6 July 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.550

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100584

Titres et sommaires

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif à un ouvrage public - Applications diverses - Décision d'une personne publique d'implanter un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée

Si la décision d'une personne publique d'implanter un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété, elle n'a pas pour effet l'extinction de ce droit, de sorte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le recours en annulation de cette décision, ainsi que sur la réparation de ses conséquences dommageables

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif à un ouvrage public - Recours en annulation d'une décision d'une personne publique portant atteinte à la propriété

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif à un ouvrage public - Action en réparation des conséquences dommageables d'une décision administrative portant atteinte à la propriété

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 584 F-B

Pourvoi n° N 21-13.550




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

Mme [X] [M], domiciliée [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° N 21-13.550 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d'appel de [Localité 4] (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [M], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Enedis, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 4], 18 janvier 2021), suivant acte authentique du 26 octobre 2006, Mme [M] a acquis un bien immobilier à [Localité 3].

2. Soutenant qu'un transformateur électrique avait été installé sans autorisation sur sa propriété, Mme [M] a assigné la société Enedis devant la juridiction judiciaire en paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité d'occupation jusqu'à son déplacement ou sa suppression. En appel, la société Enedis a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors :

« 1°/ que le paiement d'une indemnité d'occupation ne constitue pas une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, de sorte que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître d'une telle demande, dirigée contre une personne privée ; qu'en subordonnant la compétence du juge judiciaire pour connaître d'une demande en paiement d'indemnité d'occupation dirigée contre la société Enedis, personne morale de droit privé, à l'existence d'une voie de fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

2°/ que Mme [M] faisait valoir que le déplacement du poste électrique s'avérait impossible dès lors qu'il servait à alimenter en électricité toute la commune d'[Localité 3] de sorte que l'implantation irrégulière du transformateur électrique comportait extinction de son droit de propriété ; qu'en retenant que la demande de Mme [M] portait sur l'indemnisation de la privation de jouissance de 11 m2 de sa propriété résultant de l'existence d'un relais électrique, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se bornant à retenir que l'implantation sans titre de l'ouvrage litigieux ne constituait pas une voie de fait sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, elle ne constituait pas une emprise irrégulière qui, entraînant une dépossession définitive, avait pour effet l'extinction de son droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

4. Si la décision d'une personne publique d'implanter un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété, elle n'a pas pour effet l'extinction de ce droit, de sorte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le recours en annulation de cette décision ainsi que sur la réparation de ses conséquences dommageables.

5. La cour d'appel a relevé que Mme [M] invoquait l'irrégularité de l'installation du transformateur électrique et demandait l'indemnisation des préjudices qui en résultait.

6. Il en résulte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions de Mme [M] tendant à la réparation des conséquences de l'atteinte portée à sa propriété, laquelle n'a pas pour effet l'extinction de son droit de propriété.

7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [M].

Mme [M] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire, de s'être déclarée incompétente et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

1°) ALORS QUE le paiement d'une indemnité d'occupation ne constitue pas une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, de sorte que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître d'une telle demande, dirigée contre une personne privée ; qu'en subordonnant la compétence du juge judiciaire pour connaître d'une demande en paiement d'indemnité d'occupation dirigée contre la société Enedis, personne morale de droit privée, à l'existence d'une voie de fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

Subsidiairement 2°) ALORS QUE Mme [M] faisait valoir que le déplacement du poste électrique s'avérait impossible dès lors qu'il servait à alimenter en électricité toute la commune d'[Localité 3] de sorte que l'implantation irrégulière du transformateur électrique comportait extinction de son droit de propriété ; qu'en retenant que la demande de Mme [M] portait sur l'indemnisation de la privation de jouissance de 11 m2 de sa propriété résultant de l'existence d'un relais électrique, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en se bornant à retenir que l'implantation sans titre de l'ouvrage litigieux ne constituait pas une voie de fait sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, elle ne constituait pas une emprise irrégulière qui, entrainant une dépossession définitive, avait pour effet l'extinction de son droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790.

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