à compter de la notification du jugement pour les créances de nature indemnitaire, d'AVOIR, statuant à nouveau, dit que le licenciement de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné l'association AGIVR à payer à M. [S] la somme de 65 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt, d'AVOIR dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiraient eux-mêmes des intérêts et d'AVOIR condamné l'association AGIVR à rembourser à Pôle Emploi la totalité des indemnités de chômage versées à M. [S] du jour de son licenciement à celui du prononcé de l'arrêt dans la limité de six mois ;

1°) ALORS QUE commet une faute grave le directeur général d'une association qui, après qu'un audit a mis en évidence ses graves insuffisances professionnelles, a détruit un très grand nombre de messages électroniques reçus et envoyés sur sa messagerie professionnelle nominative et a procédé au transfert de nombre d'entre eux à l'extérieur de l'association, peu important que ladite association ne dispose pas, du fait même du salarié, d'une charte informatique, qu'une partie des messages supprimés, les moins sensibles, aient transités par une autre adresse électronique professionnelle ou encore qu'étant parvenu à une restauration desdits messages, l'employeur n'ait subi aucun préjudice ; qu'en l'espèce, il était constant qu'à l'occasion d'une tentative de transfert de la messagerie professionnelle nominative du directeur général, en arrêt maladie, vers une autre adresse, afin d'assurer la continuité du service en son absence, l'employeur avait découvert que celui-ci avait, quelques jours après les conclusions d'un audit ayant révélé de graves déficiences professionnels de sa part, supprimé la quasi-intégralité des messages électroniques professionnels envoyés et reçus sur cette messagerie professionnelle nominative, ce qui représentait 2 664 emails, celui-ci en ayant transféré un bon nombre vers sa messagerie électronique personnelle ; qu'il était en outre constant qu'en sa qualité de directeur général, la mise en oeuvre d'une charte informatique était de sa responsabilité ; que pour écarter la faute grave, la cour d'appel a relevé, par adoption des motifs des premiers juges, que si la destruction de milliers de messages électroniques professionnels constituait une faute du directeur général au regard de ses obligations contractuelles, le défaut de charte informatique, la procédure de traitement des courriels au sein de l'association prévoyant que les mails destinés à la direction générale devaient en principe être envoyés à l'adresse « direction.générelae@agivr.asso.fr pour y être traités par l'assistante de direction avant leur transfert au directeur général, l'absence de préjudice allégué par l'association et le contexte de la procédure de licenciement en cours enlevaient à cette faute son caractère de gravité, la cour d'appel y ajoutant que faute de verser aucun des courriels litigieux, l'employeur, qui faisait grief au salarié d'avoir gravement manqué à ses obligations professionnelles de loyauté et de confidentialité et qui avait procédé à la restauration de l'intégralité des mails supprimés, n'avait pas mis la cour en mesure d'apprécier l'importance et le caractère éventuellement confidentiel desdits mails ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1235-1 et L. 1235-3, ces deux derniers textes dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'aveu judiciaire fait pleine foi contre son auteur ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, le salarié affirmait expressément que seuls les emails « ne nécessitant pas un degré de confidentialité » transitaient sur l'adresse « [Courriel 4] », reconnaissant ainsi que les e mails confidentiels étaient exclusivement adressés sur sa messagerie professionnelle nominative, sans passer par son assistante ; qu'en retenant que, faute pour l'employeur de verser aux débats aucun des courriers supprimés par le salarié, il ne lui avait pas permis d'apprécier leur importance et leur caractère éventuellement confidentiel, sans rechercher s'il ne résultait pas des conclusions du salarié, l'existence d'un aveu judiciaire de celui-ci sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1356 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, afin de justifier que la messagerie professionnelle « [Courriel 5] » avait vocation à recevoir des emails, non mis en copie de l'assistante du salarié, revêtant un caractère confidentiel, l'employeur se prévalait, outre des propres déclarations du salarié formulées en ce sens dans ses écritures, d'un courriel envoyé par celui-ci au directeur du foyer de [6] en date du 16 juin 2017 indiquant qu' « il n'est pas utile de mettre les 2 adresses ; c'est un choix à votre niveau selon la confidentialité que vous mettez sur le mail » et d'un second envoyé par une autre directrice au salarié, sur un sujet sensible, à son adresse nominative en précisant « au regard de certains éléments, je préfère vous le transmettre en direct et non via [Y] », l'employeur soulignant enfin que la plupart des emails versés aux débats par le salarié, sur des points importants de sa gestion, étaient d'ailleurs issues de cette messagerie nominative ; qu'en se bornant à relever que l'employeur ne produisait aucun des courriels supprimés par le salarié, pour en déduire qu'elle était dans l'impossibilité d'apprécier l'importance et le caractère éventuellement confidentiel de ceux-ci, sans s'expliquer sur les pièces précitées en ce qu'elles confirmaient la haute confidentialité attachée aux communications effectuées sur la messagerie professionnelle nominative du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE c'est au salarié d'établir que les documents qu'il a soustrait à son employeur sont strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'oppose à son employeur à l'occasion de son licenciement ; qu'en retenant, par motifs réputés adoptés, que licencié pour insuffisance professionnelle, le salarié avait le droit de transférer sur sa boîte électronique personnelle les documents dont il avait eu connaissance dans le cadre de sa profession pour les nécessités de sa défense devant la juridiction du travail et que l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontrait pas que les documents transférés n'avaient aucune utilité pour assurer une telle défense, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

5°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, à côté d'une faute grave, le salarié s'était vu reprocher une insuffisance professionnelle en partie fondée sur des carences professionnelles révélées par un rapport d'audit, celui-ci dressant un constat « sévère quant à la capacité du directeur général à définir une stratégie, une orientation, un cap permettant aux Directeurs et à leurs équipes de fixer des objectifs clairs et précis », pointant « un manque de dynamique de projets portés par le Directeur Général », mettant en garde, devant « la difficulté relevée par l'ensemble du personnel interviewé, du Directeur Général à animer, piloter, arbitrer et se positionner à ce jour sur l'ensemble des sujets traités», sur un risque « d'avoir du mal à prendre des décisions pour conduire les nombreux changements organisationnels et structurels à venir de l'AGIVR » et relevant enfin que « la perte de confiance soulevée par l'ensemble des salariés (Comité de Direction, Collaborateurs du Siège Social et Fonctions supports des Etablissements) à l'égard de leur Directeur Général, risque d'être un frein prépondérant dans la conduite du changement à tenir », ces critiques rejoignant celles formulées à l'encontre de la direction générale à la tête de laquelle se trouvait le salarié par la directrice de l'IME Les Grillons, dans un courriel du 14 juin 2017 ; que face à ces éléments, le salarié se bornait à soutenir que son travail n'avait pas été remis en cause auparavant et que, comportant un grief disciplinaire, la lettre de licenciement ne pouvait invoquer parallèlement une insuffisance professionnelle ; que pour écarter ce « grief » d'insuffisance professionnelle, la cour d'appel, qui a admis que la lettre de licenciement était valablement motivée pour deux motifs distincts, a relevé que le rapport précité reposait essentiellement sur le ressenti exprimé par le personnel sans mettre en évidence aucun fait objectif et matériellement vérifiable et qu'il faisait état d'attentes et de critiques adressées en termes proches à l'endroit de la présidence de l'association, l'arrêt affirmant encore que l'employeur ne pouvait reprocher au salarié de n'avoir « su mettre en oeuvre les préconisations les plus simples et immédiates » de l'audit compte tenu de la brièveté de l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel soulignant enfin que l'imputabilité même de ce grief n'était pas établie au regard de l'absence d'amélioration de la confiance entre les directeurs d'établissements et le siège après le changement de directeur général ; qu'en statuant ainsi, quand le salarié ne contestait ni le contenu du rapport d'audit, ni la brièveté du délai laissé pour y réagir ou son imputabilité dans les carences relevées, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour dénier toute portée aux mentions du rapport d'audit interne ayant mis en évidence de graves insuffisances professionnelle de la direction générale, la cour d'appel a relevé que celles-ci reposaient essentiellement sur le ressenti exprimé par le personnel sans mettre en évidence aucun fait objectif et matériellement vérifiable et qu'elles faisaient état d'attentes et de critiques adressées en termes proches à l'endroit de la présidence de l'association, l'arrêt affirmant encore que l'employeur ne pouvait reprocher au salarié de n'avoir « su mettre en oeuvre les préconisations les plus simples et immédiates » de l'audit compte tenu de la brièveté de l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel soulignant enfin que l'imputabilité même de ce grief n'était pas établie au regard de l'absence d'amélioration de la confiance entre les directeurs d'établissements et le siège après le changement de directeur général ; qu'en relevant ces différents points d'office sans provoquer les observations des parties sur chacun d'eux, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'association AGIVR fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [S] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le licenciement vexatoire et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts prévus par l'article 1343-2 du code civil en précisant que les condamnations financières prononcées porteraient intérêts à compter de la réception de la lettre de convocation devant le conseil de prud'hommes, pour les créances de nature salariale et à compter de la notification du jugement pour les créances de nature indemnitaire et d'AVOIR, statuant à nouveau, dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiraient eux-mêmes des intérêts;

ALORS QUE le juge ne peut allouer des dommages et intérêts s'ajoutant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition de caractériser un comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte d'emploi ; que pour allouer au salarié, en sus d'une somme de 65 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, la cour d'appel s'est bornée à relever que le licenciement du salarié qui occupait les fonctions de directeur général et n'avait fait l'objet avant la réalisation de l'audit litigieux, d'aucun avertissement en dix années de service, avait été prononcé pour faute grave, après l'échec d'une négociation engagée afin d'établir une rupture conventionnelle du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser un comportement fautif de l'employeur ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016.

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