29 November 2022
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 21/03425

2EME PROTECTION SOCIALE

Texte de la décision

ARRET

N° 997





[H]





C/



CPAM DES FLANDRES













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022



*************************************************************



N° RG 21/03425 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IEZP - N° registre 1ère instance : 19/3025



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 11 mai 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [Y] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]





Représenté et plaidant par Me David BROUWER de la SCP MOUGEL - BROUWER - HAUDIQUET, avocat au barreau de DUNKERQUE











ET :





INTIME





CPAM DES FLANDRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée et plaidant par Mme [J] [E] dûment mandatée













DEBATS :



A l'audience publique du 05 Juillet 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2022.



GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche THARAUD





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:



Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,



qui en ont délibéré conformément à la loi.





PRONONCE :



Le 29 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.



*

* *



DECISION



M. [Y] [H], employé en qualité de charpentier, a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (ci-après la CPAM) une déclaration de maladie professionnelle mentionnant une « surdité totale », accompagnée d'un certificat médical initial du 9 décembre 2008 mentionnant une « MP 42 surdité de perception progressive aboutissant à la cophose totale et à la mise en place d'un implant cochléaire à droite ».



Après instruction du dossier, la CPAM des Flandres a notifié, par courrier du 6 août 2009, un refus de prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle, retenant une absence de relation entre la maladie et l'activité professionnelle.



Contestant cette décision, M. [H] a sollicité la mise en 'uvre d'une expertise médicale technique, laquelle a été effectuée le 23 février 2010 par le docteur [A], lequel a confirmé l'absence de lien de causalité entre l'exposition professionnelle au bruit et la surdité.



Suite à une notification adressée le 10 mars 2010, la CPAM des Flandres a maintenu son refus de prise en charge. M. [H] a alors saisi la commission de recours amiable laquelle, par décision du 6 mai 2010, a confirmé la décision de refus de prise en charge.



M. [H] a alors porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui, par jugement avant dire droit du 14 juin 2012 a ordonné un nouvelle expertise, confiée au docteur [Z], lequel a rendu un rapport le 17 novembre 2012 au terme duquel il a conclu à l'absence de lien de causalité entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle.



Par jugement du 16 juillet 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale a rejeté la demande de M. [H], lequel a par conséquent interjeté appel en sollicitant la désignation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).



Par arrêt du 30 mars 2018, la cour d'appel de Douai a ordonné la réouverture des débats aux fins de production d'audiogrammes, ce qui a été fait par le médecin conseil de la CPAM des Flandres lequel a versé des audiogrammes de 1994, 2009 et 2010.



Par un nouvel arrêt du 29 juin 2018, la cour d'appel de Douai a :

- dit n'y avoir lieu à la saisine d'un CRRMP,

- infirmé le jugement déféré,

- renvoyé le dossier à la CPAM avec injonction d'instruire la déclaration de maladie professionnelle sur la base du certificat médical initial du 9 décembre 2008 dans le cadre du tableau 42 en sollicitant l'avis du médecin conseil, au vu de ce certificat et des audiogrammes contemporains produit dans le cadre de l'instance, sur la conformité de la pathologie déclarée aux conditions médicales réglementaires du tableau,

- dit que la CPAM devra poursuivre son instruction en fonction de l'avis du médecin conseil.



La CPAM a sollicité l'avis du médecin conseil, lequel a instruit sa demande sur la base de l'audiogramme du 13 janvier 2009 et a estimé que les conditions médicales du tableau 42 des maladies professionnelles n'étaient pas réunies au motif que l'audiométrie tonale liminaire était incomplète.



Contestant cette décision, M. [H] a saisi la commission de recours amiable en indiquant que l'audiogramme avait bien été réalisé en cabine insonorisée avec un audiomètre calibré et en joignant un nouvel audiogramme du 15 janvier 2019.



Par décision du 23 août 2019, la commission de recours amiable a rejeté sa demande et l'a invité à présenter un nouveau certificat médical initial ainsi qu'une nouvelle demande de reconnaissance de maladie professionnelle sur la base de l'audiogramme du 15 janvier 2019.



M. [H] a porté son recours devant le tribunal judiciaire de Lille lequel, par jugement du 11 mai 2021, a :

- déclaré le recours de l'assuré recevable,

- débouté l'assuré de sa demande en reconnaissance de la maladie professionnelle,

- débouté l'assuré du surplus de ses demandes,

- condamné l'assuré aux dépens.



Suite à notification intervenue le 14 mai 2021, M. [H] a interjeté appel le 14 juin 2021.



Les parties ont été convoquées à l'audience du 5 juillet 2022.



Par conclusions visées par le greffe et soutenues oralement lors de l'audience, M. [H], par l'intermédiaire de son conseil, prie la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- dire que M. [H] est victime d'une maladie professionnelle du tableau 42,

- condamner la CPAM des Flandres au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Il indique que le docteur [W], ayant repris le cabinet d'ORL anciennement exploité par le docteur [I], a confirmé que le test avait été réalisé en cabine audiométrique insonorisée, effectué avec un audiomètre calibré.



Après sollicitation du docteur [I], retraité depuis, M. [H] précise qu'il a été confirmé que la mention de l'audiométrie vocale et de l'audiométrie tonale comportant les courbes osseuses figurait dans l'audiogramme.



Il indique avoir transmis l'audiogramme au laboratoire [5], dont il ressort un compte-rendu.



Il estime, dès lors, que ces éléments sont de nature à confirmer que l'audiogramme réalisé par le docteur [I] remplit les conditions médicales du tableau 42.



Par conclusions visées par le greffe et soutenues oralement lors de l'audience, la CPAM des Flandres prie la cour de :


- confirmer le jugement entrepris,

- confirmer la décision de refus de prise en charge,

- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes.



Elle soutient que la pathologie présentée par l'assuré ne remplit pas les conditions médicales du tableau 42 dès lors que l'audiométrie tonale ne comportait qu'une seule courbe, que les fréquences élevées n'étaient pas préférentiellement atteintes et que la surdité invoquée est exclusivement imputable à une pathologie intercurrente.



Au soutien de ses propos, elle développe les éléments suivants :

- le docteur [C], médecin conseil, confirme que l'audiométrie tonale n'est pas complète en ce qu'elle ne comporte qu'une seule courbe, ce qui ne permet pas d'objectiver la surdité de perception, ni de satisfaire à la condition médicale du tableau 42,

- après lecture de l'audiométrie tonale on peut remarquer que les deux courbes surlignées en jaune sont des courbes préexistantes à l'audiogramme et ne correspondant ni à la courbe en conduction osseuse ou en conduction aérienne,

- le test de Rinne, permettant d'évaluer le degré d'atteinte de l'oreille moyenne ou interne n'est pas rempli, dès lors qu'il ne peut être calculé en l'absence d'une des deux courbes,

- les fréquences élevées ne sont pas préférentiellement atteintes du fait que les courbes obtenues ne sont pas typiques d'une surdité professionnelle qui doivent atteindre les fréquences élevées 2000 et 4000,

- la surdité est imputable à une pathologie intercurrente, ce qui a été confirmé par le docteur [A] et le docteur [Z].



Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
















Motifs



Sur le respect des conditions visées au tableau n° 42 des maladies professionnelles



Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.



Lorsque ces conditions sont remplies, l'origine professionnelle de la maladie est présumée.



Le tableau n° 42 des maladies professionnelles, relatif aux atteintes auditives provoquées par des bruits lésionnels, précise que l'hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversibles, est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées. Le diagnostic de cette hypoacousie doit être établi par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes et en cas de non concordance, par une impédencemétrie et recherche du réflexe stapédien ou à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel. Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré. Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition aux bruits lésionnels d'au moins trois jours et doit faire apparaître, sur la meilleure oreille, un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hz.



Il est établi, comme l'ont retenu les premiers juges, que le litige porte sur la conformité de la surdité aux conditions médicales réglementaires sus-visées, et ce sur la base d'un certificat médical initial en date du 9 décembre 2008 qui a mentionné une « surdité de perception progressive aboutissant à la cophose totale et à la mise en place d'un implant cochléaire à droite ».



Par ailleurs, l'appréciation des conditions médicales du tableau 42 doit être faite à la date du certificat médical initial du 9 décembre 2008 et au vu des audiogrammes réalisés juste avant ou dans un temps contemporain audit certificat.



Il est observé que le litige ne porte pas sur la réalisation de l'audiométrie après cessation d'exposition aux bruits lésionnels d'au moins trois jours. Il sera toutefois précisé que le certificat médical initial date du 9 décembre 2008 et que l'audiogramme en cause est réalisé le 13 janvier 2009.



En l'espèce, il résulte du colloque médico-administratif du 4 décembre 2018 réalisé par le docteur [R], lequel a bien porté sur l'examen de la condition médicale réglementaire du tableau 42 sur la base du certificat médical initial et au vu de l'audiogramme contemporain du 13 janvier 2009, que la maladie dont est atteint M. [H], à savoir une « surdité de perception bilatérale par lésion cochléaire irréversible », ne remplissait pas les conditions réglementaires du tableau 42 au motif que l'audiométrie tonale liminaire était incomplète.



En effet, le docteur [R] a constaté ce qui suit : « (') les conditions médicales des audiométries contemporaines de la demande et en particulier celle du 13 janvier 2009 ne remplissent pas les conditions médicales en ce que les fréquences élevées ne sont pas préférentiellement atteintes sur cette audiométrie, les courbes osseuses et aériennes ne sont pas authentifiées comme telles et une seule courbe est présente ».



En outre, par avis du docteur [C], médecin-conseil de la CPAM des Flandres il a été constaté ce qui suit : « (') l'audiométrie tonale liminaire est incomplète dans la mesure où elle ne comporte qu'une seule courbe, matérialisée par des flèches sur l'audiogramme.

Or, les audiogrammes de surdité professionnelle doivent toujours compter deux courbes, avec une courbe en conduction aérienne et une courbe en conduction osseuse. En effet, dans le cas de surdités professionnelles la conduction osseuse est toujours altérée.

Toutefois, l'audiogramme du 13/01/2009 ne comporte bien qu'une seule courbe, les deux courbes inférieures sur l'audiogramme sont préétablies sur le diagramme et préexistent à l'examen du patient.

(') Par ailleurs, la courbe montre une atteinte bilatérale et symétrique, avec un déficit entre 50 et 60 dB aux fréquences 500 1000 2000 et 4000 pour l'oreille gauche. Et un déficit aux alentours de 60 dB aux fréquences 500 1000 2000 et 4000 pour l'oreille gauche.

De sorte qu'il est constant que, les fréquences élevées ne sont pas préférentiellement atteintes sur cette audiométrie, avec une atteinte identique des fréquences basses 500 et 1000.

(') En somme, les conditions médicales du tableau MP42 n'étaient pas remplies dans la mesure où l'audiométrie tonale liminaire était incomplète, cette dernière ne comportant qu'une seule courbe ».



M. [H] soutient que le docteur [I], médecin ayant réalisé l'audiogramme du 13 janvier 2009, a attesté que la mention de l'audiométrie vocale et de l'audiométrie tonale, comportant les courbes osseuses, figurait dans l'audiogramme, or, au regard des pièces versées aux débats, aucun élément ne permet de corroborer ces dires.



En effet, M. [H] produit un courrier qu'il aurait adressé le 15 janvier 2019 au docteur [I], alors retraité, indiquant « si cela est possible d'interpréter l'audiogramme que vous avez effectué il y a quelques années », cependant aucune mention permettant de rattacher ce courrier au docteur [I] n'apparaît. En outre, il argue d'un retour du docteur [I] par une mention manuscrite sur ledit courrier, or cette mention non lisible, ou les signatures et mentions sur l'audiogramme ne permettent pas de contredire l'avis des médecins-conseil de la CPAM des Flandres.



Par ailleurs, le docteur [W], successeur du docteur [I], dans un courrier du 23 octobre 2018, certifie : « Je n'ai pas accès à son dossier médical. Le test a été fait dans une cabine audiométrique insonorisée que j'utilisais à l'époque avec un audiomètre calibré. Je ne peux pas me prononcer sur le reste du test auditif car ce n'est pas moi qui l'ai réalisé ».



Dans un courrier du 15 janvier 2019, le docteur [I] rend un compte-rendu suite à un examen en se basant sur des courbes d'audiométrie de la même date, cependant, cet examen n'étant pas contemporain au certificat médical initial du 9 décembre 2008, il ne peut en être tenu compte.



Enfin, M. [H] indique avoir transmis l'audiogramme du 13 janvier 2009 au laboratoire [5], lequel a rendu un compte-rendu apportant, selon l'assuré, des éléments de nature à confirmer que cet audiogramme remplissait les conditions du tableau 42.



Cependant, la cour relève que l'analyse apportée par le laboratoire [5] ne revêt pas le caractère d'une preuve d'ordre médical permettant de remettre en cause les avis médicaux des médecins-conseil.



De plus, il ressort du tableau 42 des maladies professionnelles que l'hypoacousie de perception est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral affectant préférentiellement les fréquences élevées, or il est constaté ici, eu égard aux avis des médecins-conseil que les fréquences élevées ne sont pas préférentiellement atteintes, ce qui n'est pas remis en cause par M. [H].



Dès lors, la condition du tableau 42 tendant à la réalisation de l'examen en cabine insonorisée est attestée par le docteur [W] et non remise en cause par la CPAM des Flandres. Cependant la condition tendant à la concordance d'une audiométrie tonale liminaire et d'une audiométrie vocale ne peut être remplie dans la mesure où l'audiométrie tonale est incomplète.



Ainsi, aucun élément ne permet de remettre en cause les avis des médecins-conseil de la CPAM des Flandres, il est alors constaté que les conditions médicales réglementaires du tableau 42 ne sont pas réunies à la date de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle suivant certificat médical initial du 9 décembre 2008.



C'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [H] de sa demande.



Sur l'article 700 du code de procédure civile



M. [H] succombe en toutes ses demandes, ce qui doit conduire au rejet de la demande qu'il formule sur le fondement du texte précité.

 

Sur les dépens



Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [H], partie succombante, sera condamné aux entiers dépens de l'instance.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu au audience publique par sa mise à disposition au greffe,



Confirme le jugement entrepris,



Y ajoutant,



Déboute M. [H] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [H] aux dépens de l'instance.







Le Greffier, Le Président,

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