17 November 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/03895

Pôle 5 - Chambre 5

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022



SUR RENVOI APRES CASSATION



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03895 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDGC6



Sur arrêt de renvoi de la Cour de cassation en date du 05 novembre 2020 (pourvoi n°U-18-24.239) prononçant la cassation partielle de l'arrêt rendu le 02 juillet 2018 par pôle 5 chambre 10 de la cour d'appel de Paris (RG n°15/14868) sur appel du jugement en date du 05 Novembre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Paris (RG n°J2014000589).





DEMANDERESSE À LA SAISINE



SAS JULHES PARIS

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 7]

SIRET n° : 410 620 312



Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09, avocat postulant

Ayant pour avocat plaidant MeDelphine DAVID-GODIGNON, Avocate à la Cour





DÉFENDERESSES À LA SAISINE



SARL ADHOME

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 7]

SIRET n° 520 835 539



SA EUROMAF

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 8]

SIRET n°429 599 509



Représentées par Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX de l'AARPI COSTER BAZELAIRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0244 substitué par Me Anne TEURLAIS de l'AARPI COSTER BAZELAIRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

















COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5-5, et Madame Christine SOUDRY, Conseillère.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente du Pôle 5 chambre 5

Madame Nathalie RENARD, Présidente

Madame Christine SOUDRY, Conseillère



qui en ont délibéré,



un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Annick PRIGENT,Présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL



ARRET :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Yulia TREFILOVA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





********



Faits et procédure :



La société Julhes Paris est spécialisée dans le commerce de bouche et exploite des fonds de commerce dans des locaux situés [Adresse 3].



Par contrats des 10 mars et 15 avril 2010, la société Jules Paris a confié à la société Adhome une mission d'architecte d'intérieur en vue de la restauration de façades et de l'agencement de divers locaux situés [Adresse 3].



La société Julhes Paris a invoqué de nombreuses défaillances dans l'exécution de sa mission par la société Adhome et a refusé de régler certaines factures.



Par acte d'huissier de justice en date du 22 novembre 2012, la société Adhome a fait assigner en paiement la société Julhes Paris devant le tribunal de commerce de Paris.



La société Julhes Paris, reprochant à son cocontractant divers manquements, a demandé reconventionnellement l'indemnisation de son préjudice et a appelé en garantie l'assureur de la société Adhome, la société Euromaf.



Par jugement du 27 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la SAS Julhes Paris de sa demande d'instruction avant dire droit ;

- Condamné la SAS Julhes Paris à payer à la SARL Adhome la somme de 12.609,76 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2012 ;

- Débouté la SARL Adhome de sa demande de dommages et intérêts ;

- Débouté la SAS Jules Paris de l'appel en garantie, à son profit, de la société Euromaf ;

- Condamné la SAS Julhes Paris à verser à chacune des sociétés Adhome et Euromaf la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la SARL Adhome du surplus de sa demande formée de ce chef ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement, sans constitution de garantie ;

- Condamné la SAS Julhes Paris aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros, dont 17,42 euros de TVA.




Par déclaration du 09 juillet 2015, la société Jules Paris a relevé appel de ce jugement.



Par arrêt du 02 juillet 2018, la cour d'appel de Paris a :

- Confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 27 mai 2015 en toute ses dispositions ;

- Y ajoutant,

- Débouté la société Juhles Paris de ses demandes de dommages et intérêts ;

- Débouté les sociétés Adhome et Juhles Paris de leur demande de résiliation et/ou résolution du contrat ;

- Condamné la société Adhome à retirer les photographies montrant les établissements de la société Juhles Paris sur son site internet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant le prononcé du présent arrêt ;

- Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.



La société Julhes Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris du 02 juillet 2018.



Par arrêt du 05 novembre 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et partiellement annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris du 02 juillet 2018, seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de la prise en charge des frais d'architecte aux fins de réalisation de la façade aux motifs que :

" Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil :

Il résulte de ce texte que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.



Pour rejeter la demande de la société Juhles Paris, l'arrêt retient que le litige relatif à l'absence de déclaration préalable et ses conséquences a été définitivement tranché par l'arrêt rendu le 18 novembre 2016, qui a retenu que la société Adhome avait manqué à ses obligations contractuelles et à son devoir d'information et de conseil et était responsable du préjudice subi par la société Juhles Paris, laquelle avait dû s'acquitter auprès de la société Cemad, menuisier, du coût des façades dont elle n'avait plus l'utilité.



En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la demande visant à obtenir le remboursement des frais d'architecte exposés pour la réalisation de la nouvelle façade n'avait pas le même objet que la demande tendant à la prise en charge du coût des travaux de menuiserie, la cour d'appel a violé le texte susvisé."







Par déclaration du 19 février 2021, la société Jhules Paris a saisi la cour d'appel de Paris, cour d'appel de renvoi.



Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24 mai 2022, la société Julhes Paris demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les pièces versées au débat ;

- Déclarer la société Julhes Paris recevable et bien fondée en son appel ;

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Débouter les sociétés Adhome et Euromaf de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Julhes Paris ;



Statuant à nouveau,



A titre principal,

- Constater les manquements de la société Adhome à ses obligations contractuelles ;

En conséquence,

- Condamner solidairement les sociétés Adhome et Euromaf au paiement de la somme de 40.000 euros HT soit 48.000 euros TTC en principal ;

- Condamner solidairement les sociétés Adhome et Euromaf au paiement de la somme de 4.316,52 euros au titre des frais et dépens ;

A titre subsidiaire,

- Constater les manquements de la société Adhome à son obligation d'information et de conseil ;



En conséquence,

- Condamner solidairement les sociétés Adhome et Euromaf au paiement de la somme de 40.000 euros HT soit 48.000 euros TTC en principal ;

- Condamner solidairement les sociétés Adhome et Euromaf au paiement de la somme de 4.316,52 euros au titre des frais et dépens ;

En tout état de cause,

- Condamner solidairement les sociétés Adhome et Euromaf au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.



Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 27 mai 2022, les sociétés Adhome et Euromaf demandent à la cour de :

Vu les articles 122 du code de procédure civile ;

1230 et 1303 et 1355 du code civil ;

Vu l'article L.113-9 du code des assurances ;

- Déclarer la société Julhes Paris irrecevable en ses demandes formées contre Ad Home et Euromaf et les rejeter ;

- Confirmer le jugement du 27 mai 2015 en ce qu'il a débouté la société Julhes Paris de ses demandes de dommages et intérêts formées contre la société Adhome et la MAF ;

En conséquence :

- Débouter la société Julhes Paris de ses demandes formées à l'endroit des sociétés Adhome et Euromaf et l'en débouter intégralement ;

- Subsidiairement, dire que les termes et limites de la police souscrite auprès d'Euromaf par Ad Home s'appliqueront à hauteur de 36 %, dire et juger la franchise opposable pour toute condamnation prononcée sur un fondement autre que décennal ;

- Condamner la société Julhes Paris aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Jean de Bazelaire de Lesseux, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Julhes Paris à verser la somme de 15.000 euros à la société Euromaf au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 02 juin 2022.



La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIFS



Sur les limites de la cassation



Par arrêt du 05 novembre 2018, la Cour de cassation a cassé et partiellement annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris du 02 juillet 2018, seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de la prise en charge des frais d'architecte aux fins de réalisation de la façade.



Pour rejeter la demande de la société Juhles Paris, l'arrêt a relevé que le litige relatif à l'absence de déclaration préalable et ses conséquences a été définitivement tranché par l'arrêt rendu le 18 novembre 2016, qui a retenu que la société Adhome avait manqué à ses obligations contractuelles et à son devoir d'information et de conseil et était responsable du préjudice subi par la société Juhles Paris, laquelle avait dû s'acquitter auprès de la société Cemad, menuisier, du coût des façades dont elle n'avait plus l'utilité.



Dans la mesure où la cassation ne porte que sur la demande relative aux frais d'architecte exposés pour la réalisation de la façade, la cour d'appel n'est saisie que de cette seule demande.



Il ne sera pas statué sur la demande de la société Julhes Paris tendant à constater les manquements de la société Adhome à ses obligations contractuelles.



Sur la demande de la société Julhes Paris au titre du préjudice subi du fait des manquements contractuels



La société Julhes Paris soutient que :

- Elle s'est trouvée dans l'obligation de faire procéder à la réalisation d'une seconde façade ce qui a occasionné des frais d'architecte d'un montant de 40.000 euros HT (48.000 euros TTC).

- Si la société Adhome n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles, la société Juhles Paris n'aurait pas eu besoin d'engager ces frais ce qui démontre que le lien de causalité est établi.



Les sociétés Adhome et Euromaf répondent que :

- la société Juhles Paris ne rapporte pas la preuve qu'un architecte ait assuré une mission de maîtrise d'oeuvre pour ce type de travaux exécutés par une seule entreprise,

- En l'absence de production de la facture et du justificatif du paiement par la société Juhles Paris de la facture, cette dernière doit être déboutée de sa demande.



En application de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Par ailleurs selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès. L'article L.110-3 du code de commerce consacre le principe de la liberté de la preuve des actes de commerce à l'égard des commerçants.





La société Julhes Paris verse aux débats un document établi par la société Opium architecture intitulé " dossier de déclaration préalable" ; il concerne la modification d'une façade commerciale liée à la rénovation d'une boulangerie située [Adresse 4]. Sur un autre document, il est dressé un récapitulatif par la société Opium architecture des dépenses engagées par les différents corps de métiers pour la rénovation de la fromagerie située [Adresse 5].



Il est prévu un montant total de travaux de 179 195 € et des frais d'architecte de 40 000 €. Le coût des travaux intègre des dépenses de menuiserie pour un montant de 83 677 €. Il est produit une facture en date du 10 décembre 2020 de la société MJB situé à [Localité 9] dont la nature de l'activité n'est pas précisée, pour les travaux suivants :



" Façade de la fromagerie :



façade en bois massif chêne sur deux niveaux à l'identique.



Réalisation des relevés sur site et mise à disposition des deux ouvriers pour dépose coffrage existant et sondage des éléments cachés.

Réalisation des plans d'exécution sur Autocad et insertion des ouvrages des différents corps de métiers.

Interface des lots techniques et intégration sur plan des différents lots.

Montant total 40 000 € HT et 48 000 € TTC. "



Il sera fait observer que le document produit par Opium architecture est relatif à l'ensemble des travaux de la fromagerie située [Adresse 5] alors que la facture de la société MJB concerne les travaux de menuiserie de la façade de la fromagerie avec réalisation des plans d'exécution.



Le document établi par Opium architecture récapitule l'ensemble des travaux réalisés par les différents corps de métiers. Il constitue une simple évaluation sans facturation à 40 000 € des frais d'architecte pour l'ensemble des travaux.



La société Adhome a été indemnisée des travaux de menuiserie pour la façade de l'immeuble d'un montant de 40 870,67 €. Elle ne produit aucune facture démontrant le coût de l'intervention d'un nouvel architecte pour les travaux de réfection de la façade. La facture produite à l'appui de la demande établit que les plans d'exécution réalisés sur logiciel et l'intégration sur plan des différents lots sont compris dans la facture de la société MJB, étant précisé qu'il est mentionné une réfection de la façade à l'identique.



La société Julhes Paris ne rapportant pas la preuve d'une mission confiée à un architecte pour la réfection de la façade, et avoir exposé des frais à ce titre, sa demande en paiement sera rejetée.



La demande de garantie formée à l'encontre de la société Euromaf devient sans objet.



En première instance, la demande en paiement des frais d'architecte n'ayant pas été formulée, et la demande en garantie à l'encontre de la société Euromaf pour ce motif non plus, le rejet de ces demandes sera ajoutée au dispositif de la décision.



Sur les demandes accessoires



La société Julhes Paris qui succombe sera condamnée aux dépens de la présente procédure et devra verser à la société Adhome la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La Cour,



Statuant publiquement et contradictoirement,



Dans la limite de la cassation,



REJETTE la demande de la société Julhes Paris en paiement de la somme de 48 000 euros TTC,



DÉCLARE sans objet la demande de la société Julhes Paris d'appel en garantie à l'égard de la société Euromaf,



CONDAMNE la société Julhes Paris à verser à la société Adhome la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



REJETTE tout autre demande,



CONDAMNE la société Julhes Paris aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Jean de Bazelaire de Lesseux, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.







LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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