1 December 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.760

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C201218

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Cotisations - Taux - Fixation - Taux individuel - Accidents ou maladies professionnelles prises en considération - Maladies professionnelles - Dépenses engagées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) - Inscription au compte spécial - Charge de la preuve

Lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er décembre 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1218 FS-B

Pourvoi n° C 20-22.760




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022

La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-22.760 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 octobre 2020), M. [I] (la victime), ancien salarié de la société [3] (la société), a déclaré le 25 juin 2018 un mésothéliome malin du péritoine, pris en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes (la CARSAT) ayant imputé au compte employeur de son établissement de [Localité 4] les dépenses afférentes à cette maladie, la société a saisi la juridiction de la tarification d'une demande d'inscription au compte spécial, en application des 3° et 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 1995.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors « qu'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur auprès duquel la victime a été exposé au risque ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de tarification, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que le salarié a été exposé au risque chez le dernier employeur auquel elle impute l'origine de la maladie ; qu'au cas présent, la société contestait avoir exposé le salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante à l'origine de sa maladie et demandait en conséquence le retrait des coûts afférents à la maladie de son salarié de son compte employeur ; qu'elle soulignait que le salarié avait été exclusivement exposé au risque à l'origine de sa maladie chez ses employeurs précédents entre 1966 et 1981 ; qu'en déboutant la société de ses prétentions au motif que « l'employeur ne produit aucune pièce relative aux conditions concrètes de travail de son salarié chez elle et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve que ce dernier n'y aurait pas été exposé à l'amiante », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1353 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble de l'article 2, 3°, de l'arrêté du 16 octobre 1995. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1353 du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5, D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige :

4. Il résulte du premier de ces textes que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.

5. Aux termes du deuxième de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement.

6. Selon le troisième, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu.

7. Selon les quatrième et cinquième de ces textes, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial.

8. Selon le dernier, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à la maladie professionnelle qui a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque, mais qui a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale.

9. Lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale.

10. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt retient que celle-ci ne démontre pas que son activité n'a pas exposé le salarié au risque de sa pathologie.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures inscrites au registre général sous les numéros 19/06689 et 20/01503, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société [3] n'établit pas que les conditions d'inscription des dépenses de la maladie de Monsieur [U] [I] au compte spécial soient remplies et la déboute en ce sens et d'avoir dit bien-fondée la décision de la CARSAT de maintenir au compte employeur de la société [3] les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [I] ;

ALORS QU'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur auprès duquel la victime a été exposé au risque ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de décision de tarification, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que le salarié a été exposé au risque chez le dernier employeur auquel elle impute l'origine de la maladie ; qu'au cas présent, la société [3] contestait avoir exposé le salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante à l'origine de sa maladie et demandait en conséquence le retrait des coûts afférents à la maladie de M. [I] de son compte employeur ; qu'elle soulignait que le salarié avait été exclusivement exposé au risque à l'origine de sa maladie chez ses employeurs précédents entre 1966 et 1981 ; qu'en déboutant la société [3] de ses prétentions au motif que « la société [3] ne produit aucune pièce relative aux conditions concrètes de travail de Monsieur [I] chez elle et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve que ce dernier n'y aurait pas été exposé à l'amiante » (arrêt p. 4), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1353 du Code civil, 6 et 9 du Code de procédure civile, D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble de l'article 2,3° de l'arrêté du 16 octobre 1995.

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