28 November 2022
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 21/02838

2EME PROTECTION SOCIALE

Texte de la décision

ARRET

N°984





CPAM CÔTE D'OPALE





C/



S.A. [5]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 28 NOVEMBRE 2022



*************************************************************



N° RG 21/02838 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDWD - N° registre 1ère instance : 21/00257



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER (Pôle Social) EN DATE DU 30 avril 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





La CPAM CÔTE D'OPALE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]





Représentée et plaidant par Me Véronique SOUFFLET de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 92











ET :





INTIMEE





La société [5] (SA), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

M.P. : Mme [O] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]





Représentée et plaidant par Me Gallig DELCROS de l'AARPI GZ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS





DEBATS :



A l'audience publique du 16 Juin 2022 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2022.



GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Audrey VANHUSE





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:



Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,



qui en ont délibéré conformément à la loi.





PRONONCE :



Le 28 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.




*

* *



DECISION



Le 27 mars 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale (CPAM) a été destinataire d'une déclaration de maladie professionnelle de Mme [E], salariée de la société [5], sur le fondement d'un certificat médical initial du 11 mars 2019 faisant état d'un «'syndrome du canal carpien droit ayant nécessité une infiltration'».



La caisse informait l'employeur d'une prolongation de l'instruction par courrier du 21 juin 2019, de sa clôture et de la possibilité de consultation du dossier par courrier du 1er juillet 2019 et lui notifiait enfin, par courrier du 22 juillet 2019, sa décision prendre en charge la maladie professionnelle à compter du 7 janvier 2019.



Contestant cette décision, la société [5] a, par courrier du 26 septembre 2019, saisi la commission de recours amiable, laquelle a rejeté son recours, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer par requête du 17 avril 2020.



Par jugement du 30 avril 2021, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs et des faits, le tribunal a déclaré inopposable à la société [5] la décision de prise en charge par la caisse de la pathologie déclarée par Mme [E] au motif que la CPAM n'avait pas respecté le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur en modifiant unilatéralement la date de prise en charge de la maladie professionnelle.



Le jugement a été notifié à la caisse le 9 mai 2021, qui en a relevé appel le 20 mai 2021 et l'affaire a été appelée à l'audience du 16 juin 2022.



Par ses dernières conclusions communiquées au greffe le 16 juin 2022, lesquelles ont été soutenues oralement à l'audience par son représentant, la caisse prie la cour de':



- dire que la caisse a respecté le principe du contradictoire,

- dire opposable à la société [5], en toutes ses conséquences financières, la décision de prise en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels, de la maladie professionnelle du 7 janvier 2019, de Mme [E],

- débouter en conséquence la société [5] de l'ensemble de ses prétentions.



Par ses dernières conclusions communiquées au greffe le 16 juin 2022, lesquelles ont été soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [5] prie la cour de':



- la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer,

- constater que la caisse primaire en retenant une date différente dans sa décision de prise en charge n'a pas respecté le principe du contradictoire à l'égard de la société [5] dans le cadre du dossier de Mme [E],

- en conséquence, déclarer inopposable à l'égard de la société [5], la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Mme [E] (dossier n° 190107599).



Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.




MOTIFS



- sur le respect du caractère contradictoire de la prise en charge de la maladie professionnelle



Les obligations de la caisse au cours de l'instruction d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle déclarée avant le 1er décembre 2019 figurent aux articles R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.



Il en ressort que la caisse primaire d'assurance maladie est tenue d'informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.



La décision de prise en charge ne peut être opposable à l'employeur que si la caisse a respecté'à son égard l'obligation d'information ainsi définie.



La caisse primaire d'assurance maladie expose qu'en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que «'en ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident la date de la première constatation médicale de la maladie'», avant la fixation de cette date par son médecin conseil, la caisse ne peut que se référer à la date du certificat médical.



Elle indique qu'à ce titre, les références du dossier au cours de l'instruction correspondaient à cette date sous le numéro'190311597 et qu'à compter de la fixation de la date de première constatation médicale, la caisse a réenregistré le même dossier sous le numéro 190107599 correspondant à la date du 7 janvier 2019.

De cette observation, elle conclut que bien que les numéros des dossiers et la date de prise en charge de la maladie aient été modifiés dans la notification de prise en charge adressée à l'employeur le 22 juillet 2019, le principe du contradictoire a été respecté à son égard dans la mesure où celui-ci, régulièrement associé à la procédure d'instruction, était en mesure de déduire de l'identité de la désignation de l'assurée et de la maladie professionnelle qu'il s'agissait bien du même dossier de prise en charge.



Quant à la modification de la date de prise en charge de la maladie professionnelle, la caisse expose que l'employeur a pu consulter le dossier, dont la fiche du colloque médico-administratif, ce qui l'a mis en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief, et notamment la modification de la date de prise en charge de la maladie professionnelle.

En se fondant sur l'emploi de numéros de dossier différents, l'employeur indique n'avoir jamais été destinataire des éléments relatifs à l'instruction du dossier n° 190107599 avant la décision de prise en charge du 22 juillet 2019.

Reprenant la motivation des premiers juges, il fait par ailleurs valoir que la caisse a également enfreint le principe du contradictoire à son égard en retenant de manière unilatérale une date différente dans sa décision de prise en charge.



En l'espèce, les courriers des 2 avril 2019, 21 juin 2019 et 1er juillet 2019 adressés par la caisse primaire d'assurance maladie à l'employeur l'ont été sous le numéro 190311597 au titre d'une pathologie constatée le 11 mars 2019.

La notification de prise en charge a été adressée à l'employeur le 22 juillet 2019, sous le numéro 190107599 pour une pathologie constatée le 7 janvier 2019.



S'il n'est pas contestable qu'il s'agisse de l'instruction d'une unique pathologie, considérant que les documents communiqués par la CPAM désignent tous la même assurée en ses nom, prénom et numéro d'inscription au répertoire de l'INSEE (numéro de sécurité sociale) et la même maladie, à savoir un syndrome du canal carpien droit au titre du tableau 57 des maladies professionnelles, il n'est pas établi que l'employeur ait été mis en mesure de faire des observations sur la modification de la date de prise en charge de la maladie.



En effet, contrairement à ce qu'indique la CPAM, il ne ressort pas de sa pièce numéro 11 « consultation des pièces d'un dossier MP à l'accueil'» que l'employeur ait pu consulter la fiche du colloque-médico administratif puisque la case correspondante n'est pas cochée. La fiche de consultation des pièces du dossier fait en revanche figurer en gros caractères le 11 mars 2019 en tant que date de la maladie.



En conséquence et bien que le rapport d'enquête, consulté par la société, fasse mention d'un arrêt de travail à compter du 7 janvier 2019 au titre de l'assurance maladie, il n'est pas établi par la caisse qu'elle ait sollicité l'employeur ou même attiré son attention sur un éventuel changement de la date de prise en charge de la maladie professionnelle.



Cette modification n'a donc été révélée de manière certaine à l'employeur que dans la notification de prise en charge de la maladie professionnelle, soit postérieurement à la procédure d'instruction du dossier et de manière non-contradictoire.



Il s'ensuit qu'il y a lieu de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée par Mme [E].

Le jugement est confirmé.



- sur les dépens



Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.



PAR CES MOTIFS



LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,



CONFIRME le jugement,



DIT inopposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée le 11 mars 2019 par Mme [E],



CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale aux dépens de l'instance.





Le Greffier, Le Président,

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