30 November 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.903

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100873

Titres et sommaires

AUTORITE PARENTALE - Déclaration judiciaire de délaissement parental - Caractérisation - Applications diverses

Caractérise une situation de délaissement au sens de l'article 381-1 du code civil le fait pour une mère de ne pas s'être saisie, d'une part, du droit de visite médiatisé organisé dès la naissance en vue de la soutenir dans la création d'un lien avec son enfant, mettant en échec celui-ci par son inconstance dans l'exercice de ce droit et par son absence de prise en compte des besoins de l'enfant, d'autre part, du droit de correspondance médiatisé instauré au moment de la suspension du droit de visite, n'ayant plus posé aucun acte concret permettant d'attester des vélléités de reprendre une relation avec son enfant

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 873 F-B

Pourvoi n° G 20-22.903

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 octobre 2020.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022

1°/ Mme [U] [Z], domiciliée [Adresse 2],

2°/ l'union départementale des associations familiales (UDAF), dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de curatrice de Mme [U] [Z],

ont formé le pourvoi n° G 20-22.903 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2 - 5), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [T] [C], domicilié [Adresse 2],

2°/ à l'aide sociale à l'enfance du Var, dont le siège est [Adresse 6],

3°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié [Adresse 7],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [Z] et de l'union départementale des associations familiales, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'aide sociale à l'enfance du Var, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2019), de l'union de M. [C] et de Mme [Z] est issu [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010.

2. Le 19 septembre 2018, le président du conseil départemental du Var a déposé une requête aux fins de déclaration judiciaire de délaissement parental de l'enfant à l'égard de ses deux parents.

Examen du moyen

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer délaissé son fils, alors :

4°/ que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Mme [Z] présentait une structuration « limite », marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Mme [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Mme [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Mme [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du code civil ;

5°/ qu'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que « les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire », sans rechercher si le maintien par Mme [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 § 1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 381-1 du code civil, un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit.

6. La cour d'appel a retenu que Mme [Z] ne s'était pas saisie du droit de visite médiatisée organisé dès la naissance de [N] en vue de la soutenir, compte tenu de sa fragilité psychique, dans la création d'un lien avec son enfant, et que ce dispositif avait été mis en échec par son inconstance dans l'exercice de ce droit, ainsi que par son absence de prise en compte des besoins de l'enfant, dont le mal-être avait été constaté, avant comme après les rencontres avec ses parents, par les intervenants éducatifs et médicaux sociaux.

7. Elle a relevé que Mme [Z] ne s'était pas plus saisie du droit de correspondance médiatisé instauré en 2016 au moment de la suspension du droit de visite et n'avait, depuis, posé aucun acte concret permettant d'attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils.

8. Elle a estimé que les démarches destinées à restaurer le lien avec [N] et entreprises par le service gardien sous le contrôle du juge pendant plusieurs années avaient maintenu l'enfant dans un état d'insécurité affective et entravé son bon développement, ce qui justifiait de le libérer du lien avec ses parents biologiques, des progrès de celui-ci ayant été constatés depuis la fin des visites obligatoires.

9. La cour d'appel, qui a ainsi caractérisé une situation de délaissement de l'enfant au sens de l'article 381-1 du code civil pendant l'année précédant l'introduction de la requête en se déterminant en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] et l'union départementale des associations familiales

Madame [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré délaissé l'enfant [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010 à La Seyne-sur-mer, par ses père et mère, M. [T] [C] né le [Date naissance 5] 1964 à Toulon et Madame [U] [Z], née le [Date naissance 3] 1986 à La Seyne-sur-mer, et d'AVOIR délégué l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant [N] [C] au Conseil général du Var ;

1/ ALORS QUE l'article 1205-1 du Code de procédure civile dispose que lorsqu'une procédure d'assistance éducative a été diligentée à l'égard d'un enfant, « dans tous les cas, le juge des enfants fait connaître son avis au regard de la procédure d'assistance éducative en cours » ; que la nullité résultant de l'omission de l'avis du juge des enfants est encourue sans qu'il y ait lieu de justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 114 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QU'à supposer même que la nullité n'ait pu être prononcée qu'en l'état d'un grief causé par l'omission, l'avis du juge des enfants, lequel est le mieux placé pour dire si l'enfant a été délaissé, visant à ajouter au contenu du dossier, son absence a nécessairement causé un grief à la mère ; qu'en écartant la nullité résultant de l'absence d'avis du juge des enfants, aux motifs que les parties avaient pu débattre de chacun des éléments de la procédure d'assistance éducative communiquée par le juge des enfants et que la mère ne rapportait pas la preuve du grief ainsi causé, la Cour d'appel aurait donc encore violé l'article 1205-1 du Code de procédure civile et l'article 114 du Code de procédure civile ;

3/ ALORS QU'en application de l'article 381-1 du Code civil, « un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit », c'est- à-dire, en l'espèce, pendant l'année qui a précédé la requête du 19 septembre 2018 ; qu'en se déterminant au regard du comportement de la mère entre l'année 2010 et le jugement du 4 juillet 2016 ayant suspendu ses droits de visite ou, à tout le moins, le 19 septembre 2018, la Cour d'appel a violé cette dernière disposition ;

4/ ALORS QUE la Cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Madame [Z] présentait une structuration « limite », marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Madame [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Madame [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Madame [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du Code civil ;

5/ ALORS QU'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que « les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire », sans rechercher si le maintien par Madame [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 § 1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989.

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