22 June 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-20.387

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C100524

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 juin 2022




Cassation partielle sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 524 F-D

Pourvoi n° Y 20-20.387


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

1°/ M. [V] [S],

2°/ Mme [C] [S],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Y 20-20.387 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [B] [T], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [V] [S] et de Mme [C] [S], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [T], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 18 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 mai 2019, pourvoi n° 18-16.666), par acte du 8 mars 2012, [P] [S], marié en 2003 avec Mme [T], sans contrat préalable, a consenti à ses deux enfants issus d'un précédent mariage, M. [V] [S] et Mme [C] [S] (les consorts [S]), une donation portant sur la nue-propriété de biens immobiliers propres, dont l'un constituait le logement de la famille, en stipulant une réserve d'usufruit à son seul profit.

2. Il est décédé le 5 février 2013, au cours de l'instance en divorce engagée par son épouse.

3. Mme [T] a assigné les consorts [S], sur le fondement de l'article 215, alinéa 3, du code civil, en annulation de la donation, son consentement n'ayant pas été requis.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Les consorts [S] font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de Mme [T], alors « que la règle posée par l'article 215, alinéa 3, du code civil ne protège le logement familial que pendant le mariage ; qu'en annulant la donation consentie par [P] [S] le 8 mars 2012, au motif inopérant que Mme [T] occupait le domicile conjugal à cette date, cependant qu'elle constatait que l'acte de donation ne portait que sur la nue-propriété de l'immeuble et non sur l'usufruit que s'était réservé [P] [S], ce dont il résultait nécessairement que la donation litigieuse n'avait pas porté atteinte à l'usage et à la jouissance du logement familial par Mme [T] pendant le mariage comme l'avait du reste expressément constaté la Cour de cassation dans son arrêt du 22 mai 2019 la désignant comme juridiction de renvoi, la cour d'appel de Papeete n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 215, alinéa 3, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 215, alinéa 3, du code civil :

5. Selon ce texte, les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille.

6. Cette règle, qui procède de l'obligation de communauté de vie des époux, ne protège le logement familial que pendant le mariage.

7. Pour accueillir la demande de Mme [T], après avoir relevé que celle-ci a la qualité de conjoint successible, au sens de l'article 757 du code civil, et que cette qualité ne peut dépendre des agissements d'un époux à l'encontre de l'autre, mais uniquement de la loi et du régime matrimonial, l'arrêt retient que l'acte de donation du 8 mars 2012 a porté atteinte à l'usage et la jouissance du logement familial par Mme [T], de sorte que l'absence de mention du consentement de l'épouse dans l'acte justifie son annulation.

8. En statuant ainsi, alors que la donation litigieuse n'avait pas porté atteinte à l'usage et à la jouissance du logement familial par Mme [T] pendant le mariage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Ainsi que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'action de Mme [T] recevable, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME pour le surplus le jugement du 17 juin 2015;

REJETTE toutes les demandes de Mme [T] ;

Condamne Mme [T] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [T] et la condamne à payer à M. [V] [S] et Mme [C] [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Berthomier, greffier présent lors du prononcé.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. [V] [S] et Mme [C] [S].

Les consorts [S] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal civil de première instance de Papeete ayant annulé la donation consentie à leur profit par [P] [S] suivant acte de Maître [X] [N], notaire à Papeete, du 8 mars 2012,

ALORS QUE la règle posée par l'article 215, alinéa 3, du code civil ne protège le logement familial que pendant le mariage ; qu'en annulant la donation consentie par [P] [S] le 8 mars 2012, au motif inopérant que Mme [T] occupait le domicile conjugal à cette date, cependant qu'elle constatait que l'acte de donation ne portait que sur la nue-propriété de l'immeuble et non sur l'usufruit que s'était réservé [P] [S] (arrêt attaqué, p. 2, alinéa 7), ce dont il résultait nécessairement que la donation litigieuse n'avait pas porté atteinte à l'usage et à la jouissance du logement familial par Mme [T] pendant le mariage comme l'avait du reste expressément constaté la Cour de cassation dans son arrêt du 22 mai 2019 la désignant comme juridiction de renvoi, la cour d'appel de Papeete n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 215, alinéa 3, du code civil.

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