26 October 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.474

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00629

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Jugement arrêtant le plan - Créance de restitution née d'un arrêt de cassation - Arrêt de cassation prononcé après l'arrêté du plan - Payement conformément aux règles de droit commun

Il résulte des articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce que les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun. Et selon l'article 625 du code de procédure civile, l'arrêt de cassation constitue une décision de justice faisant naître un droit à restitution de la somme versée en exécution de la décision cassée. Il s'en déduit, d'une part, que lorsqu'est soumis à une procédure collective le débiteur d'une créance de restitution née d'un arrêt de cassation, la détermination de la date de naissance de cette créance dépend de la date de l'arrêt de cassation, et non de la date du paiement effectué en exécution de la décision cassée, et, d'autre part, que si l'arrêt de cassation est prononcé après l'arrêté du plan de redressement du débiteur, cette créance de restitution doit être payée conformément aux règles de droit commun

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Jugement arrêtant le plan - Créance de restitution née d'un arrêt de cassation - Date de naissance - Détermination - Date de l'arrêt de cassation

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 octobre 2022




Cassation


Mme VAISSETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 629 F-B

Pourvoi n° E 21-13.474




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 OCTOBRE 2022

La société Delta security solutions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 21-13.474 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [H] [R] & A [K], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [R], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Avenir telecom,

2°/ à la société Avenir telecom, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société [O] [V]-[U], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [U], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Avenir telecom,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Delta security solutions, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Avenir telecom et de la société [O] [V]-[U], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 janvier 2021), un jugement du 9 septembre 2014 a condamné la société Delta security solutions (la société Delta) à payer à la société Avenir telecom la somme de 53 679,33 euros à titre de dommages-intérêts.

2. Le 4 janvier 2016, la société Avenir telecom a été mise en redressement judiciaire.

3. Un arrêt d'appel du 25 octobre 2016 a confirmé le jugement du 9 septembre 2014, sauf sur le montant de la condamnation, et condamné la société Delta à payer à la société Avenir telecom la somme principale de 434 412,22 euros. La société Delta, qui a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, a payé la somme de 389 927 euros entre les mains du mandataire judiciaire de la société Avenir telecom, le 15 décembre 2016.

4. Le 10 juillet 2017, a été arrêté le plan de redressement de la société Avenir telecom sur dix ans.

5. Par un arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt précité du 25 octobre 2016 du chef de la condamnation de la société Delta.

6. Sur le fondement de cet arrêt de cassation, la société Delta a délivré à la société Avenir telecom un commandement aux fins de saisie-vente, afin d'obtenir le paiement de la somme de 389 927 euros versée en exécution de l'arrêt cassé du 25 octobre 2016.

7. La société Avenir telecom et son mandataire judiciaire ont assigné la société Delta en annulation de ce commandement, devant le juge de l'exécution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Delta fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement aux fins de saisie-vente signifié à la société Avenir telecom, alors « que la créance de restitution d'une somme d'argent versée en exécution d'une décision de justice naît de la décision qui réforme la précédente et relève du régime des créances de droit commun, recouvrables par les voies classiques, lorsque la décision de réformation est prononcée après l'adoption du plan de redressement du débiteur de la créance de restitution ; qu'en l'espèce, par arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 octobre 2016 ayant condamné la société Delta security solutions à payer à la société Avenir telecom la somme complémentaire de 389 927 euros ; qu'en considérant que la créance de restitution née de cet arrêt de cassation devait être soumise aux règles de la procédure collective en dépit de l'adoption, le 10 juillet 2017, d'un plan de redressement au prétexte que, par-delà la naissance de la créance de restitution au jour de l'arrêt de cassation, il convenait de prendre en compte le fait générateur de cette créance, constitué par le paiement survenu le 15 décembre 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 622-7, L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce dans leur version applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce, et l'article 625 du code de procédure civile :

9. Les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun.

10. Et selon le dernier texte susvisé, l'arrêt de cassation constitue une décision de justice faisant naître un droit à restitution de la somme versée en exécution de la décision cassée.

11. Il en résulte, d'une part, que lorsqu'est soumis à une procédure collective le débiteur d'une créance de restitution née d'un arrêt de cassation, la détermination de la date de naissance de cette créance dépend de la date de l'arrêt de cassation, et non de la date du paiement effectué en exécution de la décision cassée, et, d'autre part, que si l'arrêt de cassation est prononcé après l'arrêté du plan de redressement du débiteur, cette créance de restitution doit être payée conformément aux règles de droit commun.

12. Pour annuler le commandement aux fins de saisie-vente délivré par la société Delta sur le fondement de l'arrêt de cassation du 14 février 2018, l'arrêt attaqué énonce que la cassation a pour effet d'anéantir l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt cassé et que, dès lors que ledit arrêt a été exécuté et qu'il y a eu paiement, une distinction doit être opérée entre l'arrêt de cassation, qui fait simplement naître l'obligation de restitution, et le paiement intervenu en exécution de l'arrêt cassé, qui constitue le fait générateur de la créance de restitution, de sorte que c'est à la date du paiement que s'apprécie la soumission, ou non, de la créance aux règles de la procédure collective. Puis, relevant que le paiement intervenu en exécution de l'arrêt cassé du 25 octobre 2016 a été effectué le 15 décembre 2016, soit pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société Avenir telecom, et que la créance de restitution n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure ni en contrepartie d'une prestation fournie pendant la période d'observation, l'arrêt en déduit que son paiement est soumis aux règles de la procédure collective.

13. En statuant ainsi, alors que la créance de restitution de la société Delta, née de l'arrêt de cassation du 14 février 2018, pouvait donner lieu à la délivrance du commandement aux fins de saisie-vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Avenir telecom aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Delta security solutions.

La société Delta Security Solutions fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du commandement aux fins de saisie vente signifié le 27 juillet 2018 à l'encontre de la société Avenir Telecom en exécution de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2018,

1- ALORS QUE la créance de restitution d'une somme d'argent versée en exécution d'une décision de justice naît de la décision qui réforme la précédente et relève du régime des créances de droit commun, recouvrables par les voies classiques, lorsque la décision de réformation est prononcée après l'adoption du plan de redressement du débiteur de la créance de restitution ; qu'en l'espèce, par arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 octobre 2016 ayant condamné la société Delta Security Solutions à payer à la société Avenir Telecom la somme complémentaire de 389 927 euros ; qu'en considérant que la créance de restitution née de cet arrêt de cassation devait être soumise aux règles de la procédure collective en dépit de l'adoption, le 10 juillet 2017, d'un plan de redressement au prétexte que, par-delà la naissance de la créance de restitution au jour de l'arrêt de cassation, il convenait de prendre en compte le fait générateur de cette créance, constitué par le paiement survenu le 15 décembre 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 622-7, L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce dans leur version applicable à l'espèce.

2- ALORS QUE, en tout état de cause, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, la société Delta Security Solutions faisait valoir que le paiement intervenu était nul en application de l'article 625 du code de procédure civile, de sorte que la restitution s'imposait de droit, sans que puisse être opposé le principe d'interdiction des poursuites, et que juger le contraire serait incompatible avec son droit à un recours effectif devant le juge de cassation ; qu'en annulant le commandement relatif à la créance de restitution sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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