23 November 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-80.950

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR01442

Titres et sommaires

SAISIES - Scellés - Destruction - Appel - Moyen critiquant le fondement de la saisie - Irrecevabilité

Est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l'appel contre une mesure de destruction de biens saisis prise en application de l'article 41-5 du code de procédure pénale, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite


SAISIES - Scellés - Destruction - Appel - Chambre de l'instruction - Pouvoirs des juges

La contestation prévue au quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale ayant la nature et les effets de l'appel, la chambre de l'instruction peut substituer ses motifs à ceux de la décision du procureur de la République prise en application de ce texte


SAISIES - Scellés - Destruction - Objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles - Cas - Armes

La loi qualifie les armes de dangereuses au travers des dispositions de l'article 132-75, alinéa 1er, du code pénal et de celles de l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure

Texte de la décision

N° U 22-80.950 F-B

N° 01442


RB5
23 NOVEMBRE 2022


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 NOVEMBRE 2022



M. [G] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 12 janvier 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de menace de mort et infraction à la législation sur les armes, a confirmé la décision de destruction du bien saisi prise par le procureur de la République

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [F], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d'une procédure d'enquête diligentée du chef de menaces de mort, les enquêteurs ont effectué le 17 mai 2021 une perquisition au domicile de M. [G] [F] au cours de laquelle ils ont procédé à la saisie de trois fusils, armes de catégorie C, dont les investigations ont révélé que le demandeur les détenait sans déclaration.

3. Le 14 juin 2021, le procureur de la République a ordonné la destruction des armes saisies. Cette décision a été notifiée oralement par procès-verbal le lendemain à M. [F] qui en a interjeté appel le 18 juin suivant.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche


4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021 après avoir refusé de prononcer la nullité de la saisie des biens placés sous scellés, alors :

« 1°/ que la saisie de fusils de chasse opérée au cours d'une procédure distincte, initialement suivie du chef de menace de mort avec ordre de remplir une condition, est nulle dès lors que la personne gardée à vue a fait l'objet d'une nouvelle procédure en détention illégale d'arme de catégorie C sans que le procureur de la République n'ait été immédiatement informé de la découverte de faits autres que ceux à l'origine de la mesure de garde à vue précédemment ordonnée ; que la personne intéressée n'a pu bénéficier des droits et garanties octroyés par les articles 65, 61-1, 63.3-1, 63-4-3 du code de procédure pénale relativement à ces faits nouveaux, consistant notamment à être avertie de son droit à être assisté d'un avocat et à s'entretenir avec lui, en violation des textes susvisés et du droit de la défense entrainant la nullité de cet acte ainsi que des actes subséquents qui en découlent ;

2°/ qu'en outre, la saisie opérée dans ces conditions requiert l'assentiment de l'intéressé et la rédaction d'un procès-verbal de saisine distinct ; que M. [F] faisait valoir que lors de la découverte des fusils de chasse à son domicile, les enquêteurs n'avaient aucun élément leur permettant de déterminer l'illicéité de la détention de ces armes de chasse qui n'avait pas de rapport avec les faits poursuivis par ailleurs, et qu'ils devaient donc se conformer aux règles de la saisie incidente prévue par les articles 56 et 76 du code de procédure pénale ; qu'en considérant de façon tout à fait hypothétique et dubitative que la saisie s'avérait utile à la manifestation de la vérité, ces armes étant « de façon vraisemblable » liées aux menaces de mort objets de la poursuite pour considérer la saisie justifiée par référence à la procédure initiale sans justifier du lien existant entre la détention de fusils de chasse et les menaces de mort, la Chambre de l'instruction a ainsi méconnu les textes et principes susvisés. »

Réponse de la Cour

6. Est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l'appel contre une mesure de destruction de biens saisis, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite.

Sur le second moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021, alors :

« 1°/ que la décision du procureur de la République d'ordonner la destruction des biens meubles saisis doit aux termes de l'article 41-5 dernier alinéa du code de procédure pénale être motivée ; que l'arrêt attaqué qui constate l'absence de motivation de la décision au demeurant purement orale du procureur de la République de Bastia autorisant la destruction des scellés, ne permettant pas ainsi à M. [F] d'en connaître les raisons exactes, ni de pouvoir exercer son recours en toute connaissance de cause, devait annuler cette décision irrégulière sans pouvoir y substituer sa propre motivation dans le cadre de la « contestation » de cette décision élevée par M. [F], la Chambre de l'instruction étant saisie d'un recours direct et non par l'effet dévolutif d'un appel d'une décision juridictionnelle ; que la Chambre de l'instruction n'a donc pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 41-5 du code de procédure pénale et a excédé ses pouvoirs ;

3°/ que l'arrêt ne pouvait davantage se borner à affirmer que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, et qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par la loi qui les catégorise en fonction de leur « dangerosité », alors même qu'elle constatait que les armes saisies au domicile de M. [F] sont de la catégorie C, laquelle n'est pas soumise à autorisation mais à une simple déclaration ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces points, la Chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs et violé les articles 41-5 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que M. [F] non seulement s'opposait à la destruction, mais sollicitait la remise des armes en cause, et soulignait qu'il avait hérité ces fusils de son père, qu'il ne s'en servait pas, mais qu'ils avaient pour lui une valeur sentimentale ; cette demande et cette argumentation impliquaient nécessairement que le juge du fond, avant d'ordonner une destruction privant définitivement l'intéressé de ses droits, examine la décision de destruction au regard du principe de proportionnalité ; le critère légal de dangerosité d'un bien ne pouvant suffire à lui seul à en justifier la destruction sans aucun examen de l'opportunité de préserver les droits du propriétaire sur ce bien ; en se fondant exclusivement sur la dangerosité des fusils, et sur le fait qu'actuellement ils n'étaient pas régulièrement détenus, ce que M. [F] s'engageait à régulariser en les déclarant officiellement, sans réellement se prononcer au regard du principe de proportionnalité, la Chambre de l'instruction a violé le premier protocole additionnel à la Convention européenne, et l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

8. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève qu'en raison de l'effet dévolutif du recours, il convient d'examiner le bien-fondé de la décision contestée et de statuer, au besoin par motifs propres, sur la nécessité de cette mesure en substituant aux motifs éventuellement insuffisants des motifs répondant aux exigences légales.

9. En prononçant ainsi, et dès lors que la contestation prévue au quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale a la nature et les effets de l'appel, la chambre de l'instruction, qui pouvait substituer ses motifs à ceux du procureur de la République, a justifié sa décision.

10. Le grief ne peut être accueilli.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

11. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève, après avoir rappelé les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale, que le requérant ne conteste pas que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure qui prévoit un classement des armes en fonction de leur dangerosité par catégories en vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, et qu'en l'espèce, il est établi, d'une part, que les armes saisies au domicile de M. [F] relèvent de la catégorie C qui est strictement encadrée, d'autre part, que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues pour leur détention et qu'il ne les remplit toujours pas.

12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

13. En effet, d'une part, dès lors que la manifestation de la vérité ne se réduit pas à la seule caractérisation des infractions mais s'étend aux circonstances de leur commission susceptibles d'avoir une influence sur l'appréciation de la gravité des faits, les motifs relatant les circonstances dans lesquelles les armes ont été saisies au cours d'une perquisition au domicile de M. [F], auquel il n'est pas reproché d'en avoir fait usage, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les conditions de leur détention sont sans incidence sur la gravité des faits.

14. D'autre part, la loi, au travers des dispositions de l'article 132-75, alinéa 1er, du code pénal et de celles de l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure, qualifie les armes de dangereuses.

15. Enfin, est inopérant le grief qui, dans le cadre du contentieux relatif à une mesure de destruction d'un bien qualifié par la loi de dangereux ou nuisible, ou dont la détention est illicite, ordonnée sur le fondement de l'article 41-5 du code de procédure pénale, invoque une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

16. Il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté.

17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

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