23 November 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.059

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01293

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Formalités légales - Mentions obligatoires - Défaut - Effets - Requalification en contrat à durée indéterminée - Demande - Action en justice - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination - Cas - Contrat à durée déterminée conclu pour remplacement d'un salarié - Absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé - Portée

Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée conclu afin d'assurer le remplacement d'un salarié absent en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé, court à compter de la conclusion du contrat. Doit être cassé l'arrêt qui retient que le point de départ de l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée de remplacement en contrat à durée indéterminée fondée sur le défaut de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé doit être fixé au terme du contrat alors qu'il résultait de ses constatations qu'un délai de plus de deux ans s'était écoulé entre la signature du contrat et de son avenant et la saisine de la juridiction prud'homale

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2022




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 1293 FS-B

Pourvoi n° D 21-13.059

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 septembre 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

La société Difral, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-13.059 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [W] [C], domicilié chez Mme [F] [C], [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Difral, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [C], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 janvier 2021), M. [C] a été engagé le 16 décembre 2013 par la société Difral par contrat de travail à durée déterminée d'une durée de trois mois pour assurer le remplacement d'un salarié absent en arrêt-maladie. Le contrat a été prolongé par avenant du 14 mars 2014, pour la durée de la maladie du salarié remplacé.

2. Le 22 décembre 2015, l'employeur a informé le salarié de la fin du contrat de travail au motif que le salarié remplacé avait fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude.

3. Le 2 juin 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de demander la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, que la rupture du contrat de travail soit considérée comme un licenciement irrégulier et que lui soient allouées des sommes en conséquence.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dire que le licenciement devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de sommes en suite d'une requalification et d'une rupture illicite ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, alors :

« 1° / qu'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a préalablement constaté que, soutenant que le contrat à durée déterminée ne comportait aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, M. [C] avait saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016 ; que, pour accueillir la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a, par suite, relevé que le contrat à durée déterminée du 16 décembre 2013 stipule que M. [C] est engagé en qualité de chauffeur, pour une durée de trois mois en raison d'un arrêt de maladie du chauffeur de la société, tandis que l'avenant du 14 mars 2014 mentionne la prolongation du contrat pour remplacement d'un chauffeur en arrêt de maladie pour la durée de la maladie du chauffeur et que ni le contrat du 16 décembre 2013 ni l'avenant du 14 mars 2014 ne comportent le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée ; qu'après avoir énoncé qu'à défaut de comporter le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu en remplacement d'un autre salarié, le contrat de travail à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée et que l'exigence de la mention du nom et de la qualification du salarié remplacé dans le contrat est liée à l'exigence de précision quant à la définition du motif de recours au contrat à durée déterminée, la cour d'appel a considéré que le défaut de mention de l'identité et de la qualification du salarié absent empêche de vérifier que l'embauche du salarié par le biais d'un contrat à durée déterminée n'a pas d'autre motif que le remplacement du salarié absent ; qu'elle en a conclu que l'action de M. [C] conteste la validité du motif de recours, que le salarié n'était pas nécessairement en mesure d'apprécier ses droits à la date de conclusion du contrat de sorte que le délai de prescription n'a couru qu'à compter du terme du dernier contrat, c'est-à-dire à compter du 22 décembre 2015, et que, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016, son action n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que, dès lors que l'action en requalification se fonde sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner la requalification, telle l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé lorsque le contrat à durée déterminée est conclu en raison de ce remplacement, le délai de prescription de cette action court à compter de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-12, L. 1245-1 et L. 1471-1 du code du travail, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

2°/ que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à celle de la rupture de ce contrat entraînera la cassation du chef de dispositif relatif à la condamnation de la société au paiement de diverses indemnités. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article L. 1242-12, 1°du code du travail et l'article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat.

6. Pour requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dire que le licenciement devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner l'employeur au paiement de sommes en suite d'une requalification et d'une rupture illicite, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait été engagé par contrat à durée déterminée, prolongé par un avenant, afin de remplacer un salarié absent sans que ne soient mentionnés le nom et la qualification professionnelle du salarié remplacé, retient que cette absence de mention ne permet pas au salarié de vérifier que le contrat ne repose pas sur un autre motif, qu'en définitive, le salarié conteste la validité du motif du recours au contrat. L'arrêt ajoute que le salarié n'étant pas en mesure d'apprécier ses droits à la date de la conclusion du contrat, le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du terme du dernier contrat. Constatant qu'il s'est écoulé moins de deux ans entre le terme du contrat et la saisine de la juridiction, il en déduit que l'action en requalification n'est pas prescrite.

7. En statuant ainsi, alors que le salarié demandait la requalification du contrat à durée déterminée en invoquant une absence de mentions du contrat à durée déterminée, ce dont il résultait que son action, introduite plus de deux ans à compter de la date de conclusion du contrat, comme de l'avenant, était prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [C] de sa demande en paiement de sommes en raison du non respect de la procédure, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Difral

La société DIFRAL fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié le contrat de travail à durée déterminée conclu avec M. [C] en contrat à durée indéterminée, d'AVOIR dit que la rupture de la relation contractuelle devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société DIFRAL à payer à M. [C] des sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et les congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement et une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel ;

ALORS, en premier lieu, QU'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a préalablement constaté que, soutenant que le contrat à durée déterminée ne comportait aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, M. [C] avait saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016 ; que, pour accueillir la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a, par suite, relevé que le contrat à durée déterminée du 16 décembre 2013 stipule que M. [C] est engagé en qualité de chauffeur, pour une durée de trois mois en raison d'un arrêt de maladie du chauffeur de la société, tandis que l'avenant du 14 mars 2014 mentionne la prolongation du contrat pour remplacement d'un chauffeur en arrêt de maladie pour la durée de la maladie du chauffeur et que ni le contrat du 16 décembre 2013 ni l'avenant du 14 mars 2014 ne comportent le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée ; qu'après avoir énoncé qu'à défaut de comporter le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu en remplacement d'un autre salarié, le contrat de travail à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée et que l'exigence de la mention du nom et de la qualification du salarié remplacé dans le contrat est liée à l'exigence de précision quant à la définition du motif de recours au contrat à durée déterminée, la cour d'appel a considéré que le défaut de mention de l'identité et de la qualification du salarié absent empêche de vérifier que l'embauche du salarié par le biais d'un contrat à durée déterminée n'a pas d'autre motif que le remplacement du salarié absent ; qu'elle en a conclu que l'action de M. [C] conteste la validité du motif de recours, que le salarié n'était pas nécessairement en mesure d'apprécier ses droits à la date de conclusion du contrat de sorte que le délai de prescription n'a couru qu'à compter du terme du dernier contrat, c'est-à-dire à compter du 22 décembre 2015, et que, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016, son action n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que, dès lors que l'action en requalification se fonde sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner la requalification, telle l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé lorsque le contrat à durée déterminée est conclu en raison de ce remplacement, le délai de prescription de cette action court à compter de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-12, L. 1245-1 et L. 1471-1 du code du travail, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

ALORS, en second lieu, QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à celle de la rupture de ce contrat entraînera la cassation du chef de dispositif relatif à la condamnation de la société au paiement de diverses indemnités.

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