30 November 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.436

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C300829

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2022




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 829 F-D

Pourvoi n° V 21-24.436




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022

Mme [Y] [O], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 21-24.436 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [R] [L], veuve [X], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à M. [K] [L], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [O], de la SC Alain Bénabent, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2021), par acte du 16 novembre 2017, Mme [R] [L] et M. [K] [L] (les consorts [L]), propriétaires en indivision de deux chambres de service, ont confié la vente de leurs biens à une agence immobilière au prix de 110 000 euros.

2. Par acte du même jour, Mme [O] a fait une offre d'achat de ces biens au prix demandé.

3. Cette offre a été acceptée par les consorts [L].

4. Mme [L] ayant refusé de signer la promesse de vente, Mme [O] a assigné les consorts [L] en perfection de la vente.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Mme [O] fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de régularisation de la vente et d'ordonner les restitutions réciproques, alors « que selon l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'en jugeant que la rencontre des volontés sur les éléments essentiels de la vente n'était pas établie, après avoir pourtant constaté « Mme [R] [L] veuve [X] et son frère M. [K] [L] (ci-après les consorts [L]) sont propriétaires indivis de deux chambres de service à savoir les lots de copropriété n° 120 et n° 130 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] dont ils ont hérité au décès de leur mère, [I] [L] », que « le 19 janvier 2017, Mme [R] [L] a signé un mandat de vente sans exclusivité avec le groupe Imosphère portant sur ces lots de copropriété au prix de 198 000 euros net vendeur, puis le 16 novembre 2017 un second mandat de vente avec exclusivité au prix de 110 000 euros net vendeur », que « le même jour soit le 16 novembre 2017, Mme [O] a formulé une offre d'achat au prix de 110 000 euros que les consorts [L] ont contresignée avec la mention " bon pour accord, bon pour vente au prix de 110 000 euros " sans indication de date », de sorte que les consorts [L] avaient accepté l'offre d'achat de Mme [O] portant sur les chambres de service précisément désignées dans ladite offre, pour un prix de 110 000 euros, la vente était parfaite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1583 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1114 et 1583 du code civil :

6. Aux termes du premier de ces textes, l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

7. Selon le second, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

8. Pour rejeter le caractère parfait de la vente, l'arrêt retient, d'une part, que l'absence de précision de l'acte quant aux conditions, notamment de financement, de la vente et aux formalités de réalisation de celle-ci, suffit à établir que les parties n'en étaient qu'au stade des pourparlers, d'autre part, que l'offre d'achat ne comportait aucune mention quant au délai de réalisation de la vente.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'offre d'achat formulée par Mme [O], portant sur les biens mis en vente par les consorts [L], avait été contresignée par eux avec la mention « bon pour vente » au prix proposé, ce dont il résultait, d'une part, que l'offre comprenait les éléments essentiels du contrat envisagé et exprimait la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, d'autre part, que la vente était parfaite, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés par fausse application et le second par refus d'application.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux








MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [O]

Mme [Y] [O] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de régularisation de la vente et d'avoir ordonné les restitutions réciproques ;

1°) ALORS QUE selon l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'absence de précision de l'offre « quant aux conditions de la vente et aux formalités de réalisation de celle-ci suffit à établir que les parties n'en étaient qu'au stade des pourparlers » et que « l'offre d'achat ne comportait par ailleurs aucune mention quant au délai de réalisation de la vente » pour en déduire que la vente n'était pas parfaite, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE selon l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'en jugeant que la rencontre des volontés sur les éléments essentiels de la vente n'était pas établie, après avoir pourtant constaté « Mme [R] [L] veuve [X] et son frère M. [K] [L] (ci-après les consorts [L]) sont pr opriétaires indivis de deux chambres de s ervice à savoir les lots de copropriété n°120 et n°130 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] dont ils ont hérité au décès de leur mère, [I] [L] », que « le 19 janvier 2017, Mme [R] [L] a signé un mandat de vente sans exclusivité avec le groupe Imosphère portant sur ces lots de copropriété au prix de 198 000 euros net vendeur, puis le 16 novembre 2017 un second mandat de vente avec exclusivité au prix de 110 000 euros net vendeur », que « le même jour soit le 16 novembre 2017, Mme [O] a formulé une offre d'achat au prix de 110 000 euros que les consorts [L] ont contresignée avec la mention " bon pour accord, bon pour vente au prix de 110 000 euros " sans indication de date » (arrêt, p. 2), de sorte que les consorts [L] ayany accepté l'offre d'achat de Mme [O] portant sur les chambres de service précisément désignées dans ladite offre, pour un prix de 110.000 euros, la vente était parfaite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1583 du code civil ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE selon l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'en jugeant que la rencontre des volontés sur les éléments essentiels de la vente n'était pas établie, aux motifs inopérants que l'absence de précision de l'offre « quant aux conditions de la vente et aux formalités de réalisation de celle-ci suffit à établir que les parties n'en étaient qu'au stade des pourparlers » et que « l'offre d'achat ne comportait par ailleurs aucune mention quant au délai de réalisation de la vente », la cour d'appel a violé l'article 1583 du code civil.

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