7 September 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.266

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C300609

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 609 F-D

Pourvoi n° A 21-19.266




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4], [Adresse 6], dont le siège est [Adresse 4], [Adresse 6], représenté par son syndic la société Mabille, domicilié [Adresse 7], a formé le pourvoi n° A 21-19.266 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 8], prise en qualité d'assureur de la société Novalex,

2°/ à la société Novalex, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10],

3°/ à Mme [X] [V], domiciliée [Adresse 4],

4°/ à la société Foncière Saint-Honoré, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à Mme [L] [K], domiciliée [Adresse 4],

6°/ à Mme [M] [D], domiciliée [Adresse 5],

7°/ à M. [O] [D], domicilié [Adresse 4],

8°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

9°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

10°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

toutes trois ayant leur siège [Adresse 2], venant aux droits de Covéa Risks,

11°/ à la société 153 A belleville, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 9],

12°/ à M. [P] [Z], domicilié [Adresse 1],

13°/ à la société [Z] [P], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4], [Adresse 6], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la SMABTP, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Novalex, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] et [Adresse 6] (le syndicat des copropriétaires) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [V], la société Foncière Saint-Honoré, Mme [K], M. et Mme [D], les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, venant aux droits de Covea Risks, la société civile immobilière 153 A Belleville (la SCI 153 A Belleville), M. [Z] et la société [Z] [P].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2021), la société Foncière Saint-Honoré, en qualité de maître de l'ouvrage, a fait rénover les parties communes d'un immeuble et a vendu les appartements par lots à des copropriétaires qui ont aménagé leurs parties privatives.

3. La société [Z] [P] est intervenue en qualité de maître d'oeuvre, la société Novalex, en qualité d'entreprise générale, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), et la société Coreste, en qualité de contrôleur technique, assurée auprès de la SMABTP. Mme [K] et M. et Mme [D], copropriétaires, ont confié des travaux d'aménagement à la société Cogetra, depuis en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les compagnies MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

4. La réception est intervenue le 3 octobre 2005.

5. Se plaignant de désordres structurels, fissurations des plafonds, murs et façades, déformations de planchers, remontées capillaires, ainsi que des non-conformités relatives à la sécurité des occupants de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires, par acte du 4 avril 2007, a sollicité la désignation d'un expert, nommé par ordonnance du 25 avril 2007, rendue commune à la société Cogetra et à ses assureurs.

6. Par acte du 19 juin 2013, la SCI 153 A Belleville, copropriétaire du troisième étage ayant subi divers désordres, a assigné la société Novalex, le syndicat des copropriétaires, les sociétés Foncière Saint-Honoré, [Z] [P] et Coreste, et Mme [K].

7. Par acte du 17 décembre 2013, la société [Z] [P] a appelé en garantie la SMABTP, assureur des sociétés Novalex et Coreste.

8. Par acte du 4 novembre 2015, le syndicat des copropriétaires a assigné les sociétés Novalex, Foncière Saint-Honoré, [Z] [P], la SCI 153 A Belleville, Mme [K], M. et Mme [D], Mme [V] et la société Covea Risks, assureur de la société Cogetra.

9. Les instances ont été jointes.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

10. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 2244 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

11. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

12. Selon le second, une assignation, même en référé, signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir.

13. Il était jugé que, après réception, la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs pouvait être engagée pendant un délai de dix ans commençant à courir au jour de la réception. Cette solution a été consacrée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et figure désormais à l'article 1792-4-3 du code civil.

14. Pour déclarer irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires contre la société Novalex et son assureur, l'arrêt retient que le point de départ de la garantie contractuelle est la découverte du désordre, que la réception des travaux est intervenue le 3 octobre 2005 et que les désordres ont été constatés par l'architecte de l'immeuble dans son rapport du 15 février 2007, de sorte que c'est cette dernière date qui constitue le point de départ de la prescription de l'article 2224 du code civil.

15. Il retient également que l'assignation, par laquelle le syndicat des copropriétaires a sollicité du juge des référés le 4 avril 2007 une mesure d'expertise, a interrompu la prescription jusqu'à l'ordonnance du 25 avril 2007 ayant désigné l'expert et qu'un nouveau délai a commencé à courir à compter de cette date, mais que, la loi du 17 juin 2008 ayant réduit de dix à cinq ans le délai de prescription, celui-ci a recommencé à courir à compter du 19 juin 2008 jusqu'au 19 juin 2013, de sorte que l'assignation au fond du syndicat des copropriétaires du 4 novembre 2015 est tardive.

16. En statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité contractuelle pour faute prouvée des constructeurs est de dix ans à compter de la réception et qu'elle avait constaté que l'assignation délivrée le 4 avril 2007 avait interrompu le délai pour agir, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il déclare irrecevables comme prescrites les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et du [Adresse 6] contre la société Novalex et son assureur, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, relatives à la non-conformité de la paroi d'allège de la salle d'eau, de l'humidité en cave, des remontées capillaires et du piochage des halls d'entrée, rejette sa demande tendant à supprimer les 30 % de frais d'expertise mis à sa charge et ses demandes en paiement d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, des frais d'expertise et des dépens de première instance formées contre la société Novalex et son assureur, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, l'arrêt rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Novalex et la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Novalex et la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et du [Adresse 6] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.








MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4], [Adresse 6]

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et [Adresse 6] fait grief à l'arrêt d'AVOIR déclaré irrecevables comme prescrites ses demandes dirigées contre la société Novalex et son assureur la SMABTP relatives à la non-conformité de la paroi d'allège de la salle d'eau, de l'humidité en cave, des remontées capillaires et du piochage des halls d'entrée, d'AVOIR débouté le syndicat de sa demande tendant à voir réformer le jugement en ce qu'il avait mis à sa charge 30% des frais d'expertise et rejeté les demandes en paiement d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, des frais d'expertise et des dépens de première instance formées contre la société Novalex et la SMABTP ;

1°) ALORS QU'un syndicat de copropriétaire peut se prévaloir de l'effet interruptif attaché à l'assignation délivrée par un copropriétaire visant des désordres affectant indivisiblement les parties communes et privatives de l'immeuble ; qu'en retenant, pour juger prescrites les demandes du syndicat fondées sur la responsabilité contractuelle de la société Novalex, que « l'action intentée par la SCI 153 A Belleville par assignation du 19 juin 2013 n'a[vait] pas pu avoir d'effet interruptif au profit du syndicat des copropriétaires » et qu'il était « indifférent qu'à cette assignation soit annexé le rapport de l'architecte de la copropriété ou l'ordonnance de référé du 25 avril 2005 désignant l'expert judiciaire à la demande du syndicat des copropriétaires » puisque « l'assignation n'a d'effet interruptif que pour le demandeur » (arrêt page 10, al. 5), sans rechercher si l'assignation délivrée par la SCI 158 A Belleville ne visait pas la réparation de dommages résultant des mêmes désordres que ceux dénoncés par le syndicat dans la présente instance et s'ils affectaient indivisément les parties communes et des parties privatives de sorte que l'exposant était fondé à se prévaloir de l'effet interruptif de cet acte introductif d'instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut méconnaître l'objet du litige, tel qu'il est fixé par les conclusions respectives des parties ; qu'en retenant, pour juger que les demandes d'indemnisation formulées par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société Novalex et la SMABTP étaient prescrites, que « le syndicat des copropriétaires en cause d'appel invoqu[ait] à titre principal la responsabilité contractuelle des constructeurs et non la responsabilité décennale qui n'[était] par ailleurs invoquée par une autre partie » de sorte qu'il n'y avait n'y avait « lieu d'examiner la possible existence d'une prescription que pour la garantie contractuelle » (arrêt page 10, al. 4), quand le syndicat formulait des demandes relatives à la non-conformité au DTU de la paroi d'allège de la salle d'eau sur cour et à l'humidité en cave affectant le bâtiment B, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, invoquée à titre subsidiaire, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.