23 November 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.613

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00681

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Organes - Liquidateur - Responsabilité - Faute personnelle du liquidateur - Omission de demander le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - Opérations postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire - Condition

Aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon l'article 271 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération, et la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit (CJCE, arrêt du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03), d'une part, que selon les termes de l'article 4, § 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil du 10 avril 1995, la notion d'assujetti est définie en relation avec celle d'activité économique et que c'est l'existence d'une telle activité qui justifie la qualification d'assujetti qui se voit reconnaître, par la sixième directive, le droit à déduction. Elle a dit pour droit, d'autre part, que les coûts des opérations réalisées par une société assujettie pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérés comme inhérents à l'activité économique, de sorte que le droit à déduction doit lui être reconnu si ces opérations présentent un lien direct et immédiat avec l'activité, pour autant que sa mise en oeuvre ne donne pas lieu à des situations frauduleuses ou abusives. Viole, en conséquence, les textes susvisés, la cour d'appel qui retient que le liquidateur d'une société mise en liquidation judiciaire n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité personnelle en omettant de demander le remboursement d'un crédit de TVA afférent à des opérations postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, aux motifs que la société avait perdu sa qualité d'assujettie au jour de ce jugement, alors que cette société n'avait pas perdu cette qualité du seul fait de sa cessation d'activité et qu'elle pouvait déduire la TVA grevant les dépenses engagées pour mettre fin à son exploitation après ce jugement, en obtenant, à la demande de son liquidateur, le remboursement du crédit de TVA ainsi généré, pour autant qu'il existait un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale ou qu'ils aient été exposés pour mettre fin à l'exploitation et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive était établie

IMPOTS ET TAXES - Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - Activité - Assujettissement - Perte de la qualité d'assujetti - Cessation d'activité (non)

UNION EUROPEENNE - Fiscalité - Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - Droit à déduction - Conditions - Lien direct avec l'activité

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2022




Cassation


Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 681 F-B

Pourvoi n° F 21-13.613




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022

1°/ La société Laugier Saint-Germain, société civile immobilière,

2°/ la société Nevile Foster Delaunay Belleville (NFDB), société anonyme,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], et représentées par leur liquidateur amiable M. [S] [K],

ont formé le pourvoi n° F 21-13.613 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [Z] [V], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société [V] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés Laugier Saint-Germain et Nevile Foster Delaunay Belleville, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V] et de la société [V] Yang-Ting, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Riffaud, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), la société Nevile Foster Delaunay Belleville (la société NFDB), exerçant l'activité de marchande de biens immobiliers, a été mise en redressement judiciaire le 4 mai 2004, puis en liquidation judiciaire le 10 mai 2005. La procédure a été étendue à sa filiale la SCI Laugier Saint-Germain (la société Laugier). La société [V] Yang-Ting, en la personne de Mme [V], a été successivement désignée mandataire judiciaire puis liquidateur.

2. La clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif a été prononcée le 21 janvier 2015. Le compte rendu de fin de mission du liquidateur a été déposé et notifié aux sociétés NFDB et Laugier le 3 mars 2015.

3. Le 6 octobre 2015, les sociétés NFDB et Laugier ont désigné M. [K], en qualité de liquidateur amiable, lequel a demandé à l'administration fiscale, le 26 janvier 2016, un remboursement de crédit de TVA pour le compte de la société NFDB afférent aux dépenses engagées après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire pendant la période 2006-2012. La demande a été déclarée irrecevable par l'administration fiscale pour cause de prescription le 8 juillet suivant.

4. Considérant que le liquidateur judiciaire avait commis une faute engageant sa responsabilité personnelle en omettant d'entreprendre les formalités permettant d'obtenir le remboursement du crédit de TVA, les sociétés NFDB et Laugier l'ont assigné en paiement de dommages et intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Laugier et la société NFDB font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors : « que la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit (CJCE, 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03) que les opérations réalisées par une société pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérées comme faisant partie de l'activité économique, dès lors qu'existe un lien entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, le système commun de TVA garantissant la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités ; qu'il s'ensuit qu'afin de respecter le principe de neutralité du système de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 271 du code général des impôts doivent être interprétées de manière à ce qu'il ne soit pas procédé, pour l'exercice du droit à déduction, à une distinction arbitraire entre les dépenses effectuées par une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci, celles exposées au cours de cette exploitation et celles engagées pour mettre fin à cette exploitation ou à sa liquidation, de sorte que les dépenses relevant de la troisième catégorie, dès lors qu'elles sont en lien direct avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de l'entreprise et permettent l'exercice du droit à déduction ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Mme [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité "d'assujettie" au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que les dépenses en amont de la société NFDB soumises à TVA pendant les opérations de liquidation étaient sans lien avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la cour d'appel a violé l'article 271 du code général des impôts, ensemble le principe de neutralité du système de TVA consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne et l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société [V] Yang-Ting et Mme [V] contestent la recevabilité du moyen en soutenant que celui-ci, qui part du postulat qu'il aurait existé un lien direct et immédiat entre les paiements litigieux et l'activité antérieure de la société NFDB, introduit devant la Cour de cassation une discussion purement factuelle qui aurait dû être étayée en cause d'appel, et est nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant la cour d'appel ayant déjà été saisie du moyen dont la recevabilité est contestée, celui-ci n'est pas nouveau.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article 271 du code général des impôts :

9. Aux termes du premier texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération, et la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat.

10. La Cour de justice de la communauté européenne a dit pour droit (CJCE, 3 mars 2005, I/S Fini H, C-32/03), d'une part, que selon les termes de l'article 4, paragraphe 1, de la sixième directive, la notion d'assujetti est définie en relation avec celle d'activité économique et que c'est l'existence d'une telle activité qui justifie la qualification d'assujetti qui se voit reconnaître, par la sixième directive, le droit à déduction. Elle a dit pour droit, d'autre part, que les coûts des opérations réalisées par une société assujettie pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérés comme inhérents à l'activité économique, de sorte que le droit à déduction doit lui être reconnu si ces opérations présentent un lien direct et immédiat avec l'activité, pour autant que sa mise en oeuvre ne donne pas lieu à des situations frauduleuses ou abusives, et que toute autre interprétation reviendrait à procéder à une distinction arbitraire entre, d'un côté, les dépenses effectuées pour les besoins d'une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci et celles réalisées au cours de ladite exploitation, et, de l'autre, les dépenses effectuées pour mettre fin à cette exploitation.

11. L'administration fiscale considère ainsi qu'une entreprise qui a cessé son activité commerciale mais qui continue de supporter des dépenses afférentes à cette activité est considérée comme un assujetti et peut déduire la TVA sur les montants acquittés, pour autant qu'il existe un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive est établie et qu'il en est ainsi notamment de la TVA ayant grevé les honoraires des mandataires liquidateurs (BOI-TVA-DED-50-20-20).

12. Pour retenir que le liquidateur n'avait commis aucune faute, l'arrêt retient que la perte de la qualité de redevable ouvrant droit au remboursement d'un crédit de TVA résulte de l'impossibilité pour l'assujetti de récupérer, par voie d'imputation sur les taxes dont il est redevable, le crédit dont il disposait, qu'un assujetti, quelle que soit l'activité qu'il a exercée, doit être regardé comme ayant perdu la qualité de redevable lorsqu'il n'est plus en mesure de réaliser aucune opération donnant lieu à collecte de TVA, et que tel est le cas lorsque non seulement l'assujetti ne peut plus effectuer aucune des opérations qui constituaient son activité normale, soit qu'il ait cédé l'ensemble des marchandises qu'il avait pour objet de vendre, soit qu'il ait cessé totalement d'effectuer les prestations de services qu'il avait pour objet de rendre, mais également ne dispose plus de biens, stocks ou éléments d'actif immobilisé, dont la cession est soumise à la perception de TVA. Ayant relevé qu'en l'espèce, il était constant et non contesté que le jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité, l'arrêt retient ensuite que cette société, représentée par Mme [V], ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts au sein du port de [Localité 3], ce qui constituait son activité antérieure, étant observé que le bail qui la liait au Port Autonome de [Localité 4] avait été résilié le 30 août 2000, et que le liquidateur établit, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation, que la société NFDB n'a, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession était soumise à la TVA. Il en déduit que la société NFDB a perdu sa qualité d'assujettie au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvant plus être récupérée par la société NFDB, le liquidateur n'avait commis aucune faute en ne demandant pas le remboursement d'un crédit de TVA afférent aux opérations postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.

13. En statuant ainsi, alors que la société NFDB n'avait pas perdu sa qualité d'assujettie du seul fait de sa cessation d'activité, et qu'elle pouvait déduire la TVA grevant les dépenses engagées pour mettre fin à son exploitation après le jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, en obtenant, à la demande de son liquidateur, le remboursement du crédit de TVA ainsi généré, pour autant qu'il existait un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale ou qu'ils aient été exposés pour mettre fin à l'exploitation et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive était établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société [V] Yang-Ting et Mme [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [V] Yang-Ting et Mme [V] et les condamne à payer à la société Nevile Foster Delaunay Belleville et à la société Laugier Saint-Germain la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour les sociétés Laugier Saint-Germain et Nevile Foster Delaunay Belleville.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué,

DE LES AVOIR déboutées de l'ensemble de leurs demandes ;

1°) ALORS QUE la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit (CJCE, 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03) que les opérations réalisées par une société pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérées comme faisant partie de l'activité économique (pt. 24), dès lors qu'existe un lien entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction (pt. 26), le système commun de TVA garantissant la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités (pt. 25) ; qu'il s'ensuit qu'afin de respecter le principe de neutralité du système de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 271 du code général des impôts doivent être interprétées de manière à ce qu'il ne soit pas procédé, pour l'exercice du droit à déduction, à une distinction arbitraire entre les dépenses effectuées par une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci, celles exposées au cours de cette exploitation et celles engagées pour mettre fin à cette exploitation ou à sa liquidation, de sorte que les dépenses relevant de la troisième catégorie, dès lors qu'elles sont en lien direct avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de l'entreprise et permettent l'exercice du droit à déduction ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Me [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité « d'assujettie » au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que les dépenses en amont de la société NFDB soumises à TVA pendant les opérations de liquidation étaient sans lien avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la cour d'appel a violé l'article 271 du code général des impôts, ensemble le principe de neutralité du système de TVA consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne et l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

2°) ALORS QUE, dans leurs conclusions d'appel (p. 15 s.), la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE, 22 février 2001, Abbey National, aff. C-408/98, CJCE 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03 ; CJUE, 22 octobre 2015, Sveda, aff. C 126/14), ainsi que celle issue des juridictions administratives d'appel (Versailles, 19 juin 2012, n° 10VE00294 ; Paris, 11 décembre 2012 n° 11PA04376), d'où il résulte, notamment, qu'en application du système de neutralité du système de TVA, la société en liquidation conserve son droit à déduction de la TVA acquittée pendant le cours des opérations de cessation de son activé, de tels frais (opérations en amont) étant en lien avec les opérations qu'elles a menées pendant son activité (opérations en aval) ; qu'elle ont ensuite fait valoir que « les dépenses engagées par Me [V] étaient liées aux procédures judiciaires opposant la société NFDB au Port autonome et à ses sous-locataires et destinées à mettre fin à l'activité de location de la société et à restituer les locaux libres de toute occupation » et qu' « elles participaient des frais généraux de la société » (concl., p. 19), comme, ainsi que cela ressortait du compte analytique produit par le liquidateur lui-même, les factures réglées en 2012 au Port autonome de [Localité 4], les « encaissements de recouvrement de créances liés à l'activité antérieure de la société », les frais afférents aux cessions d'actifs et de toutes autres factures relatives à des frais généraux et mentionnant la TVA (concl., p. 20) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions établissant que la société NFDB pouvait récupérer la TVA acquittée par elle pendant le cours des opérations de liquidation, puisque découlant de dépenses effectuées pour liquider son exploitation, et ouvrant droit à déduction, dès lors qu'elles étaient en lien direct avec ladite exploitation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le Conseil d'Etat a dit pour droit (CE, 30 décembre 2011, n° 323188) qu'un assujetti, quelle que soit l'activité qu'il a exercée, doit être regardé comme ayant perdu la qualité de redevable lorsqu'il n'est plus en mesure de réaliser aucune opération donnant lieu à collecte de TVA et que tel est le cas lorsque non seulement l'assujetti ne peut plus effectuer aucune des opérations qui constituaient son activité normale, soit qu'il a cédé l'ensemble des marchandises qu'il avait pour objet de vendre, soit qu'il a cessé totalement d'effectuer les prestations de services qu'il avait pour objet de rendre, mais également ne dispose plus de biens, stocks ou éléments d'actif immobilisé, dont la cession est soumise à la perception de TVA ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que la perte de la qualité d'assujettie à la TVA ne découle pas d'un acte juridique en lui-même, tel un placement en liquidation judiciaire, mais de la réalité de la cessation d'activités permettant de déduire la TVA, même postérieurement au jugement de mise en liquidation, que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Me [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité d'assujettie au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en retenant ainsi que la société NFDB avait, du fait de sa liquidation judiciaire, perdu sa qualité « d'assujettie », qualité qu'elle conservait nécessairement, nonobstant la perte, à la supposer avérée, de sa qualité de redevable, la cour d'appel a encore violé les articles 271, IV, du code général des impôts, 242-0 A de l'annexe II au même code, 242-0 C et 242-0 G de la même annexe, et R. 196-1 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué,

DE LES AVOIR déboutées de l'ensemble de leurs demandes ;

1°) ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué (concl., p. 9-10) la faute commise par le liquidateur judiciaire qui a différé, sans raison valable, les opérations de clôture de la liquidation jusqu'au mois de novembre 2014 alors même qu'elle avait procédé au début de l'année 2012 à la vente du dernier immeuble appartenant au débiteur, qu'elle avait établi le 20 juin 2012 sa requête de taxation – tout en ne la déposant sans justification que le 27 juin 2013 -, qu'elle avait été la destinataire de nombreuses demandes tendant à ce que la liquidation soit clôturée, attendant ainsi encore 17 mois après le dépôt de sa requête en taxation pour déposer, le 17 novembre 2014, une requête aux fins de clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif ; qu'en écartant la responsabilité civile professionnelle du liquidateur, sans se prononcer sur cette faute, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué (concl., p. 10) la faute commise par le liquidateur judiciaire déduite de ce qu'elle avait soumis, le 17 novembre 2014, au tribunal une demande erronée inutile et coûteuse de désignation d'un liquidateur amiable, contraignant leur ancien dirigeant à interjeter appel et à obtenir une décision judiciaire conforme aux dispositions de l'article 1844-8 du code civil, ce qui a eu pour effet de retarder encore les opérations de liquidation d'un an jusqu'à l'arrêt du 15 septembre 2015 ; qu'en écartant la responsabilité civile professionnelle du liquidateur, sans se prononcer sur cette faute, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué,

DE LES AVOIR déboutées de leur demande d'expertise ;

1°) ALORS QUE les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible ; que, pour débouter la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain de leur demande d'expertise, la cour d'appel, par adoption des motifs du premier juge, a énoncé que le liquidateur judiciaire a « communiqué le compte-rendu de fin de mission qu'elle a déposé à l'issue de la procédure de liquidation litigieuse en application de l'article R. 626-39 du code de commerce, mentionnant précisément la manière dont les fonds ont été distribués, sans que la réalité de cette distribution ne soit discutée », que « le fait que ladite répartition ne soit pas conforme à ce que le liquidateur avait annoncé en cours de procédure est indifférent », et, enfin, que « le trop-versé allégué en faveur d'un des créanciers, le Port autonome de [Localité 4], ne repose que sur les propres affirmations des sociétés demanderesses, à elles seules insuffisamment probantes, d'autant qu'aucune observation n'a été émise à ce sujet - ou un autre - à l'encontre du compte-rendu de fin de mission dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 626-39 précité du code de commerce » ; qu'en conditionnant ainsi l'expertise demandée à la formulation d'observations sur le compte rendu de fin de mission du liquidateur, dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 626-39 du code de commerce, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 143 du code de procédure civile une condition qu'il ne comporte pas, l'a nécessairement violé ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, auquel cas il lui appartient d'ordonner toute production ou mesure d'instruction nécessaires pour trancher l'entier litige ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par adoption des motifs du premier juge, pour débouter la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain de leur demande d'expertise, cependant qu'il lui appartenait, si elle s'estimait insuffisamment éclairée par les éléments rapportés par ces dernières pour établir la responsabilité civile professionnelle du liquidateur judiciaire, d'ordonner une mesure d'expertise propre à lui permettre de trancher le litige, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.

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