5 October 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/02683

Pôle 6 - Chambre 9

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022

(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02683 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZC3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/06915





APPELANT



Monsieur [T] [W]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Florence BONA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1099







INTIMÉES



ASSOCIATION UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426



SELAFA MJA prise en la personne de Maître [Z] [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la Société PAVILLON DAUPHINE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller,.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller



Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats







ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



M. [W] a travaillé pour la société Pavillon Dauphine à compter de novembre 2014 en qualité de chef de rang par des contrats d'extra.



La société Pavillon Dauphine avait pour activité l'exploitation de locaux dénommés Le Pavillon Dauphine destinés à la restauration traditionnelle ainsi qu'à l'organisation de réceptions et d'événements, grâce à une convention d'occupation du domaine public accordée par la Ville de Paris le 6 juillet 2000, arrivée à terme le 5 septembre 2014 et reprise par la société Saint Clair Dauphine. Elle employait habituellement au moins 11 salariés et relevait de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants dite HCR.



Estimant avoir été insuffisamment rempli de ses droits dans ses relations contractuelles de travail avec la société Pavillon Dauphine, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 4 juillet 2014 de diverses demandes tendant à :

- la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée depuis la première date d'embauche,

- la détermination de la durée du travail à temps partiel,

- le versement de l'indemnité de requalification,

- l'indemnisation de l'inexécution fautive du contrat de travail,

- le versement de rappel de salaires pour les périodes interstitielles pendant lesquelles la société ne lui a pas fourni de travail et l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- le versement des primes conventionnelles non payées,

- le paiement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes sur la totalité des sommes, avec application de l'article 1343-2 du code civil.



Par jugement en date du 1er octobre 2014, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Pavillon Dauphine.



Par jugement du 10 septembre 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Pavillon Dauphine en procédure de liquidation judiciaire et a désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [P], en qualité de liquidateur.



Dans le dernier état de la procédure de première instance, M. [W] demandait au conseil de prud'hommes de :

- Requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de l'employeur à la date de la décision à intervenir et donner à cette résiliation les effets d'un licenciement nul, ou à défaut dénué de motif réel et sérieux,

- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Pavillon Dauphine les créances suivantes :

° Indemnité de requalification : 3 500 euros ;

° Dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail : 3 500 euros ;

° Rappel de salaire : 4 971,07 euros ;

° Primes d'habillage : 107,54 euros ;

° 5 jours fériés garantis : 571,36 euros ;

° Prime TVA : 428,70 euros ;

° Contrepartie travail nuit : 215,08 euros ;

° Indemnité compensatrice de préavis : 1 892,18 euros ;

° Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 189,21 euros ;

° Indemnité légale de licenciement : 693,64 euros ;

° Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11 353 euros ;

- Ordonner le paiement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de

prud'hommes sur la totalité des sommes ;

- Ordonner la garantie de l'AGS CGEA Ile de France Ouest.



Par jugement du 11 février 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes.



Le 19 mars 2020, M. [W] a interjeté appel de la décision dont il a reçu notification le 21 février 2020.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 août 2020, il demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- Requalifier sa relation contractuelle avec la société Pavillon Dauphine en contrat à durée indéterminée depuis la date de sa première embauche,

- Fixer la durée mensuelle du travail à 65 heures,

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de l'employeur à la date de la dernière vacation effectuée soit le 14 juin 2014 et donner à cette résiliation les effets d'un licenciement dénué de motif réel et sérieux,

Subsidiairement,

- Déclarer dénué de motif réel et sérieux le licenciement de fait en date du 14 juin 2014,

- En conséquence,

- Fixer ses créances au passif de la société Pavillon Dauphine aux sommes suivantes :

° Indemnité de requalification : 3 500 euros ;

° Dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail et violation des dispositions d'ordre public : 3 500 euros ;

° Rappel de salaire : 4 112,21 euros ;

° Congés payés afférents : 411,22 euros ;

° Rappel de salair sur avantage en nature repas : 406,78 euros ;

° congés payés afférents : 40,67 euros ;

° Prime d'habillage : 107,54 euros ;

° 5 jours fériés garantis : 571,36 euros ;

° Prime TVA : 428,70 euros ;

° Contrepartie travail nuit : 215,08 euros ;

° Indemnité compensatrice de préavis : 1 892,18 euros ;

° Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 189,21 euros ;

° Indemnité légale de licenciement : 693,64 euros ;

° Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11 353 euros ;

- Ordonner le paiement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de Prud'hommes sur la totalité des sommes, avec application de l'article 1343-2 du code civil,

- Ordonner au liquidateur de la société d'inscrire lesdites sommes au passif de la société et procéder au paiement des sommes dues et à la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir,

- Ordonner l'application de la garantie de l'AGS dans la limite du plafond correspondant à

l'ancienneté du salarié au jour de l'ouverture de la procédure collective, en application de

l'article L 3253-8 du code du travail.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 octobre 2020, la SELAFA MJA, en sa qualité de liquidateur de la société Pavillon Dauphine demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter l'appelant de toutes ses demandes,

- Condamner l'appelant à lui verser la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2022, l'AGS CGEA Ile de France Ouest demande à la cour de :

À titre liminaire :

- Rejeter les pièces de M. [W] ;

À titre principal :

- Débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes ;

- Confirmer le jugement entrepris ;

À titre subsidiaire,

- Réduire à plus justes proportions les demandes pécuniaires de M. [W] liées à l'exécution de la relation de travail ;

- la mettre hors de cause en application de l'article L.1224-1 du code du travail ;

- Fixer la date de prise d'effet de la rupture du contrat de travail de M. [W] à la date de la décision à intervenir ;

Sur sa garantie concernant les créances salariales :

- Juger que s'il y a lieu à fixation, en application de l'article L.3258-8, 1° et 5° du code du travail, sa garantie est acquise s'agissant des créances salariales dans la limite d'un mois et demi de travail en montant et en durée ;

- Débouter M. [W] du surplus de ses demandes ;

Sur sa garantie concernant les créances liées à la rupture du contrat de travail :

- Juger qu'en application de l'article L.3258-8, 1° et 2° du code du travail sa garantie n'est pas due, la rupture du contrat de travail intervenant en dehors des délais légaux de prise en charge et intervenue à l'initiative du salarié et non pas du mandataire ;

En tout état de cause :

- Juger que s'il y a lieu à fixation, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail, sa garantie n'est due qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur et sous réserve qu'un relevé de créances soit transmis par le mandataire judiciaire et que sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié, 6 fois le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail ;

- Condamner M. [W] à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 31 mai 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 1er juin 2022.






MOTIFS





Sur l'incident de communication de pièces



L'article 906 du code de procédure civile dispose que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués.



L'AGS CGEA Ile de France Ouest demande à la cour d'écarter les pièces de M. [W] dès lors que celles-ci ne lui ont pas été communiquées simultanément à ses premières conclusions d'appel et que cette situation lui cause nécessairement un préjudice et est constitutif d'un manquement au principe du contradictoire.



Mais, le manquement de M. [W] à son obligation de communiquer ses pièces simultanément à la notification de ses conclusions n'a pas empêché l'AGS CGEA Ile de France Ouest de faire valoir ses moyens de défense en critiquant les éléments présentés par l'appelant à l'appui de ses prétentions.



La demande de l'AGS CGEA Ile de France Ouest sera donc rejetée.





Sur la demande de requalification des contrats de mission temporaire en contrat de travail à durée indéterminée



Aux termes de l'article L.1242-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.



Selon l'article L.1242-12 du même code, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.



La convention collective nationale applicable prévoit en son article 14 au titre IV que les contrats à durée déterminée sont établis conformément à la législation en vigueur et en ce qui concerne les extras, que l'emploi d'extra qui, par nature, est temporaire est régi par les dispositions légales en vigueur et qu'un contrat devra être établi pour chaque vacation.



Sur le fondement de ces textes, M. [W] sollicite la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, en faisant valoir, en premier lieu, que la société n'établissait pas de contrat écrit pendant plusieurs années et que de nombreux contrats écrits ne comportent pas sa signature ou comportent une signature illisible différente de la sienne. Il soutient, en second lieu, qu'il occupait durablement un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise en ce que l'activité de réception de la société Pavillon Dauphine est permanente, comme cela ressort de l'extrait K-bis ainsi que du chiffre d'affaires toujours élevé, même en période basse, que les variations saisonnières d'activité ne sauraient justifier l'absence de toute embauche en contrat de travail à durée indéterminée sur des postes de chef de rang ou responsable de salle et que ses bulletins de salaire démontrent qu'il était recruté pour le même travail et sur le même poste.



Il plaide, en troisième lieu et à titre subsidiaire, que la société ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un usage constant de recourir au contrat durée déterminée pour l'emploi de chef de rang, ni des raisons objectives à ces recours.



La SELAFA MJA soulève la prescription des demandes de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée fondée sur l'absence d'écrit en rappelant que le délai de prescription de l'action en requalification fondée sur l'absence d'une mention obligatoire du contrat de travail à durée déterminée court à compter de la date de conclusion du contrat.



Elle fait également valoir que M. [W] ne peut se prévaloir d'une permanence de son emploi dans la mesure où, en raison de la nature même de son activité, la société Pavillon Dauphine ne recevait pas de client sans réservation, ses commandes étant ponctuelles et définies par des tiers, que la société avait besoin d'un nombre de personnels pouvant varier de 0 à plus de 40 en fonction des réservations et que M. [W] avait la possibilité, lorsqu'il lui était fait la proposition de vacations, de les accepter ou de les refuser puisque l'extra a vocation à travailler pour différents employeurs.



L'AGS CGEA Ile de France Ouest indique s'en rapporter aux explications du liquidateur de la Société, y compris sur la prescription pour tous les contrats de travail à durée déterminée antérieurs au 5 septembre 2012. Elle ajoute, premièrement, qu'il est manifeste que la société Pavillon Dauphine organisait des événements ponctuels (mariage, événement sportif, salon professionnel') au gré des demandes des clients de telle sorte que l'organisation de réception n'était nullement continue et quotidienne mais fluctuait en fonction des demandes des clients, deuxièmement, que, s'agissant du poste de 'chef de rang', il est d'usage de recourir au CDD d'extra, troisièmement, que les postes d'extras étaient par nature temporaires, ce qui est corroboré par des éléments précis et objectifs (les clients de la société devaient réserver à l'avances les dates pour l'organisation de leurs événements, la société n'avait pas une activité de restauration ou d'hôtellerie classique) et, quatrièmement, que la fonction d'extra est par ailleurs une activité choisie et assumée par certains salariés, le prix de la vacation étant très supérieur au salaire qui serait versé à un salarié employé au même poste en contrat à durée indéterminée.



Cela étant, il résulte des articles du code du travail et de la convention collective nationale applicable rappelés ci-dessus que les conditions de recours aux extras dans le domaine de l'hôtellerie et restauration ne dérogent pas aux principes généraux régissant les conditions d'emploi en contrat de travail à durée déterminée.



Ainsi, dans le cas présent, en l'absence de la production de plannings de réservation établissant le nombre d'événements organisés au sein de la société Pavillon Dauphine ainsi que le nombre de participants à chacun de ceux-ci et donc l'ampleur des variations d'activité alléguées par la SELAFA MJA et l'AGS CGEA Ile de France Ouest, la simple référence à une activité par nature fluctuante ne saurait à elle seule justifier le recours à des contrats de travail à durée déterminée d'extras par la société Pavillon Dauphine pour des prestations correspondant à l'activité principale de la société qui était 'l'exploitation directe ou indirecte d'un café-restaurant connu sous le nom de Pavillon Dauphine' selon l'extrait K-bis du registre du commerce. En outre, M. [W] produit deux rapports de l'expert comptable se rapportant aux exercices 2012 et 2013 et les perspectives d'activité de ces années, la liste des salariés extras au 24 septembre 2014, ses contrats d'extra et ses bulletins de paie d'où il résulte que le taux de l'effectif précaire par rapport à l'effectif moyen était stable et relativement élevé ( 55 % en 2010, 59 % en 2011, 60 % en 2012 et 55 % en 2013), que M. [W] était recruté pour le même travail et sur le même poste de chef de rang ou maître d'hôtel sur presque chaque mois de l'année, et sur certaines périodes au moyen de contrats d'extras d'une journée se succédant sur plusieurs jours de suite ou à des dates rapprochées (exemples : 5, 6, 8, 10,11, 15, 17, 20 octobre 2014).



Ces circonstances établissent que les contrats d'extra de M. [W] avaient pour but de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.



Par ailleurs, l'examen comparé des bulletins de paie et des contrats d'extra produits par M. [W] démontre que certaines périodes travaillées n'ont pas fait l'objet d'un contrat écrit (en tout état de cause, la SELAFA MJA en sa qualité de liquidateur de la société Pavillon Dauphine ne produit pas de contrats écrits correspondants à ces périodes) et que des contrats d'extra sont incomplets en ce que s'ils ne sont pas signés par l'employeur.



La prescription attachée à ce second motif de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée lié à l'absence d'écrit pour les contrats antérieurs au 5 septembre 2012 est sans portée sur le présent litige en ce que la requalification est fondée également sur le motif de la permanence de l'emploi.



En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé et il sera fait droit à la demande de M. [W] en requalification de contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du début des relations contractuelles entre les parties, soit le 21 novembre 2010.









Sur le temps partiel durant toute la relation contractuelle



M. [W] fonde sa demande de requalification de son contrat de travail en un contrat de travail à temps partiel sur l'article L.3123-14 du même code (devenu L.3123-6) selon lequel le contrat de travail à durée déterminée est un contrat écrit devant porter certaines mentions à défaut desquelles le contrat est présumé à temps plein sauf pour l'employeur à rapporter la preuve que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition et sur l'article L.3123-15 du même code delon lequel lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L.3122-22 si elle est supérieure, l'horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures ou moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel de cette durée, l'horaire prévue dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé. L'horaire modifié est égal à l'horaire antérieurement fixé auquel est ajouté la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement accompli.



Il ajoute qu'il serait en droit de réclamer la requalification de son contrat en temps complet car les conditions de la présomption d'un travail à temps complet sont parfaitement réunies mais qu'il entend limiter sa demande de requalification sur la base d'un temps partiel, correspondant à la réalité de son emploi auprès de la société Pavillon Dauphine.



La SELAFA MJA et l'AGS CGEA Ile de France Ouest rappellent que la requalification de contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail et qu'en cas de requalification de contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, il appartient au salarié d'établir qu'il s'est tenu à la disposition permanente de l'employeur pendant les périodes d'inter contrats pour obtenir le paiement des salaires correspondants et que tel n'est pas le cas de M. [W].



Cela étant, les seules attestations d'anciens salariés de la société Pavillon Dauphine indiquant de façon générale que les plannings étaient communiqués plusieurs jours à l'avance aux extras et que ces derniers avaient la possibilité d'accepter ou de refuser les missions en fonction de leurs autres engagements ou contraintes personnelles ne peuvent utilement contredire les éléments suivants :

- La SELAFA MJA ne fournit aucun planning prévisionnel, seul document permettant de constater que le salarié pouvait connaître son rythme de travail suffisamment à l'avance, alors que, d'une part, M. [W] produit deux attestations de représentants du personnel selon lesquelles aucun planning prévisionnel n'était communiqué aux extras qui pouvaient être sollicités du jour au lendemain, et que, d'autre part, les contrats de travail étaient signés les jours-mêmes de la mission d'extra,

- la comparaison entre les contrats d'extra et les bulletins de paie de l'intéressé établissent que ce dernier effectuait régulièrement des heures complémentaires, voire systématiquement pour les années 2012 à 2014, modifiant ainsi ses horaires prévisibles,

- le rythme des jours travaillés était très irrégulier puisque M. [W] pouvait être amené à travailler plusieurs jours de suite par des contrats d'extra d'une seule journée (ce qui confirme l'absence de prévisibilité des jours de travail) ou à des dates rapprochées ou selon des périodes distantes entre elles de plusieurs jours,

- la SELAFA MJA ne démontre pas autrement que par les attestations déjà visées ci-dessus faisant mention d'une organisation générale au sein de la société Pavillon Dauphine que M. [W] aurait refusé des extras ou l'accomplissement d'heures complémentaires.



Il résulte des éléments ci-dessus que M. [W] devait se tenir constamment à la disposition de la société Pavillon Dauphine y compris durant les périodes interstitielles et, par voie de conséquence, qu'il est fondé à solliciter un rappel de salaire sur ces périodes.





Par ailleurs, l'examen des bulletins de paie de M. [W] démontre que le salarié a été rémunéré pour 25 heures en avril 2011, 42 heures en mai 2011 avec un dépassement de la durée de travail de 17 heures, 108 heures en juin 2011 avec un dépassement de la durée de travail de 83 heures, 45 heures en juillet 2011 avec un dépassement de la durée de travail de 20 heures.



Ainsi, en application de l'article L.3123-15 du code du travail rappelé ci-dessus, la durée moyenne du travail de M. [W] sera fixée à 65 heures par mois.





Sur les conséquences financières de la requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel



Sur la base d'une rémunération horaire de 13,33 euros, le salaire de référence de M. [W] s'élève à la somme de 866,45 euros pour 65 heures de travail mensuelles.



Selon l'article L. 1245-2 du Code du travail, si la juridiction prud'homale fait droit à la demande de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, elle doit accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.



En l'espèce, compte tenu de la durée des relations contractuelles remontant à novembre 2010 ayant maintenu l'intéressé dans une situation de précarité de presque quatre ans, il convient de fixer cette indemnité à la somme de 1 800 euros qui devra être inscrite au passif de la société Pavillon Dauphine.



La demande de rappel de salaire de M. [W] sur la période de janvier 2012 à novembre 2014, est justifiée en son montant par le calcul du salarié non autrement critiqué et fidèle à la rémunération contractuelle rapportée à la durée mensuelle du travail, déduction faite des sommes versées par la société Pavillon Dauphine sur la période.



La créance salariale de M. [W] à l'égard de la société Pavillon Dauphine s'élève donc à la somme demandée de 4 971,07 euros, outre celle de 497,10 euros au titre des congés payés afférents.



La SELAFA MJA s'oppose à la demande de rappel de jours fériés garantis et de prime TVA au motif que les calculs présentés sont fondés sur la base d'un temps plein fictif.



Mais, la reconnaissance du bien fondé de M. [W] en sa demande de requalification de son contrat de mission en un contrat à temps partiel impose de faire droit à la demande de M. [W] en rappel de jours fériés garantis et de prime TVA en application de l'article 11 de l'avenant n°2 du 5 février 2007 ('Tous les salariés comptant 1 an d'ancienneté dans le même établissement et/ou entreprise, bénéficient, en plus du 1er Mai, de 8 jours fériés par an, selon le calendrier ci-dessous : ...En tout état de cause, il est accordé au salarié 5 jours fériés garantis. Ainsi, le salarié bénéficie de 5 jours fériés ou chômés et payés ou compensés en temps ou indemnisés même si le salarié est en repos ces jours fériés considérés') et de l'article 5 de l'avenant n° 26 du 15 décembre 2009 ('Le montant de la prime liée à la réduction du taux de la TVA est égal à 2 % du salaire de base annuel dans la limite de 500 € par an pour un salarié employé à temps complet') selon le montant sollicité par le salarié conforme à sa rémunération mensuelle brute.



La créance de M. [W] à l'égard de la société Pavillon Dauphine au titre des jours fériés garantis conventionnels s'élève à la somme de 571,36 euros et celle en rappel de prime TVA à celle de 428,70 euros.



En ce qui concerne la prime d'habillage et de déshabillage prévue par l'article 7 de l'avenant n°1 du 13 juillet 2004 de la convention HCR relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance, M. [W] fait valoir qu'en sa qualité de chef de rang ou de maître d'hôtel, il devait porter une tenue de travail pour assurer son service en salle, comme en attestent les représentants du personnel.



Mais, comme justement opposé par la SELAFA MJA, M. [W] ne rapporte pas la preuve qu'il remplissait l'une des conditions cumulatives imposées par la convention collective nationale applicable, à savoir que l'habillage et le déshabillage devaient être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.



M. [W] sera débouté de sa demande relative à la prime d'habillage et de déshabillage.



L'article 16.4. 'Contreparties spécifiques au travailleur de nuit' de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance prévoit que les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit. Les compensations en repos compensateur seront calculées au trimestre civil de la façon suivante : 1 % de repos par heure de travail effectuée pendant la période définie à l'article 16.1 du présent avenant. Pour les salariés occupés à temps plein et présents toute l'année au cours de cette période, le repos compensateur sera en tout état de cause forfaitisé à 2 jours par an. Les modalités d'attribution de ces 2 jours seront définies par l'employeur au niveau de chaque établissement après consultation des représentants du personnel ou, à défaut, des salariés en tenant compte des besoins de la clientèle.



Les bulletins de paie de M. [W] mentionnent des vacations de nuit mais aucun repos compensateur.



La mention 'forfait vacation de nuit' évoquée par la SELAFA MJA pour s'opposer à la demande de M. [W] se réfère simplement à la répartition de la vacation en fonction des moments de la journée. Si elles attestent que M. [W] a bien effectué des heures de nuit, elles établissent que son salaire n'a pas été pour autant majoré. Ainsi, à titre d'exemple, le bulletin de paie de M. [W] pour juin 2013 mentionne 13 jours travaillés à hauteur de 2 forfaits vacation midi rémunérés 80 euros (soit pour 6 heures de travail à 13,33 euros de l'heure) et 11 forfaits vacation soir, rémunéré chacun 93,40 euros (soit 7 heures de travail à 13,33 euros de l'heure). La rémunération des heures complémentaires de nuit également évoquée par la SELAFA MJA ne se substitue pas à la contre-partie due pour heures de nuit prévue par l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004.



M. [W] est donc bien fondé à demander un rappel d'une indemnité compensatrice de deux jours par an de 2012 à 2014 pour un montant de 215,08 euros.



M. [W] ne motive ni en fait ni en droit sa demande de rappel de salaire pour avantages en nature repas et congés payés afférents de sorte qu'il devra être débouté de celle-ci.





Sur les dommages et intérêts au titre de l'inexécution fautive du contrat de travail par la privation des avantages sociaux légaux et conventionnels



La SELAFA MJA fait valoir que le salarié sollicite à ce titre une indemnisation qui n'est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant puisqu'il ne communique aucun élément à l'appui de cette demande dont il devra être, par conséquent, débouté.



Mais, le maintien de M. [W] dans des contrats de travail précaire a privé le salarié des avantages sociaux, dont bénéficiaient les salariés permanents en application de la convention collective nationale étendue HCR.



En outre, la SELAFA MJA ne rapporte pas la preuve que la société a fait bénéficier M. [W] de la moindre formation professionnelle et le salarié produit des pièces attestant que la société n'intégrait pas les salaires des extras dans le calcul du budget du CE, réduisant ainsi sensiblement le montant des 'uvres sociales du CE puisque les salaires des extras représentaient 55% de l'effectif en 2010 et 60% en 2012.



L'atteinte prolongée et persistance de ses droits issus du contrat de travail a causé à M. [W] un préjudice de protection sociale, d'accès à la formation, d'employabilité et de carrière en termes d'ouverture des droits à la retraite qui sera réparé par l'octroi de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.





Sur la rupture du contrat de travail



La SELAFA MJA fait valoir que le conseil de prud'hommes a jugé que les salariés de la société Pavillon Dauphine ont été transférés à la société Saint Clair Dauphine dès le 5 décembre 2014 en application des dispositions d'ordre public de l'article L.1224-1 du code du travail, que le caractère d'ordre public de ce texte l'emporte même sur des licenciements autorisés par le juge commissaire dans le cadre d'un redressement judiciaire et notifiés par les mandataires judiciaires, administrateur ou liquidateur judiciaire, et que si ce texte l'emporte sur des licenciements notifiés, il doit également l'emporter sur des situations dans lesquelles a fortiori l'employeur n'a nullement eu l'intention de licencier les salariés.



Cela étant, lorsque des contrats de travail à durée déterminée sont requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée, l'absence de poursuite des relations de travail à l'échéance du dernier contrat à durée déterminée constitue une rupture imputable à l'employeur prenant le caractère d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Dans la présente affaire, il est constant que, postérieurement au 29 novembre 2014, la société Pavillon Dauphine n'a plus fourni de travail ni payé de salaire à M. [W] qui restait pourtant à la disposition de son employeur, qu'elle n'a pas inclus M. [W] dans la liste des salariés transférables à la suite de la reprise de la concession de domaine public par la société Saint Clair Dauphine, considérant ainsi que celui-ci ne faisait plus partie de ses effectifs à la date du transfert des contrats de travail qui se situe au 5 décembre 2014 comme soutenu par la SELAFA MJA ou au 5 janvier 2015, date de la reprise d'exploitation du site par la nouvelle société.



Il s'ensuit, d'une part, que M. [W] est fondé à se prévaloir d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 29 novembre 2014, indépendamment des transferts des contrats de travail des autres salariés de la société Pavillon Dauphine effectués en application de l'article L.1224-1 du code du travail ultérieurement à cette date et, d'autre part, que la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [W] est sans objet puisque formée postérieurement à la rupture du contrat de travail.



Ainsi, aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.



Selon l'article L.1234-5 du même code, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.



En conséquence, il sera inscrit au passif de la société Pavillon Dauphine une créance de M. [W] d'un montant de 1 892,18 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 189,21 euros au titre des congés payés afférents.



En application de l'article L.1234-9 du code du travail, il est également dû à M. [W] une indemnité légale de licenciement d'un montant de 693,54 euros selon un calcul conforme aux dispositions de l'article R.1234-2 du même code, dans leur rédaction applicable au présent litige.



En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.



Ainsi, compte tenu de l'âge (49 ans), de la rémunération (866,45 euros) et de l'ancienneté du salarié à la date de la rupture (4 ans) et de l'absence de renseignement sur la situation actuelle de celui-ci postérieurement à la rupture du contrat de travail, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse revenant au salarié et devant être inscrit au passif de la société Pavillon Dauphine sera fixé à 5 500 euros.





Sur la garantie de l'AGS CGEA Ile de France Ouest



Le présent arrêt sera rendu opposable à l'AGS CGEA Ile de France Ouest qui devra sa garantie selon les conditions légales et les plafonds applicables





Sur les intérêts



En vertu de l'article 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.





PAR CES MOTIFS





La Cour,



DIT n'y avoir lieu à écarter les pièces de M. [W] à l'égard de l'AGS CGEA Ile de France Ouest,



INFIRME le jugement entrepris,



Statuant à nouveau,



REQUALIFIE les contrats de travail à durée déterminée liant M. [W] à la société Pavillon Dauphine en un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 21 novembre 2010,

DIT que l'absence de la poursuite du contrat de travail de M. [W] au delà du 29 novembre 2014 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse à cette date,



DÉCLARE sans objet la demande de résiliation du contrat de travail de M. [W],



En conséquence,



FIXE la créance de M. [W] au passif de la société Pavillon Dauphine aux sommes suivantes:



° 1 800 euros au titre de l'indemnité de requalification ;

° 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail ;

° 4 971,07 euros à titre de rappel de salaire pour un temps plein ;

° 497,10 euros au titre des congés payés afférents ;

° 571,36 euros au titre des jours fériés garantis conventionnels ;

° 428,70 euros au titre du rappel de prime TVA ;

° 215,08 euros au titre de l'indemnité de contrepartie au travail de nuit ;

° 1 892,18 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

° 189,21 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

° 693,54 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

° 5 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;



DÉBOUTE M. [W] de ses demandes en paiement de prime d'habillage conventionnelle et en rappel de salaire pour avantages en nature repas et congés payés afférents,



RAPPELLE que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels,



DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA Ile de France Ouest qui devra sa garantie dans les conditions et limites légales,



DIT que les dépens seront liquidés en frais de liquidation de la société Pavillon Dauphine.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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