30 June 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.272

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200719

Titres et sommaires

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement - Déchéance - Causes - Paiement illicite - Extinction d'une dette par compensation - Exclusion

L'article L. 722-5, alinéa 1er, du code de la consommation ne fait pas obstacle à ce que la dette d'un débiteur admis à une procédure de surendettement soit éteinte par l'effet de la compensation, lorsqu'elle est invoquée par le créancier, cette opération n'aggravant pas l'insolvabilité de ce débiteur et ne constituant ni un paiement, mais l'extinction simultanée d'obligations réciproques, ni un acte volontaire de disposition de son patrimoine

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement - Procédure - Demande d'ouverture - Recevabilité - Décision de la commission - Effets - Interdiction de paiement des dettes - Exclusion - Extinction d'une dette par compensation

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 juin 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 719 F-B

Pourvoi n° Z 21-10.272






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022

La société Intrum Debt Finance AG, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1] (Suisse), représentée en France par la société Intrum Corporate, société par action simplifiée unipersonnelle, a formé le pourvoi n° Z 21-10.272 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Riom (première chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [O] [R], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de la société Intrum Debt Finance AG, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 décembre 2020) et les productions, M. [R] a été condamné, par un jugement du 29 mai 2013, à payer à la Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin une somme de 209 372,65 euros outre intérêts et capitalisation, créance ensuite cédée à la société Intrum Debt Finance AG (la société).

2. Le 5 mai 2017, M. [R] a obtenu la condamnation de cette société à lui payer une somme de 158 350,84 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'absence de notification de la cession de créance.

3. Le 3 août 2017, M. [R] a été déclaré recevable à la procédure de traitement du surendettement des particuliers.

4. Par jugement du 3 mars 2020, un juge de l'exécution a débouté la société de son recours contre le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 8 octobre 2019 à la requête de M. [R] en exécution du jugement du 5 mai 2017, confirmé par arrêt du 10 octobre 2018.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de son recours contre le commandement aux fins de saisie-vente délivré à l'initiative de M. [O] [R] le 8 octobre 2019, alors :

« 1° / que le jugement confère immédiatement à la partie gagnante la qualité de créancier, dès lors que l'arrêt rendu par la suite est confirmatif ; qu'en affirmant, par adoption de motifs, que la créance de M. [R] n'était devenue certaine, liquide et exigible qu'à compter de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Riom du 10 octobre 2018, de sorte que la compensation n'avait pu s'opérer à cette date en raison de l'ouverture d'une procédure de surendettement à l'égard de M. [R] au mois d'août 2018, cependant que le droit de créance de ce dernier était acquis dès le 5 mai 2017, date du jugement frappé de recours, la cour d'appel a violé l'article 539 du code de procédure civile ;

2°/ que la compensation s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ; qu'en considérant que la compensation ne pouvait s'opérer au jour du jugement du 5 mai 2017, lequel reconnaissait le droit de créance de M. [R], au motif que « selon l'article 1347 du code civil, désormais applicable puisqu'issu de la réforme du 10 février 2016, la compensation n'opère plus de plein droit mais doit être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies », cependant qu'à l'inverse, selon le texte nouveau, la compensation s'opère à la date où ses conditions se trouvent réunies, soit en l'occurrence au 5 mai 2017, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 539 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement, le recours exercé dans le délai étant également suspensif.

7. Ayant relevé, par motifs adoptés, d'une part, qu'en matière indemnitaire, les décisions de justice ont un effet constitutif et non simplement déclaratif, d'autre part, que le jugement du 5 mai 2017 ayant arrêté le premier la créance indemnitaire de M. [R] avait été régulièrement frappé d'appel de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme étant née et liquide et exigible qu'à compter de l'arrêt confirmatif du 8 octobre 2019, et énoncé que selon l'article 1347 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la compensation n'opère plus de plein droit mais doit être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les conditions de la compensation étaient réunies à la date de l'arrêt confirmatif de la créance indemnitaire.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. La société fait le même grief à l'arrêt, alors qu'« en toute hypothèse, l'ouverture d'un plan de surendettement ne fait pas obstacle à la compensation entre les créances des parties ; qu'en jugeant le contraire, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait (p. 4, alinéa 10), la cour d'appel a violé l'article L. 722-5 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 722-5, 1er alinéa, du code de la consommation :

10. Selon ce texte, la suspension et l'interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur emportent interdiction pour celui-ci de faire tout acte qui aggraverait son insolvabilité, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu'alimentaire, y compris les découverts mentionnés aux 10° et 11° de l'article L. 311-1, née antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale du patrimoine.

11. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la dette d'un débiteur admis à une procédure de surendettement soit éteinte par l'effet de la compensation, lorsqu'elle est invoquée par le créancier, cette opération n'aggravant pas l'insolvabilité de ce débiteur et ne constituant ni un paiement, mais l'extinction simultanée d'obligations réciproques, ni un acte volontaire de disposition de son patrimoine.

12. Pour confirmer le jugement ayant débouté la société de son opposition au commandement de saisie vente fondée sur la compensation des dettes réciproques, la cour d'appel, par motifs adoptés, retient en substance que le paiement par compensation n'a pu s'opérer en raison de la situation de surendettement du débiteur.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Intrum Debt Finance AG, représentée en France par la société Intrum Corporate

La société Intrum Debt Finance AG reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de son recours contre le commandement aux fins de saisie-vente délivré à l'initiative de M. [O] [R] le 8 octobre 2019 ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le jugement frappé d'appel confère immédiatement à la partie gagnante la qualité de créancier, dès lors que l'arrêt rendu par la suite est confirmatif ; qu'en affirmant, par adoption de motifs (cf. jugement entrepris, p. 4, alinéa 1er), que la créance de M. [R] n'était devenue certaine, liquide et exigible qu'à compter de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Riom du 10 octobre 2018, de sorte que la compensation n'avait pu s'opérer à cette date en raison de l'ouverture d'une procédure de surendettement à l'égard de M. [R] au mois d'août 2018, cependant que le droit de créance de ce dernier était acquis dès le 5 mai 2017, date du jugement frappé de recours, la cour d'appel a violé l'article 539 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la compensation s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ; qu'en considérant que la compensation ne pouvait s'opérer au jour du jugement du 5 mai 2017, lequel reconnaissait le droit de créance de M. [R], au motif que « selon l'article 1347 du code civil, désormais applicable puisqu'issu de la réforme du 10 février 2016, la compensation n'opère plus de plein droit mais doit être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 7), cependant qu'à l'inverse, selon le texte nouveau, la compensation s'opère à la date où ses conditions se trouvent réunies, soit en l'occurrence au 5 mai 2017, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QU'en toute hypothèse, l'ouverture d'un plan de surendettement ne fait pas obstacle à la compensation entre les créances des parties ; qu'en jugeant le contraire, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait (p. 4, alinéa 10), la cour d'appel a violé l'article L. 722-5 du code de la consommation.

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