22 September 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.224

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200927

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, REGIMES SPECIAUX - Industries électriques et gazières - Régime dérogatoire aux règles du régime général - Conséquences

Il résulte des articles L. 711-1 et R.711-1 du code de la sécurité sociale que le personnel des industries électriques et gazières (IEG) bénéficie d'un régime spécial de sécurité sociale défini par le statut national du personnel des IEG approuvé par le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, qui déroge aux règles du régime général et qui lui est seul applicable, sans qu'il appartienne aux juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale de rechercher l'équivalence des prestations entre le régime général et le régime spécial, dont le principe est posé par l'article R. 711-17 du même code

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 septembre 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 927 F-B

Pourvoi n° V 21-14.224







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022


M. [V] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 21-14.224 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [P], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale des industries électriques et gazières, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 janvier 2021), M. [P] (l'assuré), entré au service de la société Electricité de France (EDF) en 1979, a demandé, le 1er septembre 2016, auprès de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (la Caisse) la liquidation de ses droits à pension de retraite. La Caisse ayant fait droit à sa demande à compter du 1er octobre 2016, l'assuré a contesté cette décision, sollicitant que sa pension de retraite prenne effet à compter du 1er septembre 2016.

2. Sa demande ayant été rejetée, il a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'assuré fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande et de dire que sa retraite statutaire devait être liquidée à compter du 1er octobre 2016, alors :

« 1°/ que selon l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières, « la pension de vieillesse prend effet au plus tôt le premier jour du mois qui suit la réalisation de la condition permettant l'ouverture du droit, sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande - sous cette réserve, la demande de pension de vieillesse formulée par l'intéressé détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois » ; que selon l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale « chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande - si l'assuré n'indique pas la date d'entrée en jouissance de sa pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la Caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse » ; qu'en retenant que l'article 39 du décret du 22 juin 1946 déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale et qu'en l'espèce, la Caisse a réceptionné la demande de l'assuré le 1er septembre 2016 et que dès lors c'est à juste titre que la Caisse a attribué à l'assuré sa pension de vieillesse à effet au 1er octobre 2016 » la cour d'appel a violé l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 ensemble l'article R. 351-37, I, du code de la sécurité sociale ;

2°/ que selon l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 que « la demande de pension de vieillesse formulée par l'assuré social détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois », « sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande » ; que selon l'arrêt attaqué « la Caisse a réceptionné la demande de l'assuré le 1er septembre 2016 et que dès lors c'est à juste titre que la Caisse a attribué à l'assuré sa pension de vieillesse à effet au 1er octobre 2016 » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la demande de pension, régularisée par l'envoi de l'imprimé réglementaire, avait été reçue par la Caisse le 1er septembre 2016, ce dont il résultait que la date d'entrée en jouissance de la pension formulée par l'assuré n'était pas antérieure au dépôt de la demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3°/ que selon l'article R. 711-17 du code de la sécurité sociale, « l'organisation spéciale de sécurité sociale prévue à l'article L. 711-1 assure aux travailleurs des branches d'activités ou entreprises mentionnées à l'article R. 711-1, pour l'ensemble des prestations de chaque risque, des prestations équivalentes aux prestations du régime général de sécurité sociale, sans que les avantages de même nature déjà accordés régime général de sécurité sociale, sans que les avantages de même nature déjà accordés antérieurement au 1er juillet 1946 puissent être réduits ou supprimés » ; que si chaque régime spécial de sécurité sociale verse les prestations qui lui sont propres, sans qu'il y ait lieu rechercher une équivalence entre elles, en revanche le juge doit rechercher si les conditions d'attributions de ces prestations sont équivalentes ; qu'à cette aune, les conditions d'attribution d'une pension du régime IEG doivent être équivalentes aux conditions d'attribution d'une retraite du régime général et le juge est conduit à ne pas interpréter différemment l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 de l'article R. 351-37, I, du code de la sécurité sociale ; qu'en estimant que « l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale et qu'il prévoit que la date d'effet de la pension de retraite se situe au plus tôt le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la Caisse », la cour d'appel a violé l'article 39 de l'annexe 3 du Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, ensemble les articles R. 351-37, I, et R. 711-17 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La Caisse conteste la recevabilité du moyen, pris en sa troisième branche qui serait nouvelle.

5. Cependant, le moyen, en ce qu'il porte sur l'office du juge lorsqu'il constate que les dispositions applicables au régime spécial dérogent aux dispositions portant sur la même question relevant du régime général de sécurité sociale, est de pur droit.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

7. Il résulte des articles L. 711-1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale que le personnel des industries électriques et gazières (IEG) bénéficie d'un régime spécial de sécurité sociale défini par le statut national du personnel des IEG approuvé par le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, qui déroge aux règles du régime général et qui lui est seul applicable, sans qu'il appartienne aux juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale de rechercher l'équivalence des prestations entre le régime général et le régime spécial, dont le principe est posé par l'article R. 711-17 du même code.

8. Selon l'alinéa 1er de l'article 39 de l'annexe 3 du décret du 22 juin 1946, précité, seul applicable au litige, la pension de vieillesse de l'assuré ressortissant de ce régime spécial prend effet au plus tôt le premier jour du mois qui suit la réalisation de la condition permettant l'ouverture du droit, sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande. Sous cette réserve, la demande de pension de vieillesse formulée par l'intéressé détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois.

9. L'arrêt énonce qu'il résulte de ce texte clair que la date d'effet de la pension de retraite se situe au plus tôt le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la Caisse. Il ajoute qu'il déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale. Il relève que la Caisse a réceptionné la demande de l'assuré le 1er septembre 2016.

10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen, que la pension de vieillesse de l'assuré ne pouvait prendre effet qu'au 1er octobre 2016.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la Caisse nationale des industries électriques et gazières la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [P]

L'assuré social fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement qui avait fixé au 1er septembre 2016 le point de départ du service de la pension personnelle de retraite dont est titulaire M. [P] auprès de la Caisse et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que la retraite statutaire de M. [P] doit être liquidée à la date du 1er octobre 2016 ;

1) ALORS QUE selon l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières, « la pension de vieillesse prend effet au plus tôt le premier jour du mois qui suit la réalisation de la condition permettant l'ouverture du droit, sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande – sous cette réserve, la demande de pension de vieillesse formulée par l'intéressé détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois » ; que selon l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale « chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande – si l'assuré n'indique pas la date d'entrée en jouissance de sa pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse » ; qu'en retenant que l'article 39 du décret du 22 juin 1946 déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale et qu'en l'espèce, la caisse a réceptionné la demande de M. [P] le 1er septembre 2016 et que dès lors c'est à juste titre que la caisse a attribué à M. [P] sa pension de vieillesse à effet au 1er octobre 2016 » la cour d'appel a violé l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 ensemble l'article R. 351-37 I du code de la sécurité sociale ;

2) ALORS QUE selon l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 que « la demande de pension de vieillesse formulée par l'assuré social détermine la date de liquidation souhaitée, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois », « sans que cette date d'effet puisse être antérieure au premier jour du mois suivant la demande » (rappr. Civ.2 30 mars 2017 n° 16-13.308 au Bull.) ; que selon l'arrêt attaqué « la caisse a réceptionné la demande de M. [P] le 1er septembre 2016 et que dès lors c'est à juste titre que la caisse a attribué à M. [P] sa pension de vieillesse à effet au 1er octobre 2016 » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la demande de pension, régularisée par l'envoi de l'imprimé réglementaire, avait été reçue par la Caisse le 1er septembre 2016, ce dont il résultait que la date d'entrée en jouissance de la pension formulée par l'assuré social n'était pas antérieure au dépôt de la demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3) ALORS QUE – subsidiairement – selon l'article R. 711-17 du code de la sécurité sociale, « l'organisation spéciale de sécurité sociale prévue à l'article L. 711-1 assure aux travailleurs des branches d'activités ou entreprises mentionnées à l'article R. 711-1, pour l'ensemble des prestations de chaque risque, des prestations équivalentes aux prestations du régime général de sécurité sociale, sans que les avantages de même nature déjà accordés antérieurement au 1er juillet 1946 puissent être réduits ou supprimés » ; que si chaque régime spécial de sécurité sociale verse les prestations qui lui sont propres, sans qu'il y ait lieu de rechercher une équivalence entre elles (Civ.2 9 décembre 2010 n° 09-71.133 Bull. n° 207 – Civ.2 13 mars 1963 n° 61-11.121 Bull. n° 248) en revanche le juge doit rechercher si les conditions d'attributions de ces prestations sont équivalentes ; qu'à cette aune, les conditions d'attribution d'une pension du régime IEG doivent être équivalentes aux conditions d'attribution d'une retraite du régime général et le juge est conduit ne pas interpréter différemment l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 de l'article R. 351-37 I du code de la sécurité sociale ; qu'en estimant que « l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 déroge au droit commun de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale et qu'il prévoit que la date d'effet de la pension de retraite se situe au plus tôt le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse », la cour d'appel a violé l'article 39 de l'Annexe 3 du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946, ensemble les articles R. 351-37 I et R. 711-17 du code de la sécurité sociale.

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