14 September 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-80.118

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR01084

Titres et sommaires

COUR D'ASSISES - Questions - Formes - Imprécision de formulation - Effets - Cas - Absence d'incertitude sur la conviction de la cour d'assises et absence de grief

Si la question unique posée relative au fait principal de corruption de mineur et à la circonstance aggravante de minorité de quinze ans de la victime, n'est pas conforme aux dispositions de l'article 349 du code de procédure pénale, la censure de l'arrêt n'est pas encourue, dès lors qu'en raison des réponses de la cour et du jury aux questions posées sur chacun des faits principaux de viols et d'agressions sexuelles et à chaque fois sur la circonstance de minorité de quinze ans de la victime, il n'existe aucune incertitude sur la conviction de la cour d'assises quant à l'âge de la victime à la date de commission du délit , et que l'accusé ne justifie d'aucun grief résultant de la formulation de la question, en application de l'article 802 du code de procédure pénale

Texte de la décision

N° Q 22-80.118 FS-B

N° 01084


RB5
14 SEPTEMBRE 2022


CASSATION
REJET


M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 SEPTEMBRE 2022


M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises du Haut-Rhin, en date du 1er décembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 17 mars 2021, n° 20-83.245), pour viols, agressions sexuelles, aggravés, corruption de mineurs de quinze ans, en récidive, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de douze ans, dix ans de suivi socio-judiciaire et une interdiction professionnelle définitive, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Sudre, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 11 août 2017, le juge d'instruction a renvoyé M. [W] [Z] devant la cour d'assises du Haut-Rhin sous l'accusation de viols et agressions sexuelles sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité, agressions sexuelles sur mineur de quinze ans et corruption de mineur de quinze ans, en récidive.

3. Par arrêt du 2 février 2018, cette juridiction a condamné M. [Z] à vingt ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de dix ans, cinq ans de suivi socio-judiciaire, et a ordonné la confiscation des scellés. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [Z] a relevé appel de ces deux décisions. Le ministère public et les parties civiles ont formé appel incident.

5. Par arrêt du 1er février 2019, la cour d'assises du Bas-Rhin, statuant en appel, a condamné M. [Z] à vingt ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté de douze ans, cinq ans de suivi socio-judiciaire et une interdiction professionnelle définitive. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils.

6. M. [Z] a formé un pourvoi en cassation contre le seul arrêt pénal et, par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'assises du Haut-Rhin.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens


7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été répondu par l'affirmative à la question n° 9 ainsi libellée : « L'accusé [W] [Z] est-il coupable d'avoir à [Localité 2] entre le 1er janvier 2012 et le 20 avril 2015, favorisé ou tenté de favoriser la corruption de [N] [M] mineur de 15 ans pour être né le [Date naissance 1] 2006 ? », alors « qu'est entachée de complexité prohibée la question posée à la cour et au jury qui réunit en une formule unique le fait principal et une circonstance aggravante ; que la question visant à la fois le fait principal de corruption de mineur et la circonstance aggravante tirée de ce que le mineur était âgé de moins de 15 ans, la déclaration de culpabilité est nulle et doit entraîner la cassation de l'arrêt de condamnation, pour violation de l'article 349 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de la feuille de questions que la cour et le jury ont été interrogés par une seule question sur la culpabilité de l'accusé du délit de corruption de mineur, commis sur la personne de [N] [M], entre le 1er janvier 2012 et le 20 avril 2015, et sur la circonstance aggravante, résultant de ce que la victime était âgée de moins de quinze ans à la date des faits.

10. Cette formulation de la question méconnaît l'article 349 du code de procédure pénale, qui exige qu'une question soit posée sur le fait principal, chaque circonstance aggravante devant faire l'objet d'une question distincte.

11. Cependant, la cassation n'est pas encourue.

12. En effet, tous les faits de viols, d'agressions sexuelles, et de corruption de mineur reprochés à l'accusé, et dont il a été reconnu coupable, concernent la même victime, [N] [M], et la cour et le jury ont répondu par l'affirmative aux questions selon lesquelles ce dernier était âgé de moins de quinze ans, au moment des faits de viols et d'agressions sexuelles commis par l'accusé entre le 1er janvier 2012 et le 20 avril 2015.

13. En l'absence d'incertitude sur la conviction de la cour d'assises quant à l'âge de la victime à la date de commission du délit de corruption de mineur de quinze ans, l'accusé ne justifie d'aucun grief résultant de la formulation de la question.

14. En conséquence, par application de l'article 802 du code de procédure pénale, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à la peine de vingt ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté portée à douze ans, alors « que la cour d'assises n'a pas justifié, par une décision spéciale et motivée, le prononcé d'une peine de sûreté portée à 12 ans ; qu'elle a méconnu les articles 132-23 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

16. Pour condamner l'accusé à la peine de vingt ans de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté de douze ans, la cour d'assises relève la gravité des faits de viols répétés sur un jeune enfant, confié dans un cadre familial. La feuille de motivation souligne que les experts de personnalité ont relevé chez l'accusé un niveau de psychopathie élevé et incurable, une pédophilie de catégorie pédoclaste, une importante dangerosité criminologique d'ordre sexuel, avec un risque élevé de récidive. Elle relève également une absence totale de remise en cause de son comportement par l'accusé, qui rejette sur autrui la responsabilité de ses passages à l'acte, et n'a pas su mettre à profit sa précédente condamnation pour des faits similaires pour entamer la moindre introspection sur ses agissements.

17. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, relevant de son appréciation souveraine, la cour d'assises qui a caractérisé, d'une part, la gravité des faits, d'autre part, la dangerosité de leur auteur, a justifié tant le choix de la peine que la durée de la période de sûreté.

18. Le moyen sera, dès lors, écarté.

Mais sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a alloué, outre diverses sommes en application de l'article 375 du code de procédure pénale, des dommages-intérêts à Mme [V] [F], M. [I] [M] et [N] [M] représenté par l'association [3] et l'a condamné à rembourser au Fonds de garantie le montant des indemnités versées à Mme [V] [F], et M. [I] [M], alors « que par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation, statuant dans les limites du pourvoi dont elle avait été saisie à l'encontre du seul arrêt pénal, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'assises du Bas-Rhin du 1er février 2019 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'assises du Haut-Rhin pour qu'il soit jugé conformément à la loi ; que l'arrêt civil du 1er février 2019 de la cour d'assises du Bas-Rhin a acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'en statuant sur les demandes de dommages-intérêts des parties civiles et de remboursement du Fonds de garantie des victimes d'infractions, alors que l'action civile était éteinte par l'autorité de la chose jugée, la cour d'assises de renvoi a violé les articles 2, 3 et 609 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1240 du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale :

20. Selon le premier de ces textes, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime.

21. Il résulte des deux articles susvisés du code de procédure pénale que, lorsqu'un arrêt pénal d'une cour d'assises a seul été frappé de pourvoi, la cassation de cet arrêt n'entraîne pas celle de l'arrêt statuant sur les intérêts civils, lequel a acquis l'autorité de la chose jugée (Ch. mixte, 19 mars 1982, pourvoi n° 79-15.560, Bull. Ch. Mixte, n° 81 ; Crim., 10 mai 2012, pourvoi n° 11-81.437, Bull. crim. 2012, n° 114).

22. En conséquence, les parties civiles sont irrecevables à présenter toute demande nouvelle d'indemnisation autre que celle d'une augmentation des dommages-intérêts en raison du préjudice souffert depuis la première décision et d'une indemnité relative aux frais de procédure, depuis la même date.

23. Il résulte des pièces de procédure que, par arrêt pénal du 1er février 2019, la cour d'assises du Bas-Rhin, statuant en appel, a déclaré M. [Z] coupable et l'a condamné à des peines. Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils. Sur le pourvoi formé par M. [Z] contre le seul arrêt pénal, la Cour de cassation a cassé cette seule décision et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'assises du Haut-Rhin, par arrêt du 17 mars 2021. Cette juridiction, par l'arrêt attaqué du 1er décembre 2021, a accordé aux parties civiles des dommages-intérêts, et des indemnités pour frais de procédure.

24. En prononçant ainsi, alors que l'arrêt civil du 1er février 2019 était définitif, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés.

25. La cassation est, dès lors, encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le sixième moyen de cassation proposé, la Cour,

REJETTE le pourvoi en tant qu'il est formé contre l'arrêt pénal ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt civil susvisé de la cour d'assises du Haut-Rhin, en date du 1er décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Haut-Rhin et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze septembre deux mille vingt-deux.

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