28 September 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-12.546

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01057

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2022




Cassation partielle


M. RICOUR, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 1057 F-D

Pourvoi n° W 21-12.546




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

Mme [H] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-12.546 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société La Robinetterie industrielle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de Mme [Z], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société La Robinetterie industrielle, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Ricour, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Laplume, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2021), Mme [Z] a été engagée le 7 octobre 2002 par la société La Robinetterie industrielle, en qualité de secrétaire puis promue assistante ressources humaines.

2. Elle a exercé divers mandats depuis mars 2013.

3. A compter du 1er février 2015, la salariée a été en congé parental d'éducation et en juin 2015, a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail.

4. Le 2 mai 2016 , elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail puis saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de requalifier la prise d'acte de la rupture du 2 mai 2016 en démission, et de rejeter ses demandes tendant à voir dire que cette prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul, alors « que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence de manquements graves de l'employeur au cours de l'année 2014, ayant conduit Mme [Z] à solliciter un congé parental ayant pris effet en janvier 2015, ce qui avait suspendu son contrat de travail ; qu'en considérant, pour rejeter les demandes de la salariée, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'était intervenue que le 2 mai 2016 soit dix-huit mois après les derniers faits reprochés, lesquels ne pouvaient la justifier compte tenu de leur ancienneté, la cour d'appel, qui s'est fondée sur la seule ancienneté des manquements reprochés à l'employeur, sans rechercher si ces manquements étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, ni prendre en considération la période de suspension de ce contrat, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du code civil en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1231-1 du code du travail :

6. Pour rejeter la demande tendant à voir dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul, l'arrêt retient que les manquements et fautes de l'employeur à l'égard de la salariée à savoir, une dispense d'activité imposée, un harcèlement moral, un avertissement injustifié, une modification du contrat de travail illicite, sont intervenus en 2014, qu'ils ont motivé la décision de la salariée de prendre un congé parental qui a pris effet en janvier 2015 et suspendu son contrat de travail, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est intervenue que le 2 mai 2016 soit dix-huit mois après les derniers faits reprochés lesquels ne peuvent, compte tenu de leur ancienneté la justifier, de sorte que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission.

7. En se déterminant ainsi, en se référant uniquement à l'ancienneté des manquements et alors qu'elle avait constaté que ces manquements avaient motivé la décision de la salariée de prendre un congé parental en janvier 2015, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'apprécier la réalité et la gravité de ces manquements et de dire s'ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société La Robinetterie industrielle à payer à Mme [Z] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société La Robinetterie industrielle aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Robinetterie industrielle et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Van Ruymbeke, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour Mme [Z]

Mme [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié la prise d'acte de la rupture du 2 mai 2016 en démission, et d'AVOIR rejeté ses demandes tendant à voir dire que cette prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul,

ALORS QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence de manquements graves de l'employeur au cours de l'année 2014, ayant conduit Mme [Z] à solliciter un congé parental ayant pris effet en janvier 2015, ce qui avait suspendu son contrat de travail ; qu'en considérant, pour rejeter les demandes de la salariée, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'était intervenue que le 2 mai 2016 soit dix-huit mois après les derniers faits reprochés, lesquels ne pouvaient la justifier compte tenu de leur ancienneté, la cour d'appel, qui s'est fondée sur la seule ancienneté des manquements reprochés à l'employeur, sans rechercher si ces manquements étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, ni prendre en considération la période de suspension de ce contrat, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du code civil en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail.

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