6 July 2022
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/15137

Chambre 1-8

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2022



N° 2022/346







N° RG 19/15137



N° Portalis DBVB-V-B7D-BE6FN







[O] [L]



[C] [U]





C/



[X] [I]









































Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Sophie VALAZZA





Me Elodie GOZZO

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 23 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/001411.





APPELANTS



Monsieur [O] [L]

né le 17 Août 1969 à TAMATAVE (MADAGASCAR), demeurant 13 rue Coulmier 83200 TOULON



Madame [C] [U]

née le 16 Avril 1973 à MELUN (77), demeurant 13 rue Coulmier 83200 TOULON



représentés et plaidant par Me Sophie VALAZZA, avocat au barreau de TOULON





INTIME



Monsieur [X] [I]

né le 26 Décembre 1968 à BORDEAUX (33), demeurant 438 Bd de l'Escaillon 83200 TOULON



représenté et plaidant par Me Elodie GOZZO, avocat au barreau de TOULON













*-*-*-*-*



COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller





Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2022.





ARRÊT



Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE



Suivant contrat sous signatures privées, Monsieur [X] [I] a donné à bail d'habitation à Monsieur [O] [L] et Madame [C] [U] à compter du 17 novembre 2014 un appartement de type 3 au sein d'un immeuble en copropriété situé 13 rue Coulmier à Toulon (83000), moyennant un loyer mensuel de base de 600 euros.



Par courrier du 3 juin 2015, les locataires se sont plaint auprès du syndic de l'absence d'entretien du local commun recevant les ordures ménagères, et notamment de l'accumulation de fientes de volatiles.



Ils ont également saisi de cette difficulté le service communal d'hygiène et de santé, qui a mis en demeure le syndic de prendre les mesures nécessaires afin de respecter le règlement sanitaire départemental.



Par courrier du 6 juin 2017, les locataires ont informé leur bailleur de l'infestation de leur logement par des insectes parasites, et l'ont mis en demeure d'y remédier.



La société AERAUTEC SERVICES a effectué une désinsectisation du logement entre le 23 juin et le 13 juillet 2017, qui s'est avérée toutefois inefficace.



Le 11 juin 2018, le service communal d'hygiène et de santé a adressé au syndic un dernier avis avant poursuites au sujet de l'entretien du local des ordures ménagères.



Par exploit d'huissier du 22 mars 2019, Monsieur [L] et Madame [U] ont assigné Monsieur [I] à comparaître devant le tribunal d'instance de Toulon afin de l'entendre condamner sous astreinte à effectuer les travaux nécessaires pour remettre le logement aux normes de décence, et lui réclamer restitution de la somme de 17.420 euros au titre des loyers indûment perçus depuis le 1er février 2017, outre le paiement d'une somme de 11.000 euros à titre de dommages-intérêts.



Par jugement réputé contradictoire rendu le 23 juillet 2019 et assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a fait partiellement droit à ces demandes en condamnant le bailleur à procéder à ses frais à la désinsectisation du logement sous peine d'une astreinte passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, ainsi qu'à payer à ses locataires une somme de 5.200 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices moral et financier, correspondant à 30 % du loyer échu entre les mois de juillet 2017 et juillet 2019, outre les dépens et une indemnité de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Les deux parties ont relevé appel par déclarations respectivement adressées le 30 septembre et le 3 octobre 2019 au greffe de la cour, qui ont fait l'objet d'une jonction.



Déférant à l'injonction du tribunal, le bailleur a fait réaliser une nouvelle désinsectisation de l'appartement par la société ADONIS FRANCE courant octobre 2019.



Les locataires ont finalement donné congé pour le 31 octobre 2020.





MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par conclusions notifiées le 31 mars 2020, Monsieur [O] [L] et Madame [C] [U] font valoir que le bailleur a manqué à l'obligation de délivrer un logement décent édictée par l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, prévoyant notamment que celui-ci doit être exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, et qu'il s'est toujours refusé à agir efficacement en ce sens.



Ils soutiennent que du fait de cette carence leur appartement est devenu totalement inhabitable, de sorte qu'ils sont en droit d'invoquer l'exception d'inexécution afin d'obtenir la répétition de l'intégralité des loyers indûment perçus depuis le 1er février 2017 jusqu'à la saisine du tribunal d'instance, outre des dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices tant moral que financier.



Ils demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le bailleur à procéder aux travaux de désinsectisation, mais de le réformer pour le surplus en le condamnant en outre à leur verser la somme de 17.420 euros au titre de la restitution des loyers et celle de 11.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que leurs entiers dépens et une indemnité de 2.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.



Par conclusions notifiées le 18 mars 2020, Monsieur [X] [I] soutient pour sa part que les locataires auraient trompé le premier juge en lui dissimulant l'existence des premières opérations de désinsectisation réalisées courant juin et juillet 2017.



Il fait valoir en outre :

- que la preuve d'une infestation du logement par des parasites n'est pas établie, les deux entreprises qui sont successivement intervenues en 2017 et 2019 n'ayant trouvé aucune trace de leur présence,

- et qu'en tout état de cause l'origine de cette infestation proviendrait des parties communes de l'immeuble, de sorte qu'il ne saurait en être tenu responsable, les locataires devant diriger leur action contre le syndicat des copropriétaires en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.



Il demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter les parties adverses de l'ensemble de leurs prétentions, et de les condamner en revanche à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre ses entiers dépens et une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




DISCUSSION



En vertu de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité ou à la santé de ses occupants, et notamment exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites. Il doit également assurer au locataire une jouissance paisible et le garantir contre les vices ou défauts de nature à y faire obstacle, et enfin entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat.



Le bailleur n'est pas en revanche responsable des troubles subis par son locataire du fait d'un défaut d'entretien des parties communes d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, s'il justifie avoir accompli toutes les diligences qui lui incombaient à l'égard du syndicat des copropriétaires.



En l'espèce il est établi par les pièces produites aux débats que l'immeuble dont s'agit a bien été infesté par des parasites en raison d'un défaut d'entretien du local commun de dépôt des ordures ménagères, en dépit d'une injonction délivrée au syndic par le service communal d'hygiène et de santé, leur présence s'étant ensuite propagée aux parties privatives, provoquant notamment le départ de deux locataires occupant les appartements du rez-de-chaussée et du premier étage, à savoir Madame [W] et le couple [F].



Le logement occupé au second par Monsieur [L] et Madame [U] a également été infesté, ainsi qu'il résulte d'un certificat médical du docteur [R] en date du 22 mai 2017 attestant que les cinq membres de la famille étaient atteints d'un prurit chronique en rapport certain avec une infection parasitaire.



Mis en demeure par ses locataires le 6 juin 2017, Monsieur [I] a fait réaliser par l'intermédiaire du syndic une désinsectisation du logement contre les punaises de lit confiée à l'entreprise AERAUTEC SERVICES.



Cependant, dès le 10 juillet 2017, les locataires lui ont fait savoir que ce traitement s'avérait inefficace dans la mesure où l'infestation était le fait de puces et non pas de punaises, et l'ont à nouveau mis en demeure de prendre les dispositions nécessaires et de traiter également les caves de l'immeuble.



Ils ont également écrit directement à la société AERAUTEC le 13 septembre 2017, sans recevoir apparemment de réponse.



Ils ont encore alerté leur bailleur par courrier du 25 mai 2018 pour lui rappeler qu'ils étaient toujours victimes de ces parasites, contre lesquels ils devaient lutter quotidiennement.



La réponse de Monsieur [I], adressée sur un simple 'post-it', s'est alors avérée étonnamment désinvolte, puisqu'il écrivait : 'Les traitements sont trop peu efficaces et coûteux. Il faut trouver un autre moyen ou faire comme les autres locataires (quitter le navire...).'



Elle met cependant à néant l'argumentation soutenue en cause d'appel, selon laquelle la réalité de l'infestation ne serait pas démontrée.



Ce n'est finalement qu'en octobre 2019 que le bailleur, contraint par la décision du premier juge, a fait réaliser un second traitement de désinsectisation, cette fois-ci contre les puces, par la société ADONIS.



Il résulte de cet historique des faits qu'en dépit d'une première intervention qui s'est avérée inefficace, Monsieur [I] n'a pas suffisamment pris en compte les difficultés rencontrées par ses locataires, et n'a pas usé des prérogatives dont il disposait en qualité de copropriétaire pour contraindre le syndicat à prendre les mesures nécessaires afin de remédier efficacement à l'infestation parasitaire de l'immeuble. Il convient donc de considérer qu'il a manqué à son obligation de délivrer un logement décent.



La présence de ces nuisibles ayant rendu le logement inhabitable, le bailleur ne peut prétendre au paiement du loyer, et les locataires sont bien fondés à invoquer l'exception d'inexécution pour réclamer la répétition des sommes versées à compter du 1er août 2017 jusqu'à la date de la saisine du tribunal d'instance, excepté toutefois le montant de l'allocation logement servie par la CAF pour laquelle ils n'ont pas qualité à agir.



Sur la foi des quittances produites aux débats, Monsieur [I] doit donc être condamné à leur verser à ce titre la somme de 8.145 euros.



Leur préjudice moral doit être en outre réparé par l'octroi d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts, et leur préjudice matériel par une indemnité de 873,67 euros correspondant à l'ensemble des factures d'achat de produits anti-parasitaires.



En revanche la valeur du mobilier mis au rebut ne fait l'objet d'aucune estimation chiffrée, de sorte que la cour n'est pas en mesure de retenir cette prétention.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement entrepris en ce qu'il retenu la responsabilité du bailleur et l'a condamné à procéder à ses frais à la désinsectisation du logement,







Le réforme pour le surplus quant au montant des condamnations pécuniaires prononcées, et statuant à nouveau de ces chefs :



Condamne Monsieur [X] [I] à restituer à Monsieur [O] [L] et Madame [C] [U] la somme de 8.145 euros au titre des loyers indûment perçus entre les mois d'août 2017 et mars 2019,



Le condamne également à payer aux demandeurs la somme de 2.000 euros en réparation de leur préjudice moral, et celle de 873,67 euros en réparation de leur préjudice matériel,



Déboute Monsieur [L] et Madame [U] du surplus de leurs prétentions,



Déboute Monsieur [I] de sa demande reconventionnelle,



Condamne Monsieur [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la partie adverse.





LA GREFFIERELE PRESIDENT

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