6 July 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.690

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00828

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 828 F-D

Pourvoi n° Q 20-21.690




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

La société Avipur France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-21.690 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [O] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Avipur France, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 octobre 2020), M. [L], salarié de la société Avipur France (la société) depuis le 31 août 2000, a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 10 juin 2011 et a saisi, le 8 août 2011, la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et la rupture de la relation de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, ci-après annexé


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de juger que la prise d'acte de la rupture devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner en conséquence à verser au salarié des dommages-intérêts et une indemnité de préavis , outre les congés payés afférents, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que le manquement invoqué au soutien d'une prise d'acte de la rupture doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que tel n'est pas le cas lorsque ledit manquement est ponctuel ou lorsque le salarié a agi de manière prématurée, sans permettre à l'employeur de régulariser la situation ; que bien que déboutant M. [L] de sa demande de rappels de salaire pour les mois de mars et d'avril 2010, la cour d'appel a retenu que le non paiement du salaire du mois de mai justifiait que la rupture soit imputée à la société Avipur France ; qu'en statuant de la sorte alors que le salarié avait pris acte le 10 juin de la rupture pour le non-paiement d'un salaire exigible le 31 mai, soit seulement 11 jours auparavant, et sans avoir alerté son employeur sur l'absence de versement de cette somme, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article L. 1231-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a constaté qu'à la date de la prise d'acte de la rupture, le 10 juin 2011, le salaire du mois de mai 2011 n'était pas payé et que ce manquement était imputable à l'employeur, a pu en déduire qu'il avait empêché la poursuite du contrat de travail.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une indemnité de préavis de démission, alors que « ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

7. Le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Avipur France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Avipur France et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Avipur France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Avipur France reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée en conséquence à verser à M. [L] les sommes de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 14 342,88 € à titre d'indemnité de préavis, de 1 434,28 € au titre des congés payés afférents et de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

1/ ALORS QUE le manquement invoqué au soutien d'une prise d'acte de la rupture doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que tel n'est pas lorsque ledit manquement est ponctuel ou lorsque le salarié a agi de manière prématurée, sans permettre à l'employeur de régulariser la situation ; que bien que déboutant M. [L] de sa demande de rappels de salaire pour les mois de mars et d'avril 2010, la cour d'appel a retenu que le non paiement du salaire du mois de mai justifiait que la rupture soit imputée à la société Avipur France ; qu'en statuant de la sorte alors que le salarié avait pris acte le 10 juin de la rupture pour le non-paiement d'un salaire exigible le 31 mai, soit seulement 11 jours auparavant, et sans avoir alerté son employeur sur l'absence de versement de cette somme, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;

2/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté, pour débouter M. [L] de ses demandes de rappels de salaire des mois de mars et avril 2010, que c'était lui qui, en sa qualité de gérant de la société Avipur Alsace, émettait les ordres de virement de son propre salaire, avait décidé de la mise en suspens de ces deux ordres en raison de la situation financière de la filiale puis finalement décidé du déblocage de son salaire ; qu'en retenant néanmoins, pour imputer la rupture à la société Avipur France, que le non-paiement du salaire de mai 2010 constituait un manquement suffisamment grave sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la non-exécution de l'ordre de virement préparé le 27 mai, ne résultait pas également d'une démarche du salarié en sa qualité de gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;

3/ ALORS QUE la société Avipur France avait rappelé (conclusions en appel p. 20) que M. [L] émettait en sa qualité de gérant les ordres de virement des salaires, dont le sien, et convenait seul avec la banque de leur suspension éventuelle compte tenu de la situation de la filiale qu'il gérait ; qu'elle avait également souligné qu'il avait personnellement préparé le 27 mai 2010 un ordre de virement relatif à sa propre rémunération du mois de mai, virement qui n'avait finalement pas eu lieu sans qu'elle en soit informée ; qu'en se bornant, pour lui imputer la rupture des relations contractuelles, à relever que le salaire du mois de mai exigible le 31 mai n'avait pas été réglé au jour de la prise d'acte de la rupture le 10 juin, sans répondre au moyen des écritures de la société tiré de ce que ce retard était en réalité imputable au salarié lui-même en sa qualité de gérant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4/ ALORS QUE le manquement invoqué par le salarié au soutien de sa prise d'acte doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en se contentant d'affirmer que le non-paiement du salaire du mois de mai 2011 constituait un manquement suffisamment grave pour rendre impossible le maintien du contrat de travail, sans expliquer en quoi le retard de versement, onze jours seulement après son exigibilité, d'un unique élément de rémunération normalement versé sur le compte du salarié à sa propre initiative en sa qualité de gérant, constituerait un manquement suffisamment grave pour que la rupture soit imputée à la société Avipur France, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Avipur France reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité de préavis de démission ;

ALORS QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile.

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